Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 11 mai, 15 juin et 16 août 2018, sous le n° 18MA02156, M. B..., représenté par Me A... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 juin 2017 en tant qu'il porte refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé concernant le moyen tiré de l'absence de compétence liée du préfet sur la condition du visa de long séjour ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle a été prise par une personne incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- le préfet n'était pas lié par l'absence de visa de long séjour ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut d'examen ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de M. B....
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 13 mai 1980 de nationalité algérienne relève appel de l'article 2 du jugement du 26 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2017 du préfet de l'Hérault en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.[0]
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal a suffisamment répondu aux moyens tirés du défaut d'examen et de l'erreur de droit en estimant qu'il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet, qui a examiné la possibilité de régulariser la situation de M. B... au regard de la promesse d'embauche que ce dernier présentait, alors même que l'absence de visa de long séjour ne lui imposait pas cet examen, ait méconnu l'étendue du champ de sa compétence en ne faisant pas usage de son pouvoir d'appréciation discrétionnaire, ni qu'il se soit estimé lié par l'absence de visa de long séjour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. Par arrêté n° 2016-I-1143 du 3 novembre 2016, régulièrement publié le 7 novembre 2016, au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de l'Hérault a accordé à M. Pascal Otheguy, secrétaire général de la préfecture et signataire de la décision contestée, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux, des administrations civiles de l'Etat, à l'exception, notamment de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. Cet arrêté précise que cette délégation comprend donc, notamment, la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers. La circonstance que les dispositions du décret du 29 décembre 1962 ont été abrogées par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique demeure sans incidence sur la régularité de la délégation accordée dès lors que la matière concernée, si elle est désormais régie par ce dernier décret, reste exclue de la délégation en litige. Cette délégation, qui n'est pas générale, habilitait dès lors M. C... à signer la décision contestée. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
4. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes les professions et toutes les régions, renouvelable et portant la mention " salariée " ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5,7,7bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises. (...) ". Par ailleurs, le préfet peut toujours exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient, dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant le titre qu'il demande ou un autre titre, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, dont il justifierait.
5. Le préfet de l'Hérault a pu légalement refuser la délivrance du certificat de résidence mentionné au b) du 7 de l'accord franco-algérien au motif que M. B... ne produisait pas le visa long séjour exigé par les stipulations précitées. S'il a indiqué que la demande d'autorisation de travail concernant une promesse d'embauche pour un poste de peintre produite par M. B... ne constituait pas un motif exceptionnel d'admission au séjour, il ressort de la motivation de sa décision qu'il a examiné l'opportunité d'une mesure de régularisation au titre du pouvoir discrétionnaire qu'il détient et qu'il exerce à titre gracieux au regard de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé. Le préfet ne s'est pas davantage estimé lié par l'absence de visa de long séjour. Les moyens tirés du défaut d'examen et de l'erreur de droit doivent, par suite, être écartés.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., célibataire et sans charge de famille est entré en France le 27 septembre 2012. Il n'établit pas être pris en charge financièrement par ses parents en se bornant à produire des attestations de ces derniers et de proches. Les certificats et comptes rendus médicaux versés au débat ne démontrent pas que ses parents, de nationalité française, auraient besoin d'une assistance. A supposer même qu'une telle assistance soit nécessaire, M. B... ne justifie pas les prendre en charge dans leur vie quotidienne ni être dépourvu de liens personnels et familiaux en Algérie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans et où réside sa soeur. Dans ces conditions et alors même que ses parents et son frère sont en France et qu'il serait titulaire d'une promesse d'embauche pour un emploi de peintre, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision en litige n'a pas porté une atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Les moyens tirés du défaut d'examen et de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 5 et 7.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 23 juin 2017 en tant qu'il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.[0]
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M B...aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Coutier, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 juin 2019.
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N° 18MA02156
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