Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 8 août 2017, le 16 mai 2018, et le 6 août 2018 la société Orange, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 29 juin 2017 en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation des articles 11 A, 11 B, 23, 27, 37 A, 37 C, 38 A et 46 du règlement de voirie adopté par délibération de la commission permanente du conseil général du Gard en date du 11 décembre 2014 ;
2°) d'annuler les articles 11 A, 11 B, 23, 27, 37 A, 37 C, 38 A et 46 du règlement de voirie ;
3°) de mettre à la charge du département du Gard la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas répondu à plusieurs moyens soulevés à l'encontre de l'article 27 du règlement de voirie tirés du défaut de base légale, de l'atteinte excessive portée au droit de la société d'occuper le domaine public, de la méconnaissance des dispositions relatives à la pollution des sols et à la police des déchets, à la réalisation d'études préalables, à l'obligation d'entretien à la charge du département et du pouvoir de police conféré au département ;
- le considérant 20 du jugement attaqué est inintelligible ;
- les premiers juges ont considéré à tort que les mentions de la délibération du 11 décembre 2014 relatives à la présence de personnes ayant donné procuration à un tiers relevaient d'une erreur matérielle insusceptible d'entacher d'illégalité le règlement de voirie ;
- les articles 11 A et 38 A du règlement de voirie imposent une définition conjointe des modalités techniques de réalisation des travaux par l'occupant, conduisant en cas de désaccord à la définition de ces modalités par le gestionnaire lui-même ce qui constitue une atteinte excessive au droit d'occuper le domaine public ; ces dispositions ont pour effet d'imposer des modalités techniques impossibles à mettre en oeuvre en cas d'intervention urgente sur le réseau ;
- les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 11 B du règlement de voirie, en ce qu'elles imposent la mise en place d'un dispositif anti-végétation autour du pied des supports, portent une atteinte excessive aux droits de l'occupant dès lors que de tels travaux excèdent la simple remise en état des lieux de la chaussée ;
- les articles 11 B et 37 A du règlement de voirie imposent une distance minimale pour l'implantation de certains ouvrages, portant ainsi une atteinte manifestement excessive au droit d'occuper la voirie départementale ;
- les dispositions de l'article 23 du règlement de voirie qui imposent un regroupement de réseaux dans une même tranchée portent une atteinte excessive aux droits des occupants du domaine public routier en ce qu'elles les obligent à synchroniser leurs travaux ;
- les dispositions de l'article 27 du règlement de voirie, imposant aux opérateurs la détection d'amiante, portent une atteinte excessive au droit d'occupation du domaine public routier en ce qu'elles excèdent les prestations qui peuvent être régulièrement mises à la charge des occupants du domaine public prévues par les dispositions des articles L. 4121-3, L. 4531-1, L. 4121-2 et R. 4412-97 du code du travail ; les prestations de diagnostic des sols ne sont pas indispensables à la protection du domaine public et vont au-delà de la simple remise en état de la voirie ; elles relèvent non pas d'une stricte protection du domaine public, mais d'une optimisation de celui-ci ; cette prise en charge revêt un caractère systématique, inutile et excessif ;
- ces dispositions méconnaissent l'obligation incombant au département d'assurer la charge normale d'entretien de la voirie et la législation relative à l'amiante en application des dispositions des articles L. 131-2 du code de la voirie routière et L. 3321-1 du code général des collectivités territoriales ;
- ces mêmes dispositions sont dépourvues de base légale dès lors que l'article R. 141-14 du code de la voirie routière ne prévoit pas qu'un règlement de voirie puisse porter sur la réalisation d'études préalables quant à la recherche d'amiante ;
- elles sont la cause d'une rupture d'égalité des intervenants devant les charges publiques ;
- elles constituent un transfert irrégulier des obligations pesant sur le département en exécution des dispositions de l'article L. 556-3 du code de l'environnement ;
