Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 juin 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté " du 8 ou 9 avril 2019 " du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que sa situation justifiait l'octroi d'un délai de départ supérieur à 30 jours afin que son fils, scolarisé en classe de CM2, puisse terminer son année scolaire ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il n'explique pas en quoi le préfet ne se serait pas cru lié par la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il n'est pas établi que la date de l'arrêté contesté est bien postérieure à celle de la décision par laquelle le préfet a abrogé le précédent arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne l'a pas informé qu'il pouvait invoquer d'autres fondements que celui de l'asile pour demander son admission au séjour alors qu'il aurait pu faire valoir son état de santé ;
- l'arrêté querellé méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- le préfet s'est cru en situation de compétence liée au regard de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
- il a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 septembre 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant arménien, relève appel du jugement du 12 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté " du 8 ou 9 avril 2019 " par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que, pour demander l'annulation de l'arrêté en litige, M. C... a notamment soutenu que sa situation justifiait l'octroi d'un délai de départ supérieur à 30 jours afin que son fils, scolarisé en CM2, puisse terminer son année scolaire. Le tribunal a rejeté la requête de M. C... sans répondre à ce moyen, qui figurait dans un mémoire complémentaire enregistré par le greffe le 7 juin 2019 et qui a été communiqué au préfet le même jour sans toutefois être visé dans le jugement, lequel moyen n'était pas inopérant. L'intéressé est dès lors fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité par ce motif. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement, celui-ci doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Montpellier.
S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, si l'arrêté attaqué fait apparaître une correction manuscrite de la date qu'il comporte, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet acte n'aurait pas été effectivement édicté le 9 avril 2019, soit le même jour que l'arrêté par lequel le préfet de l'Hérault a abrogé un arrêté antérieur du 13 février 2019 faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français. Il y a lieu, dès lors, en tout état de cause, d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait illégal au motif qu'il serait antérieur à cette abrogation.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi du 10 septembre 2018 : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ".
6. En vertu du IV de l'article 71 de la loi du 10 septembre 2018, les dispositions de l'article 44 sont entrées en vigueur au 1er mars 2019. Or, il ressort des pièces du dossier que M. C... a déposé sa demande d'asile auprès du préfet de l'Hérault le 13 février 2017, date à laquelle les dispositions précitées de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas en vigueur. Par suite, l'intéressé ne peut utilement soutenir qu'en ne l'invitant pas à indiquer s'il estimait pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre que l'asile, le préfet aurait méconnu lesdites dispositions. Par ailleurs, aucune autre disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe, ne faisaient obligation au préfet de délivrer à M. C... une telle information.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
8. Si M. C... fait état des troubles psychologiques dont il est affecté et qui seraient en relation avec des événements traumatiques survenus en Arménie, le certificat médical qu'il produit dans l'instance, établi le 23 novembre 2017 par un médecin psychiatre, ne permet toutefois pas à lui-seul de le faire regarder comme justifiant d'un état de santé qui ferait obstacle, en application des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à ce qu'une décision d'éloignement soit prise à son encontre. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement adapté à son état en Arménie.
9. En dernier lieu, la circonstance selon laquelle le fils de M. C... était scolarisé en classe de CM2 ne suffit pas à faire regarder le délai de trente jours qui lui a été accordé pour exécuter la décision d'éloignement en litige comme étant entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
11. D'une part, il ressort des énonciations de la décision attaquée que le préfet, après avoir constaté que ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile, qui ont procédé à l'examen de la situation de M. C..., n'ont retenu " l'existence de risques de tortures ou de soumission à des traitements inhumains ou dégradants au sens de la convention de Genève " le concernant, a ajouté que l'intéressé n'apportait aucun élément nouveau de nature à établir la réalité des risques personnels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet a ainsi porté une appréciation personnelle sur la situation de M. C... et ne s'est donc pas estimé en situation de compétence liée au regard des décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile.
12. D'autre part, si M. C..., qui était viticulteur en Arménie, invoque le risque de représailles de personnes proches du frère du président de son pays d'origine avec lesquelles il était en relation commerciale, qui ne lui auraient pas payé ce qu'ils lui devaient pour l'achat de son raisin et qui l'ont forcé à vendre ses terres après l'avoir agressé lui et sa mère à son domicile, il a livré ce même récit devant l'officier de protection de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a donc estimé que ce récit ne permettait pas de le faire regarder comme étant exposé à des risques et menaces tels qu'ils puissent justifier de lui faire bénéficier de l'asile en France et le requérant n'apporte, dans la présente instance, aucun élément de nature à remettre en cause tant la décision rendue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que celle rendue par la Cour nationale du droit d'asile à la suite du recours qu'il a formé contre cette décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2021.
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N° 19MA04779
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