Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2018, l'UDAF 04, représentée Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 août 2018 ;
2°) d'annuler l'article 2-I-1 de l'arrêté 5 novembre 2015 de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ;
3°) d'enjoindre à l'autorité administrative, à titre principal, d'agréer l'usage d'entreprise dit de congés " usagers et administratifs " en son sein dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de prendre, dans le même délai, une nouvelle décision ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le silence gardé par la ministre pendant plus de quatre mois sur sa demande d'agrément de l'usage d'entreprise en litige a fait naître une décision d'agrément tacite qui n'a fait l'objet d'aucune décision de retrait ;
- l'article 2-I-1 de l'arrêté querellé est dépourvu de motivation en fait ;
- le courrier du 16 octobre 2015 du chef de bureau à la direction générale de la cohésion sociale, dont la compétence n'est au demeurant pas établie, ne saurait tenir lieu de motivation pour l'arrêté en cause ;
- la décision de refus d'agrément par lettre recommandée avec accusé de réception n'a pas été notifiée par la ministre elle-même, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles ;
- la commission nationale d'agrément était irrégulièrement composée ;
- elle est titulaire d'un agrément tacite de l'usage d'entreprise consistant en l'attribution de congés " usagers et administratifs " ;
- les décisions de refus d'agrément notifiées postérieurement à l'expiration du délai de quatre mois prévu à l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles sont entachées d'irrégularités ;
- le refus en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît le principe d'égalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2019, la ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 ;
- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le décret n° 2006672 du 8 juin 2006 ;
- le décret n° 2010-95 du 25 janvier 2010 ;
- le décret n° 2012-769 du 24 mai 2012 ;
- le décret n° 2014-1287 du 23 octobre 2014 ;
- le décret du Président de la République du 10 juin 2015 portant nomination du directeur général de la cohésion sociale - M. D... (F...) ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Au sein du réseau animé par l'union nationale des associations familiales (UNAF), l'union départementale des associations familiales des Alpes de Haute-Provence (UDAF 04) est une association chargée d'une mission de service public consistant à promouvoir, défendre et représenter les intérêts de l'ensemble des familles auprès des pouvoirs publics. Elle gère notamment à ce titre les services familiaux dont les pouvoirs publics lui ont confié la charge, soit essentiellement des mesures de tutelle et de curatelle. Il ressort des pièces du dossier que la convention collective du 16 novembre 1971 applicable aux différentes unions départementales des associations familiales (UDAF) a été dénoncée par l'UNAF. Par un accord de branche dit de transposition conclu le 7 novembre 2002 et agréé par arrêté ministériel du 16 décembre 2002, l'UNAF a adhéré à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966. Cet accord, qualifié à l'article 3 d'accord collectif de substitution au sens de l'article L. 132-8 du code du travail, fixait les modalités d'application aux salariés des UDAF de cette convention collective du 15 mars 1966 et, s'agissant particulièrement de la durée de travail, prévoyait en ses articles 4 et 6, que l'horaire annuel collectif de travail en vigueur au sein des UDAF à la date de sa signature demeurait applicable aux salariés. Ces deux articles précisaient toutefois, s'agissant spécifiquement des métiers tutélaires, que cette disposition ne s'appliquait qu'à titre transitoire, dans l'attente de la négociation, de la signature et de l'agrément d'un avenant à cette convention collective du 15 mars 1966. Les partenaires sociaux ont conclu le 10 novembre 2004 un avenant à ladite convention collective mettant fin aux dispositions transitoires prévues aux articles 4 et 6 de l'accord du 7 novembre 2002. Cet avenant n'a toutefois jamais été soumis à agrément ministériel. En dépit de cette absence d'agrément, l'UDAF 04 a octroyé à ses salariés les congés trimestriels supplémentaires prévus par la convention collective du 15 mars 1966 dont bénéficient les personnels éducatif, pédagogique et social. Par courrier du 15 mars 2013, la direction départementale de la cohésion sociale des Alpes de Haute-Provence a informé l'UDAF 04 que lesdits congés supplémentaires trimestriels ne seraient plus pris en compte dans les dépenses autorisées. Afin de compenser la perte de ces congés, soit neuf jours par an pour le personnel administratif et dix-huit jours par an pour le personnel social, l'UDAF 04 a alors conclu avec les représentants du personnel, le 23 décembre 2014, un