- elles méconnaissent le principe du " pollueur-payeur " " tel qu'énoncé par les dispositions des articles L. 110-1 et L. 541-2 du code de l'environnement pris pour la transposition de la directive 2008/98/CE dès lors que le département, qui doit être regardé comme le détenteur antérieur ou initial des déchets pollués par l'amiante, qui a nécessairement consenti ou contribué à la mise en oeuvre de matériaux pollués par l'amiante en sa qualité de propriétaire de la voirie, est donc tenu de prendre en charge le coût de la gestion des couches de chaussée polluées ainsi que celui correspondant aux investigations nécessaires ;
- elles méconnaissent le principe selon lequel le département est tenu à une obligation d'information en matière environnementale tel que prévu par le 4° de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;
- en mettant à la charge des concessionnaires le coût des investigations de recherche d'amiante en toute circonstance, y compris pour les enrobés réalisés postérieurement au décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996, les dispositions de l'article 27 du règlement de voirie méconnaissent les dispositions dudit décret ;
- les dispositions des articles 37 C du règlement de voirie qui imposent la réalisation d'études analysant l'impact sur le trafic ou obligent les intervenants à justifier certains choix techniques, alourdissent les délais et les coûts d'intervention des occupants du domaine public de sorte qu'elles portent une atteinte excessive à leurs droits ;
- l'article 46 du règlement de voirie en tant qu'il impose le recours à une entreprise spécialisée pour la reconstruction de la signalisation horizontale porte une atteinte excessive au droit d'occupation dont elle dispose.
La société Orange a présenté un mémoire le 12 octobre 2018 qui n'a pas été communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense enregistrés le 25 juin 2018 et le 10 septembre 2018, le département du Gard conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Orange au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués à l'encontre du règlement de voirie ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la voierie routière ;
- le code de l'énergie ;
- le code du code du travail ;
- le code de l'environnement ;
- le code des postes et des communications électroniques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. B...,
- les observations de Me E..., représentant la société Orange, et les observations de Me H..., représentant le département du Gard.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 11 décembre 2014, la commission permanente du conseil général du Gard a adopté un nouveau règlement de voirie. Par un arrêté du 11 mars 2015, le président du conseil général du Gard a approuvé ce règlement. La société Orange a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation des dispositions des articles 11, 23, 27, 36, 37, 38 et 46 du règlement de voirie. Par un jugement du 29 juin 2017, le tribunal a annulé l'article 36 ainsi que partiellement les articles 37 D et 38 D et a rejeté le surplus des conclusions. La société Orange relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation des articles 11 A, 11 B, 23, 27, 37 A, 37 C, 38 A et 46.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des mentions du jugement attaqué, en particulier ses points 17 à 21, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la société Orange, ont suffisamment motivé leur jugement en réponse aux moyens invoqués par cette société tirés de ce que les prescriptions de l'article 27 du règlement de voirie lui imposeraient des contraintes qui excèdent la seule remise en état de la voirie et transféreraient de façon irrégulière la qualité de donneur d'ordre au sens des dispositions du code du travail. Par ailleurs, les dispositions de l'article 27 étant étrangères au régime du traitement et de gestion des déchets susceptibles d'être générés par les travaux, les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre au moyen inopérant tiré de la méconnaissance des dispositions du code de l'environnement régissant la présence de pollution dans les sols.
4. Le moyen invoqué par la société Orange tiré de ce que les motifs sur lesquels les premiers juges se sont fondés pour écarter le moyen tiré de l'illégalité de l'article 27 du règlement seraient incompréhensibles n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé du jugement et ne peut dès lors qu'être écarté.
