2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2018 du préfet du Cantal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen qu'il a soulevé à titre subsidiaire tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet en ce qu'il a pris à son encontre une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français en place d'une décision de remise aux autorités espagnoles ;
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'erreurs de fait qui affectent sa régularité ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet aurait dû prioritairement décider de sa remise aux autorités espagnoles ;
S'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- le refus de lui octroyer un délai de départ volontaire est dépourvu de base légale ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la durée de deux ans d'interdiction de retour sur le territoire français prononcée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2018, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., de nationalité égyptienne, relève appel du jugement du 6 juin 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2018 par lequel le préfet du Cantal lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges qu'à l'appui de sa demande, M. F... a notamment fait valoir qu'en prenant à son encontre une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français en place d'une décision de remise aux autorités espagnoles le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation. Le tribunal a rejeté cette demande sans répondre à ce moyen, qu'il n'a au demeurant pas visé, et qui n'était pas inopérant. M. F... est dès lors fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens tenant à la régularité du jugement, celui-ci doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Il ressort des énonciations de l'arrêté n° 2018-253 du 22 février 2018 par lequel le préfet du Cantal a confié à M. B... D..., sous-préfet de Saint-Flour, l'intérim des fonctions de secrétaire général de la préfecture du Cantal, lequel arrêté a été publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 27 février 2018 et est librement accessible sur le site internet de la préfecture, que délégation a été donnée à l'intéressé à l'effet de signer à compter du 1er mars 2018 tous actes, arrêtés, décisions, recours juridictionnels et mémoires s'y rapportant, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'État dans le département du Cantal, à l'exception de certains actes expressément énumérés dont ne font pas partie les décisions relatives à la police des étrangers. M. D... disposait ainsi le 12 avril 2018, date à laquelle il a signé l'arrêté contesté, d'une délégation de signature valide. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté.
5. Le préfet mentionne, dans l'arrêté contesté, les textes applicables à la situation de M. F..., la date et les conditions dans lesquelles celui-ci indique être entré en France, le fait que le titre de séjour espagnol dont il se prévalait a été retiré par les autorités de ce pays le 26 janvier 2016 en raison d'un mariage contracté dans le seul but de régulariser sa situation administrative, enfin l'examen qu'il a fait de l'ensemble de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. L'autorité préfectorale n'est pas tenue de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés. Ainsi, cet arrêté n'est pas entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et est suffisamment motivé au regard des exigences de motivation prévues par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
7. D'abord, si M. F... soutient être arrivé en France en 2006 et s'être installé en région parisienne où il aurait travaillé dans le secteur du bâtiment, il ne l'établit aucunement. Ensuite, l'intéressé, célibataire et sans enfant, ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France. Le fait qu'il loue un appartement à Colombes dans le département des Hauts-de-Seine depuis mai 2013, qu'il a entrepris des démarches pour régulariser sa situation administrative depuis plus d'un an, qu'il est gérant d'une entreprise en bâtiment en France créée le 7 mars 2018, soit un peu plus d'un mois avant l'édiction de l'arrêté querellé, et qu'il y aurait reconstitué une vie privée ne suffisent pas à faire regarder ce arrêté, au regard des buts poursuivis par l'administration, comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Cet arrêté ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". L'article L. 531-1 du même code dispose que : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) ".
9. Il ressort des dispositions qui précèdent que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.
10. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son interpellation par les services de police le 12 avril 2018, M. F... était détenteur d'un titre de séjour espagnol dont il s'est avéré après contrôle qu'il avait été retiré par les autorités de ce pays le 26 janvier 2016. L'intéressé était dépourvu de visa l'autorisant à entrer en France et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait demandé à être éloigné à destination de l'Espagne. M. F... relevait ainsi du cas où, en application des dispositions citées précédemment du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une obligation de quitter le territoire français pouvait être prise à son encontre. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant une telle décision en place d'une décision de remise aux autorités espagnoles.
S'agissant de la légalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
11. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...).
12. D'une part, aucun des moyens soulevés par M. F... n'est de nature à emporter l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet du Cantal a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire pour exécuter cette mesure serait dépourvu de base légale à raison de l'illégalité de cette décision doit en tout état de cause être écarté.
13. D'autre part, M. F... ne justifie nullement avoir entrepris les démarches en vue d'obtenir un titre de séjour en France. Dès lors, le préfet a légalement pu, en application des dispositions précitées du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui faire obligation de quitter le territoire français sans délai.
S'agissant de la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
14. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision pour le même motif que celui développé au point 4 ci-dessus.
15. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
16. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour prononcée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, de ces quatre critères, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
17. En l'espèce, M. F... réside en France depuis plusieurs années en situation irrégulière sans avoir entrepris de démarches pour régulariser cette situation, il y exerce une activité professionnelle irrégulièrement et il ne justifie pas de l'ancienneté des liens avec la France. Dans ces conditions, l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée par le préfet du Cantal pour une durée de deux ans n'apparaît pas disproportionnée.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2018 du préfet du Cantal. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Cantal.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,
- Mme E..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 juillet 2019.
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N° 18MA03149
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