accord portant sur la réactivation du dispositif de congés mobiles prévu par la convention collective du 16 novembre 1971. Elle a également mis en place, par décision unilatérale de l'employeur, un " usage d'entreprise " consistant en l'attribution de trois jours annuels non travaillés pour les salariés en contact fréquent et régulier avec les usagers, dits " congés usagers ", et un jour annuel non travaillé pour l'ensemble des autres salariés, dit " congé administratif ". L'association a transmis cet accord et cet usage d'entreprise au ministre en charge des affaires sociales pour agrément. Par arrêté du 5 novembre 2015, en son article 2-I-1, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a refusé d'agréer tant l'accord collectif que l'usage d'entreprise. Ce refus avait antérieurement été notifié à l'UDAF 04 par lettre du 16 octobre 2015. L'UDAF 04 relève appel du jugement du 14 août 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2015 en tant qu'il porte refus d'agréer l'usage d'entreprise consistant en l'attribution de congés " usagers et administratifs " ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ce refus.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article R. 314-198 du même code, dans sa rédaction à la date de l'arrêté en litige : " (...) Les décisions prises après avis de la Commission nationale d'agrément font l'objet d'une notification par lettre recommandée avec avis de réception aux signataires de la convention ou de l'accord et d'une publication au Journal officiel de la République française. / L'absence de décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'avis de réception de la transmission prévue au deuxième alinéa de l'article R. 314-197 vaut décision de rejet. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000, dans sa rédaction alors applicable issu de la loi du 12 novembre 2013, applicable au litige : " I. - Le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation. (...) / II. - (...) Des décrets en Conseil d'Etat peuvent fixer un délai différent de celui que prévoient les premier et troisième alinéas du I, lorsque l'urgence ou la complexité de la procédure le justifie. ". Et selon l'annexe au décret du 23 octobre 2014, à laquelle renvoie l'article 1 de ce texte qui prévoit des exceptions à l'application du délai de deux mois prévu au premier alinéa du I de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000, le délai à l'expiration duquel le silence gardé par l'administration sur les demandes portant sur les agréments des conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif est fixé à quatre mois. L'article 3 de ce décret dispose que ses dispositions sont applicables aux demandes présentées à compter du 12 novembre 2014.
4. Il résulte des dispositions précitées que le silence gardé par l'administration sur une demande, présentée à compter du 12 novembre 2014, tendant à l'agrément d'une convention collective de travail pendant plus de quatre mois fait naître non plus une décision implicite de rejet de la demande comme le prévoyait jusqu'alors les dispositions précitées de l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles, mais vaut désormais décision d'acceptation.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'usage d'entreprise dit de congés " usagers et administratifs " mentionné au point 1 ci-dessus a été transmis par l'UDAF 04 à la ministre compétente par courrier du 8 juin 2015 aux fins d'obtenir l'agrément requis par les dispositions précitées de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles. Ce courrier a été réceptionné par l'administration le 16 juin 2015. Devant le tribunal, l'association a soulevé le moyen tiré de ce que, faute d'avoir été destinataire dans le délai de quatre mois à compter de la réception de cette demande d'une décision expresse refusant l'agrément sollicité, le silence gardé par la ministre valait agrément de l'usage en litige. Si les premiers juges ont visé ce moyen, qui n'était pas inopérant, ils n'y ont pas répondu. Dès lors, le jugement attaqué est pour ce motif entaché d'irrégularité et doit être annulé.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'UDAF 04 devant le tribunal administratif de Marseille.
7. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire (...) ". En vertu de l'article R. 314-197 du même code, le ministre compétent pour donner l'agrément mentionné à l'article L. 314-6 est celui chargé de l'action sociale. Et selon l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles : " Les décisions prises après avis de la Commission nationale d'agrément font l'objet d'une notification par lettre recommandée avec avis de réception aux signataires de la convention ou de l'accord et d'une publication au Journal officiel de la République française ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1°(...) les directeurs d'administration centrale (...) ".