5. Il résulte de ce qui précède que le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe de la délibération du 11 décembre 2014 :
6. Le règlement litigieux a été approuvé par délibération de la commission permanente du conseil général du Gard en date du 11 décembre 2014. Si cette délibération mentionne à la fois que MM. A... et F... avaient donné procuration à d'autres conseillers généraux et qu'ils étaient " présents lors de l'examen de ce dossier ", cette contradiction relevant d'une erreur matérielle n'est pas de nature, à elle seule, à entacher d'illégalité le règlement en litige, qui au demeurant a été adopté à l'unanimité. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de l'acte ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne de la délibération du 11 décembre 2014 :
7. Aux termes de l'article L. 113-3 du code de la voirie routière : " Sous réserve des prescriptions prévues à l'article L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public (...) peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre. (...) ". Aux termes de l'article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques : " Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, à l'exception des réseaux et infrastructures de communications électroniques, et de servitudes sur les propriétés privées mentionnées à l'article L. 48, dans les conditions indiquées ci-après. (...) L'installation des infrastructures et des équipements doit être réalisée dans le respect de l'environnement et de la qualité esthétique des lieux, et dans les conditions les moins dommageables pour les propriétés privées et le domaine public. ". Selon l'article L. 47 de ce code : " Les exploitants de réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation. / Les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des réseaux et de leurs abords sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière. / L'occupation du domaine routier fait l'objet d'une permission de voirie, délivrée par l'autorité compétente, suivant la nature de la voie empruntée, dans les conditions fixées par le code de la voirie routière. La permission peut préciser les prescriptions d'implantation et d'exploitation nécessaires à la circulation publique et à la conservation de la voirie. / L'autorité mentionnée à l'alinéa précédent doit prendre toutes dispositions utiles pour permettre l'accomplissement de l'obligation d'assurer le service universel des communications électroniques. Elle ne peut faire obstacle au droit de passage des exploitants de réseaux ouverts au public qu'en vue d'assurer, dans les limites de ses compétences, le respect des exigences essentielles, la protection de l'environnement et le respect des règles d'urbanisme. ". Selon l'article L. 141-11 du code de la voirie routière : " Le conseil municipal détermine, après concertation avec les services ou les personnes intervenant sur le domaine public, les modalités d'exécution des travaux de réfection des voies communales dans lesquelles des tranchées ont été ouvertes. Il détermine également l'évaluation des frais qui peuvent être réclamés aux intervenants lorsque ces derniers n'ont pas exécuté tout ou partie de ces travaux. (...) ". L'article 131-7 de ce code précise que " (...) Le conseil départemental exerce les mêmes attributions que celles dévolues au conseil municipal par l'article L. 141-11. (...) ". Aux termes de l'article R141-14 du même code : " Un règlement de voirie fixe les modalités d'exécution des travaux de remblaiement, de réfection provisoire et de réfection définitive conformément aux normes techniques et aux règles de l'art. Il détermine les conditions dans lesquelles le maire peut décider que certains des travaux de réfection seront exécutés par la commune. (...). En vertu de l'article R131-11 du même code, ces dispositions sont applicables aux travaux de remblaiement des tranchées ouvertes sur les routes départementales et aux travaux de réfection de celles-ci.
8. Il résulte de ces dispositions que la société Orange, en sa qualité d'exploitant de réseaux de télécommunications ouverts au public, est titulaire d'un droit de passage sur le domaine public routier du département du Gard afin d'y implanter ses ouvrages. Toutefois, ce droit ne peut s'exercer que dans les conditions prévues, en particulier, par le règlement de voirie et l'autorité compétente pour édicter ce règlement peut subordonner l'exercice de ce droit aux conditions qui se révèlent indispensables pour assurer la protection de son domaine public routier et en garantir un usage répondant à sa destination.
