Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 avril 2017, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Gard du 1er juillet 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2017, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les observations de Me C..., substituant Me A..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité turque, s'est vu délivrer des autorisations provisoires de séjour en qualité d'étranger malade à compter du 29 novembre 2010, puis, à compter du 26 janvier 2012, une carte de séjour temporaire sur ce même fondement, qui a été renouvelée une fois. Par un arrêté du 26 mai 2014, le préfet du Gard a toutefois refusé de faire droit à la demande présentée par l'intéressé tendant au renouvellement de ce titre et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Par jugement du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le recours formé par M. B... contre cet arrêté. Par arrêt du 10 mai 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et a enjoint au préfet du Gard de réexaminer la situation de M. B.... Par arrêté du 1er juillet 2016 le préfet a de nouveau refusé le renouvellement du titre de séjour de l'intéressé et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. B..., relève appel du jugement du 19 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
S'agissant de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Le préfet mentionne, dans la décision contestée, les textes applicables à la situation de M. B..., la date et les conditions dans lesquelles celui-ci dit être entré en France, le fondement sur lequel l'intéressé a présenté sa demande d'admission au séjour, enfin l'examen qu'il a fait de l'ensemble de sa situation personnelle et familiale. L'autorité préfectorale n'est pas tenue de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés, et n'avait pas, notamment, à indiquer le fait que le médecin de l'agence régionale de santé s'était, dans un avis antérieur, prononcé en faveur de la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. M. B... n'établit pas avoir communiqué aux services préfectoraux en charge de l'instruction de sa demande les certificats médicaux des 24 et 26 mai 2016 dont il se prévaut dans l'instance. Ainsi, cette décision n'est pas entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle au seul motif que le préfet n'aurait pas tenu compte de ces éléments et est suffisamment motivée.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d 'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l 'intéressé (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement ". Enfin, l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, si l'intéressé peut ou non bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays ainsi que la durée prévisible du traitement. Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Il appartient ainsi à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine.
4. Par un avis rendu le 1er juin 2016 dans le cadre de la nouvelle instruction de la demande d'admission au séjour présentée par M. B... sur le fondement des dispositions citées au point précédent, le médecin de l'agence régionale de santé Occitanie a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé mais qu'il existait toutefois un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé pour sa prise en charge médicale, précisant que cet état de santé lui permettait de voyager sans risque vers le pays de renvoi.
5. M. B... produit, dans la présente instance, un certificat médical établi le 26 mai 2016 par un néphrologue du centre hospitalier universitaire de Grenoble indiquant que l'état de santé de l'intéressé " justifie un suivi néphrologique clinique et biologique rapproché, régulier " et qu'il est " un patient à risque potentiel d'insuffisance rénale chronique évolutive, éventuellement stabilisable, mais qui peut s'aggraver et évoluer vers la suppléance rénale par dialyse et/ou transplantation en l'absence d'un suivi adéquat et spécialisé " ainsi qu'un certificat médical établi par un médecin généraliste, en date du 24 mai 2016, lequel indique que M. B... présente en outre un syndrome dépressif en cours de traitement et une hypertriglycéridémie nécessitant une prise en charge médicamenteuse.
6. Ces seuls éléments ne sont néanmoins pas de nature à remettre en cause l'avis précité rendu par le médecin de l'agence régionale de santé, particulièrement s'agissant de la question de l'existence, en Turquie, des traitements appropriés à l'état de santé de M. B..., ni les indications apportées en ce sens par le préfet. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, l'arrêté contesté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
8. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de même que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Les moyens tirés du défaut de motivation de la décision contestée et du défaut d'examen réeel et sérieux de la situation de l'intéressé doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2.
10. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ".
11. La décision contestée ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 4 à 6.
12. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de même que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Maury, premier conseiller,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 mai 2018.
2
N° 17MA01799