9. Enfin, en application des dispositions combinées de l'article 2 du décret du 24 mai 2012 relatif aux attributions du ministre des affaires sociales et de la santé et du V de l'article 2 du décret n° 2010-95 du 25 janvier 2010 relatif à l'administration centrale des ministères chargés de la cohésion sociale, applicables au litige, l'agrément des conventions collectives et accords de travail des établissements et services sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif relève des compétences de la direction générale de la cohésion sociale.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. F... D... a été nommé directeur général de la cohésion sociale par décret du Président de la République du 10 juin 2015. Par arrêté du 23 juin 2015, publié au Journal officiel de la République française le 28 juin 2015, il a délégué sa signature à M. A... C..., chef du bureau de l'emploi et de la politique salariale à la sous-direction des professions sociales, de l'emploi et des territoires au sein de cette direction et signataire de la lettre de notification de la décision de refus d'agrément en litige du 16 octobre 2015, " à l'effet de signer, au nom du ministre chargé des affaires sociales de la santé et des droits des femmes, les enregistrements de conventions et d'accords collectifs ainsi que les notifications de la décision d'agrément relevant du champ de compétence du bureau ". Ni l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles, qui prévoit que les décisions prises après avis de la Commission nationale d'agrément font l'objet d'une notification par lettre recommandée avec avis de réception aux signataires de la convention ou de l'accord, ni aucun autre texte ni aucun principe, n'exigent que le courrier de notification soit signé par le ministre lui-même. M. C... était ainsi compétent pour signer, au nom de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, cette lettre du 16 octobre 2015 portant notification de la décision de refus d'agrément en litige, laquelle n'est donc pas entachée d'illégalité.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, en vigueur à la date de l'arrêté en litige, dont les dispositions sont désormais codifiées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) / - refusent une autorisation (...) ".
12. Les refus d'agrément pris sur le fondement de l'article L. 3146 du code de l'action sociale et des familles sont au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions citées au point précédent. Pour satisfaire à cette exigence de motivation, le ministre chargé de l'action sociale doit indiquer, soit dans sa décision ellemême, soit dans la lettre de notification adressé aux signataires de la convention ou de l'accord, outre les dispositions en application desquelles le refus d'agrément est pris, les considérations de fait sur lesquels il se fonde pour opposer ce refus.
13. Si l'arrêté du 5 novembre 2015 publié le 17 novembre suivant au Journal officiel de la République française, qui est l'un des deux supports formels prévus à l'article R. 314198 du code de l'action sociale et des familles pour porter à la connaissance des signataires d'une convention ou d'un accord collectif les décisions prises après avis de la Commission nationale d'agrément, ne mentionne pas les considérations de fait sur lesquelles la ministre s'est fondée pour refuser l'agrément sollicité, il ressort en revanche des énonciations de la lettre du 16 octobre 2015 portant notification de cette décision, laquelle a été compétemment signée ainsi qu'il a été dit au point 10 ci-dessus et a été régulièrement réceptionnée par l'UDAF 04 le 20 octobre 2015, que l'autorité administrative, après avoir rappelé les dispositions pertinentes du code de l'action sociale et des familles, a mentionné les motifs du refus d'agrément tenant à ce que l'usage en litige n'avait pas été formalisé par un engagement écrit présenté à la direction générale de la cohésion sociale et qu'en conséquence, il n'existait pas de cadre juridique suffisant pour délivrer cet agrément, le courrier indiquant qu'en tout état de cause, cet usage impliquerait un surcoût ne pouvant être pris en charge par les financeurs. Ces éléments permettaient à l'UDAF 04 de connaître les considérations de fait au vu desquelles ce refus a été prononcé. La ministre a ainsi satisfait aux exigences de motivation précitées.
14. En troisième lieu, et d'une part, aux termes du I de l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles : " La Commission nationale d'agrément comprend : / a) Un représentant du ministre chargé de l'action sociale, président ; / b) Un représentant du ministre chargé du travail ; / c) Un représentant du ministre chargé de la sécurité sociale ; / d) Un représentant du ministre chargé du budget ; / e) Un représentant du garde des sceaux, ministre de la justice ; / f) Un représentant du ministre chargé des collectivités territoriales ; / g) Trois présidents de conseil départemental désignés par l'Assemblée des départements de France ou leurs représentants ; Elle comprend également, à titre consultatif : /a) Le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés ou son représentant ; /b) Le directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales ou son représentant ; / c) Le directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ou son représentant ; / d) Le directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ou son représentant ".