S'agissant des articles 11 A et 38 A du règlement de voirie :
9. Aux termes de l'article 11 A du règlement de voirie : " Les ouvrages doivent être réalisés à l'endroit de la voie qui perturbe le moins possible sa gestion et celle des équipements déjà existants. Dans la mesure du possible, ils sont implantés dans les zones les moins sollicitées. Sur les chaussées de moins de 3 ans en agglomération et de mois de 5 ans hors agglomération, les travaux seront réalisés selon les modalités techniques définies conjointement par les services de la voirie et l'occupant du domaine public, afin de tenir compte des droits de l'occupant du domaine public et de préserver l'intégrité du domaine public routier ainsi qu'un usage conforme à sa destination ". Aux termes de l'article 38 A du même règlement : " Afin de limiter la gêne occasionnée aux usagers et de préserver le domaine public, l'implantation de canalisations transversales à la chaussée fera l'objet d'une étude détaillée par le pétitionnaire explicitant le choix technique qu'il propose. Cette proposition devra notamment intégrer le coût de la gêne à la circulation. La recherche d'une solution technique pourra être menée avec l'appui du gestionnaire de la voie mieux à même d'évaluer les contraintes liées au trafic. / En l'absence de ces éléments d'appréciation, le gestionnaire de la voie préconisera la solution de traversée en fonçage ou forage dirigé sur le réseau de niveaux 1 et 2, la solution ne limitant pas la capacité d'écoulement du trafic ".
10. Les dispositions en litige prévoient la mise en oeuvre de modalités techniques définies conjointement entre le département et l'occupant du domaine public routier pour les chaussées récentes et envisagent, dans le cas d'implantation de canalisations transversales à la chaussée, la recherche d'une solution technique avec l'appui du gestionnaire de la voie. De telles prescriptions, qui encadrent les modalités d'exécution des travaux incombant aux intervenants sur le domaine public routier du département du Gard afin d'en garantir la protection, entrent dans le champ d'application de l'article R* 141-14 du code de l'environnement cité au point 8 du présent arrêt. Dès lors, les dispositions des articles 11 A et 38 A du règlement de voirie n'ont pas porté une atteinte excessive aux droits de la société requérante d'occuper ce domaine public.
S'agissant de l'article 11 B alinéa 2 du règlement de voirie :
11. Aux termes de l'article 11 B alinéa 2 du règlement de voirie : " la mise en oeuvre d'un dispositif anti végétation dans un rayon de 0,50 m autour du pied des supports pourra être imposée à l'occupant par le gestionnaire, lorsque la conservation des dépendances de la voirie le nécessitera ".
12. Ces dispositions n'ont pas pour objet d'imposer de façon systématique l'installation de dispositifs anti-végétation, mais se bornent à prévoir que la mise en oeuvre d'un tel dispositif pourra être imposée, uniquement lors de l'installation de réseaux aériens, et seulement lorsque la conservation des dépendances de la voirie le nécessitera dès lors que la présence d'un réseau aérien ne permet pas l'intervention des engins de fauchage en vue d'assurer la conservation du domaine. Dans ces conditions, ces dispositions, qui ne portent pas une atteinte excessive au droit d'occupation dont dispose la société requérante, n'ont pas pour effet de transférer illégalement sur cette dernière l'obligation d'entretien de la voirie qui incombe au département.
S'agissant des articles 11 B et 37 A du règlement de voirie :
13. Aux termes de l'article 11 B du règlement de voirie : " Lorsque les réseaux ne peuvent être enterrés, il importe que leur implantation soit réalisée conformément aux règles de l'art afin de ne pas porter atteinte à la sécurité routière. Les textes de référence (instructions et guides du réseau scientifique et technique national) recommandent pour les routes multifonctionnelles à une chaussée hors agglomération une zone de sécurité dans laquelle des exigences particulières sont formulées en ce qui concerne notamment les obstacles ponctuels. Par conséquent, il sera recherché une implantation des réseaux en dehors de la zone dite " de sécurité ". La largeur de cette zone de sécurité vaut à compter de la bande de rive de la chaussée. Elle est fixée, pour les routes aux vitesses pratiquées supérieures à 75 km/h à 4 mètres pour une route existante et 7 mètres pour un aménagement neuf. Le gestionnaire de la voirie dispose de la possibilité de réduire ces distances en configuration de déblai ou pour des vitesses pratiquées inférieures, Cette recherche d'implantation en dehors de la zone de sécurité ne sera pas faite au détriment des droits des occupants de droit du domaine public. Toutefois, ces derniers devront rechercher et proposer (avec l'appui du gestionnaire de la voie si nécessaire) une solution technique permettant d'assurer au mieux la sécurité des usagers de la route (par exemple en enfouissant les réseaux ou en les protégeant au moyen de dispositifs de retenue) ". Aux termes de l'article 37 A du règlement de voirie : " les règles de l'art préconisent que l'ouverture des tranchées soit réalisée à une distance minimale de 2 mètres des arbres (...) toute demande de dérogation à ces principes pourra être examinée par le gestionnaire ".
14. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif dont la réponse est suffisamment motivée sur ce point, les dispositions de l'article 11 B du règlement de voirie ont pour objet de mettre à la charge des opérateurs l'obligation de " rechercher et proposer " la solution la plus adaptée pour assurer la sécurité des usagers. L'implantation en dehors de la zone dite " de sécurité " n'est qu'une recommandation et non pas une interdiction de principe, laquelle ne s'impose pas aux opérateurs de réseaux, ne remettant pas ainsi en cause leur droit d'occupation du domaine public. Les dispositions de l'article 37 A concernant la distance minimale de l'ouverture des tranchées vis-à-vis de l'implantation des arbres relèvent de préconisations elles-mêmes susceptibles de dérogation. Par suite, l'ensemble de ces dispositions n'est pas totalement étranger à la conservation du domaine ni à la règlementation de l'exercice par les concessionnaires de leur droit d'occupation du domaine, auquel il n'est pas porté une atteinte excessive.
S'agissant de l'article 23 du règlement de voirie :
15 Aux termes de l'article 23 du règlement de voirie, lequel vise les articles L. 131-7, R. 131-10 et L. 115-1 du code de la voirie routière : " Dans le cas où plusieurs réseaux doivent desservir une même parcelle, il pourra être imposé par le gestionnaire du domaine public un regroupement des réseaux dans une même tranchée ".
16. Aux termes de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière : " A l'intérieur des agglomérations, le maire assure la coordination des travaux affectant le sol et le sous-sol des voies publiques et de leurs dépendances, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat sur les routes à grande circulation. Les propriétaires, affectataires ou utilisateurs de ces voies, les permissionnaires, concessionnaires et occupants de droit communiquent périodiquement au maire le programme des travaux qu'ils envisagent de réaliser ainsi que le calendrier de leur exécution. Le maire porte à leur connaissance les projets de réfection des voies communales. Il établit, à sa diligence, le calendrier des travaux dans l'ensemble de l'agglomération et le notifie aux services concernés. Le refus d'inscription fait l'objet d'une décision motivée, sauf lorsque le revêtement de la voie, de la chaussée et des trottoirs n'a pas atteint trois ans d'âge. Lorsque les travaux sont inscrits à ce calendrier, ils sont entrepris à la date ou au cours de la période à laquelle ils sont prévus sous réserve des autorisations légalement requises. / Pour les travaux en agglomération qui n'ont pas fait l'objet de la procédure de coordination prévue ci-dessus, soit parce qu'ils n'étaient pas prévisibles au moment de l'élaboration du calendrier, soit parce que celui-ci n'a pas été établi, le maire, saisi d'une demande, indique au service demandeur la période pendant laquelle les travaux peuvent être exécutés. Le report par rapport à la date demandée doit être motivé. A défaut de décision expresse dans le délai de deux mois qui suit le dépôt de la demande, les travaux peuvent être exécutés à la date indiquée dans cette demande. Le maire peut ordonner la suspension des travaux qui n'auraient pas fait l'objet des procédures de coordination définies aux alinéas précédents. / En cas d'urgence avérée, les travaux mentionnés ci-dessus peuvent être entrepris sans délai. Le maire est tenu informé dans les vingt-quatre heures des motifs de cette intervention. / Le représentant de l'Etat peut, lorsque l'intérêt général le justifie ou en cas d'urgence ou de nécessité publique, permettre l'exécution, à une date déterminée, des travaux sur les voies publiques en agglomération qui auraient fait l'objet d'un refus d'inscription au calendrier visé au deuxième alinéa, d'un report visé au quatrième alinéa ou d'une suspension visée au cinquième alinéa du présent article. / Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 131-7 du même code : " En dehors des agglomérations, le président du conseil général exerce, en matière de coordination des travaux affectant le sol et le sous-sol des routes départementales, les compétences attribuées au maire par l'article L. 115-1 ".