15. D'autre part, aux termes de l'article 11 du décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, applicable à la commission nationale d'agrément mentionnée à l'article R. 314-198 du code de l'action sociale et des familles : " Le quorum est atteint lorsque la moitié au moins des membres composant la commission sont présents, y compris les membres prenant part aux débats au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, ou ont donné mandat. / (...) ".
16. Il ressort tout d'abord des pièces du dossier que l'ensemble des membres de la commission nationale d'agrément a été régulièrement convoqué. Il ressort du procès-verbal établi à la suite de la réunion du 15 octobre 2015 au cours de laquelle cette commission a émis un avis sur l'usage d'entreprise en litige que cinq des neuf membres que compte cette commission disposant d'une voix délibérative étaient présents ou avaient régulièrement donné mandat pour se faire représenter. La condition de quorum étant ainsi satisfaite, l'UDAF 04 ne peut utilement soutenir que l'absence de certains des membres ayant voix délibérative aurait vicié la délibération de la commission. Par ailleurs, les dispositions précitées n'imposent pas la présence lors de la réunion de la commission des personnes associées à ses travaux à titre consultatif. Dès lors, la circonstance que ces personnes n'auraient pas siégé est sans incidence. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération de la commission nationale d'agrément aurait été adoptée lors d'une séance tenue dans des conditions irrégulières doit être écarté.
17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, applicable au litige : " Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative ; / 1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; / 2° Pendant le délai deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsqu'aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre / 3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé. ".
18. Si la lettre du chef de bureau à la direction générale de la cohésion sociale portant notification, au nom de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, d'un refus de l'agrément de l'usage d'entreprise en litige est datée du 16 octobre 2015, soit dans le délai de quatre mois prévu à l'annexe au décret du 23 octobre 2014 à l'expiration duquel le silence gardé par l'administration sur les demandes portant sur les agréments des conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif, délai qui a débuté le 16 juin 2015, ladite lettre ne peut être regardée comme portant elle-même décision de refus. L'arrêté du 5 novembre 2015 formalisant la décision ministérielle de refus, publié au Journal officiel de la République française du 17 novembre 2015, étant intervenu au-delà de ce délai de quatre mois, l'UDAF 04 est ainsi fondée à soutenir qu'elle est devenue titulaire, à compter du 17 octobre 2015, d'un agrément implicite de l'usage d'entreprise litigieux. Toutefois, cette décision de refus ayant été prise dans le délai de deux mois suivant son édiction, elle a eu pour effet, en application des dispositions de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 précitées, de retirer cet agrément implicite, qui était illégal.
19. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les conventions collectives de travail, conventions d'entreprise ou d'établissement et accords de retraite applicables aux salariés des établissements et services sociaux et médico-sociaux à but non lucratif dont les dépenses de fonctionnement sont, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires, supportées, en tout ou partie, directement ou indirectement, soit par des personnes morales de droit public, soit par des organismes de sécurité sociale, ne prennent effet qu'après agrément donné par le ministre compétent après avis d'une commission où sont représentés des élus locaux et dans des conditions fixées par voie réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article R. 314-197 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 314-200, l'agrément mentionné à l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles est donné par le ministre chargé de l'action sociale. (...) ".
20. Le ministre compétent tient des dispositions précitées de l'article L. 3146 du code de l'action sociale et des familles le pouvoir de refuser son agrément lorsque les accords collectifs lui paraissent de nature à affecter, directement ou indirectement, l'équilibre financier des établissements et services sociaux et médico-sociaux privés à but non lucratif, qui reçoivent des financements publics. De tels motifs, inspirés par le souci de préserver l'équilibre financier des personnes morales de droit public ou des organismes de sécurité sociale qui supportent en tout ou partie, directement ou indirectement, les dépenses de fonctionnement des établissements précités, pouvaient légalement justifier le refus d'agrément litigieux.
21. Ainsi qu'il a été dit au point 13 ci-dessus, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a opposé un refus à la demande d'agrément présentée par l'UDAF 04 aux motifs que l'usage en litige n'avait pas été formalisé par un engagement écrit présenté à la direction générale de la cohésion sociale et qu'en conséquence, il n'existait pas de cadre juridique suffisant pour délivrer cet agrément, en indiquant qu'en tout état de cause, cet usage impliquerait un surcoût ne pouvant être pris en charge par les financeurs.