17. Les dispositions de l'article 23 du règlement de voirie tendent à faciliter la coordination des travaux respectifs des intervenants affectant le sol et le sous-sol de la voirie départementale en-dehors des agglomérations en conformité avec l'exercice par le président du conseil départemental de son pouvoir de coordination des travaux en vertu des dispositions précitées de l'article L. 115-1 du code de la voirie routière applicables aux routes départementales en-dehors des agglomérations en vertu de l'article L. 131-7 du même code. En outre, il n'est pas établi que la réalisation des travaux dans une seule tranchée se serait heurtée à des difficultés techniques ou financières telles qu'elle doive être regardée comme n'étant pas raisonnablement possible. Les dispositions dont s'agit entrent donc dans le champ d'application des exigences du règlement de voirie. Par suite le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 23 du règlement de voirie du département du Gard porteraient une atteinte excessive au droit d'occuper le domaine public doit être écarté.
S'agissant de l'article 27 du règlement de voirie :
18. Aux termes de l'article 27 du règlement de voirie portant sur les modalités de contrôle de la présence d'amiante dans les couches de chaussées : " Des fibres d'amiante ont été utilisées dans certaines formules d'enrobés bitumineux et peuvent donc être présentes dans les couches de la chaussée. Cela engendre des risques d'émissions de fibres dans l'atmosphère, lors des opérations de rabotage. De même certaines formules ont intégré des hydrocarbures aromatiques polycycliques qui restreignent ou interdisent la réutilisation des matériaux enrobés. / Dans le cas où le Département aurait déjà fait réaliser une analyse des couches de chaussées sur lesquelles le pétitionnaire a prévu de réaliser des travaux de tranchées, le Département lui transmettra les résultats de ces contrôles. / Dans le cas contraire, il appartiendra donc au pétitionnaire de s'assurer préalablement à la réalisation des travaux de la présence ou non d'amiante dans les structures de la chaussée sur lesquelles il est amené à intervenir. Le pétitionnaire prendra en charge les frais relatifs à ces investigations et en transmettra le résultat au gestionnaire ".
19. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;2° Des actions d'information et de formation ;3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". L'article L. 4121-2 du même code précise : " L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : / 1° Eviter les risques ; / 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; / 3° Combattre les risques à la source (...) ". Aux termes de l'article L. 4531-1 du même code : " Afin d'assurer la sécurité et de protéger la santé des personnes qui interviennent sur un chantier de bâtiment ou de génie civil, le maître d'ouvrage, le maître d'oeuvre et le coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé mentionné à l'article L. 4532-4 mettent en oeuvre, pendant la phase de conception, d'étude et d'élaboration du projet et pendant la réalisation de l'ouvrage, les principes généraux de prévention énoncés aux 1° à 3° et 5° à 8° de l'article L. 4121-2 ". Aux termes de l'article R. 4412-97 du même code : " Dans le cadre de l'évaluation des risques, prévue aux articles L. 4121-3 et L. 4531-1, le donneur d'ordre joint les dossiers techniques prévus aux articles R. 1334-29-4 à R. 1334-29-6 du code de la santé publique et R. 111-45 du code de la construction et de l'habitation aux documents de consultation des entreprises./ Pour les opérations ne relevant pas des articles R. 1334-29-4 à R. 1334-29-6 du code de la santé publique et R. 111-45 du code de la construction et de l'habitation, le donneur d'ordre joint aux documents de consultation des entreprises tout document équivalent permettant le repérage des matériaux contenant de l'amiante, y compris ceux relevant de ses obligations au titre de l'article L. 541-1 du code de l'environnement. / Au vu des informations qui lui ont été données, l'employeur réalise son évaluation des risques, conformément à l'article L. 4121-2 ". Selon l'article R. 4412-96 de ce même code : " Pour l'application de la présente section, on entend par: (...) 4° Donneur d'ordre : le chef d'entreprise utilisatrice (...) ou le maître d'ouvrage mentionné à l'article L. 4531-1 ou l'armateur (...). ".