22. D'une part, il ressort des pièces composant la demande d'agrément du 8 juin 2015 adressée par l'UDAF 04 à la ministre, particulièrement d'un " arrêté de discussions " daté du 18 décembre 2013, que l'employeur a négocié avec les délégués du personnel une modalité de compensation de la perte du bénéfice du dispositif de " congés trimestriels supplémentaires " prévu par la convention collective du 15 mars 1966 résultant, ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, de ce que l'avenant à cette convention collective, que prévoyait l'accord de transposition du 7 novembre 2002 et qui a été conclu le 10 novembre 2004, n'a pas reçu d'agrément ministériel. Cet arrêté de discussions fait notamment état, parmi les mesures retenues, d'un " usage mis en place par l'employeur sur l'octroi de trois jours de fractionnement sans qu'il soit nécessaire de fractionner avec effet au 1/01/2014 ". Il résulte des énonciations de ce document que ces dispositions, qui avaient vocation à s'appliquer à échéance annuelle, ne préexistaient pas au 1er janvier 2014. Elles ne satisfaisaient dès lors pas à la définition d'un usage répondant à des caractères de généralité, constance et fixité. Par ailleurs, eu égard à sa forme et à son contenu, cet arrêté de discussions du 18 décembre 2013, qui est co-signé par les partenaires sociaux et qui ne comporte aucune indication relative, notamment, au nombre de salariés concernés par cette disposition, ne saurait davantage être regardée comme une " décision unilatérale de l'employeur ".
23. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les dispositions dont l'agrément est sollicité, soit l'attribution de trois jours annuels non travaillés pour les salariés en contact fréquent et régulier avec les usagers, dits " congés usagers ", et un jour annuel non travaillé pour l'ensemble des autres salariés, dit " congé administratif " représentent un coût supplémentaire, estimé à environ 7 000 euros par an par l'administration, qui a vocation à être à la charge des financeurs publics. La circonstance selon laquelle ce coût serait très inférieur à celui que représente le dispositif de congés trimestriels supplémentaires prévu par la convention collective du 15 mars 1966 est sans incidence sur le litige dès lors que ce dispositif n'a plus vocation à s'appliquer en l'état. Enfin, si l'UDAF 04 soutient qu'il n'est pas établi que le coût de cette disposition serait de nature à affecter, directement ou indirectement, l'équilibre financier de ses financeurs publics, ce coût représente en tout état de cause une charge supplémentaire pour ces financeurs, laquelle requiert nécessairement des ressources supplémentaires pour préserver cet équilibre.
24. Il résulte de ce qui précède qu'en fondant sa décision sur ces deux motifs, la ministre n'a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu'elle tient des dispositions précitées de l'article L. 314-6 du code de l'action sociale et des familles.
25. En dernier lieu, si l'association requérante fait valoir que le refus d'agréer le dispositif de congés " usagers et administratifs " crée une rupture d'égalité entre les salariés des différentes unions départementales d'associations familiales dans la mesure où 60 % de ces unions appliqueraient le dispositif de " congés trimestriels supplémentaires " prévu par la convention collective du 15 mars 1966, le principe d'égalité, tel qu'interprété par une jurisprudence constante de la Cour de cassation pour les salariés régis par un contrat de travail, ne s'applique pas lorsque les salariés qui revendiquent le bénéfice d'un droit ou d'un avantage n'appartiennent pas à l'entreprise au sein de laquelle ce droit ou cet avantage est reconnu en vertu d'un accord collectif, d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur. Dans la mesure où chaque union départementale constitue une entité autonome dont les salariés relèvent d'accords d'entreprises propres à chaque association départementale, l'atteinte au principe d'égalité entre salariés de différentes unions ne peut, dès lors, en l'espèce être utilement invoquée.
26. Il résulte de tout ce qui précède que l'UDAF des Alpes de Haute-Provence n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté contesté ni, par voie de conséquence, celle de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Il y a lieu, par suite, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées tant en appel qu'en première instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 août 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'UDAF des Alpes de Haute-Provence, devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'union départementale des associations familiales des Alpes de Haute-Provence et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Coutier, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique le 16 octobre 2020.
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N° 18MA04440
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