20. En premier lieu, les dispositions contestées n'ont d'autre objet, au regard des dispositions précitées du code du travail, que de rappeler aux intervenants sur le domaine public routier du département du Gard leur obligation de respecter les textes législatifs et réglementaires en matière de prévention des risques et de sécurité des chantiers. En imposant aux intervenants sur son domaine public routier de vérifier, à leurs frais, l'absence d'amiante dans les chaussées avant de réaliser des travaux qu'ils ont eux-mêmes décidé pour accomplir leur mission de gestionnaire de réseaux, sous leur propre maîtrise d'ouvrage, le règlement de voirie du département du Gard ne méconnaît pas les dispositions du code du travail, et plus particulièrement celles concernant les mesures de prévention des risques d'exposition à l'amiante que doit prendre un employeur. Par ailleurs, ces dispositions ne pourraient en tout état de cause, eu égard à l'objet d'un règlement de voirie tel qu'il est défini par les dispositions du code de la voirie routière rappelées au point 8, faire obstacle à l'exécution par le département des obligations qui lui incombent en vertu des dispositions législatives et réglementaires du code du travail relatives à la prévention des risques d'exposition des travailleurs à l'amiante lorsqu'il est donneur d'ordre de travaux sur son domaine. Par suite, les moyens tirés de ce que l'article 27 serait dépourvu de base légale, méconnaîtrait les dispositions des articles L. 4121-3, L. 4531-1, L. 4121-2 et R. 4412-97 du code du travail en faisant peser sur l'intervenant une obligation de recherche d'amiante préalable aux travaux, alors que cette obligation pèserait dans tous les cas, selon la requérante, sur le département en sa qualité de propriétaire de la voirie, de ce qu'elles excéderaient ce faisant les contraintes qui peuvent être imposées aux intervenants dans l'intérêt du domaine public et de ses usagers et déchargeraient le département de son obligation d'entretien du domaine public routier en application des dispositions de l'article L. 131-2 du code de la voirie routière, doivent être écartés.
21. En deuxième lieu, la société Orange soutient qu'à supposer que l'obligation de rechercher la présence d'amiante ne revêt pas un caractère systématique, l'article 27 du règlement de voirie méconnaît le principe d'égalité entre les intervenants. Toutefois, les différents intervenants sur une même section de route sont placés dans la même situation au regard de l'obligation de repérage de l'amiante dès lors qu'ils doivent, dans le cas où le département n'aurait pas déjà fait réaliser d'analyse des couches de la chaussée, s'assurer préalablement à la réalisation des travaux projetés de la présence ou non d'amiante dans les structures de la chaussée. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'article 27 du règlement de voierie créerait une rupture d'égalité devant les charges publiques ne peut qu'être écarté.
22. En troisième lieu, selon le 3° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, le principe pollueur-payeur implique que " les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ; " et aux termes de l'article L. 556-3 du même code : " I. - En cas de pollution des sols ou de risques de pollution des sols présentant des risques pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques et l'environnement au regard de l'usage pris en compte, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable. (...) II. - Au sens du I, on entend par responsable, par ordre de priorité : (...) 2° A titre subsidiaire, en l'absence de responsable au titre du 1°, le propriétaire de l'assise foncière des sols pollués par une activité ou des déchets tels que mentionnés au 1°, s'il est démontré qu'il a fait preuve de négligence ou qu'il n'est pas étranger à cette pollution. (...) ".
23. Les dispositions de l'article 27 du règlement de voirie, relatives à une étude préalable, sont par elles-mêmes étrangères au régime du traitement et de gestion des déchets susceptibles d'être générés par les travaux qu'elles concernent et à la détermination du débiteur final du coût de ce traitement. Par suite, les moyens tirés de ce qu'elles méconnaîtraient le " principe pollueur-payeur " posé par le 3° de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, l'article L. 556-3 du code de l'environnement ou la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets, sont inopérants.
24. En quatrième lieu, aux termes du 4° de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " toute personne a le droit d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques ; ".
25. Ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 27, le département du Gard, avant la date d'entrée en vigueur du règlement de voirie, a entrepris la détection de la présence d'amiante dans les chaussées de sa voirie. Il n'est pas sérieusement contesté que le département met à la disposition des intervenants sur son domaine public routier les informations à ce sujet dont il dispose. Dans ces conditions, la société Orange n'est pas fondée à soutenir que l'obligation qui lui est faite de réaliser un tel diagnostic présenterait un caractère systématique et ainsi excessif et méconnaîtrait le principe selon lequel le département est tenu à une obligation d'information en matière environnementale tel que prévu par le 4° de l'article L. 110-1 du code de l'environnement.
26. En cinquième lieu, les dispositions de l'article 27 n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre la fabrication, la transformation, la vente, l'importation, la mise sur le marché national ou la cession de variétés de fibres d'amiante. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 doit être écarté comme inopérant.
S'agissant de l'article 37 C :
27. Aux termes de l'article 37 C du règlement de voirie, les opérateurs doivent " produire l'étude qui permettra d'apprécier l'impact de la phase travaux sur le trafic routier " en cas d'implantation de tranchées " pour le réseau principal (niveau 1 et 2) et en cas de réduction du nombre de voie de circulation ".
28. Ces dispositions qui ont pour seul objet d'informer la collectivité sur la nature des travaux envisagés et leur impact éventuel sur le trafic routier ne remettent pas en cause le droit d'occupation du domaine public routier reconnu à la société Orange.
S'agissant de l'article 46 du règlement de voirie :
29. Aux termes de l'article 46 du règlement de voirie : " La signalisation horizontale supprimée ou endommagée par les travaux devra être reconstituée qualitativement à l'identique par une entreprise spécialisée, dans un délai maximum de 15 jours après la réfection définitive de la chaussée. Un délai plus contraint pourra être imposé dans la permission ou l'accord de voirie sur les réseaux les plus importants ou soumis à un fort trafic ".
30. Si la société Orange conteste ces dispositions qui n'imposent pas d'avoir recours à une entreprise tierce spécialisée dans le cas où la société intervenante dispose de la compétence technique requise, elle ne démontre pas en quoi elles porteraient une atteinte excessive au droit d'occupation du domaine public routier dont elle peut se prévaloir. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité du moyen, il ne peut-être qu'écarté.
31. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des dispositions des articles 11 A, 11 B, 23, 27, 37 A, 37 C, 38 A et 46 du règlement de voirie adopté par délibération de la commission permanente du conseil général du Gard en date du 11 décembre 2014.
Sur les frais liés au litige :
32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département du Gard, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Orange sur le fondement de ces mêmes dispositions, le versement au département du Gard d'une somme de 2 000 euros.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.
Article 2 : La société Orange versera au département du Gard la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et au département du Gard.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2019.
N° 17MA03523
ia