Par un jugement n° 1503731 du 30 janvier 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite par laquelle le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande tendant au bénéfice du régime de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 mars 2017, le 24 juillet 2017, le 21 septembre 2017, le 9 novembre 2017 et le 16 novembre 2018, le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes, représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 janvier 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal s'est mépris sur la nature de la décision contestée et a statué " ultra petita ", entachant son jugement d'irrégularité ;
- M. A... n'était pas éligible au régime de l'allocation de fidélité de sapeur-pompier volontaire.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juillet 2017, le 28 août 2017, le 17 octobre 2017 et le 12 novembre 2018, M.A..., représenté par la SELARL Mersaoui etD..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation de la décision implicite par laquelle le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande tendant au bénéfice du régime de l'allocation de fidélité de sapeur-pompier volontaire et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 ;
- la loi n° 2000-628 du 7 juillet 2000 ;
- le décret n° 2005-4005 du 29 avril 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes et de Me D..., représentant M. A....
Une note en délibéré présentée pour M. A...a été enregistrée le 6 décembre 2018.
1. Considérant que M. A..., sapeur-pompier professionnel, a souscrit à compter du 1er juin 1978 un engagement de servir en qualité de sapeur-pompier volontaire et a, depuis cette date, participé à différentes missions conduites par le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes, puis par le service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône ; que par un courrier du 15 juin 2015, reçu le 25 juin suivant par le service départemental d'incendie des Alpes-Maritimes où il a effectué sa durée de service la plus longue, M. A... a demandé à bénéficier du régime de l'allocation de fidélité de sapeur-pompier volontaire ; que, par un jugement du 30 janvier 2017, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite par laquelle le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes lui a refusé le bénéfice du régime de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires ; que le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que dans le courrier qu'il a adressé le 15 juin 2015 au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes, M. A... faisait valoir qu'il était " éligible à la prime de fidélité de sapeur-pompier volontaire " ; que cette lettre se référait à une précédente correspondance du 18 octobre 2013 refusant à l'intéressé " l'octroi de cette allocation de fidélité " et demandait en conclusion " de bien vouloir allouer à M. A... l'allocation de fidélité qui lui revient " ; que cette correspondance ne comportait aucune référence, même de manière indirecte, au régime de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires ; qu'il ressort ainsi sans ambiguïté de ce courrier que M. A... entendait solliciter le bénéfice du régime de l'allocation de fidélité de sapeur-pompier volontaire prévu à l'article 15-6 de la loi du 3 mai 1996 versée annuellement en fonction de la durée de services accomplis et non pas de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires prévu à l'article 15-1 de la même loi qui permet à son bénéficiaire l'acquisition de droits à pension exprimés en points et versés sous forme de rente viagère ; que devant le tribunal administratif de Nice, M. A... demandait uniquement l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes sur sa demande du 15 juin 2015 ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a regardé la demande de M. A... comme tendant à l'annulation de la décision lui refusant le bénéfice du régime de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, laquelle n'avait nullement été sollicitée ; que le jugement du tribunal administratif s'est ainsi mépris sur la nature de la décision contestée et doit, dès lors, être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur la légalité de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes sur la demande de M. A... :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 2000-628 du 7 juillet 2000 relative à la prolongation du mandat et à la date de renouvellement des conseils d'administration des services d'incendie et de secours ainsi qu'au reclassement et à la cessation anticipée d'activité des sapeurs-pompiers professionnels : " Le sapeur-pompier admis au bénéfice de l'affectation non opérationnelle, du reclassement ou d'un congé pour raison opérationnelle ne peut exercer aucune activité en qualité de sapeur-pompier volontaire. Dans le cas où il a souscrit antérieurement un engagement en cette qualité, celui-ci prend fin à la date de son reclassement ou de la décision l'admettant au bénéfice d'un congé pour raison opérationnelle " ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 15-6 de la loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers, dans sa rédaction issue de la loi du 20 juillet 2011 applicable à la date de la décision attaquée : " Les sapeurs-pompiers volontaires des corps départementaux et des corps communaux ou intercommunaux adhérents toujours en service à la date visée à l'article 15-7, mais ayant déjà accompli à cette date, en une ou plusieurs fractions, vingt années au moins de services en qualité de sapeur-pompier volontaire, bénéficient du régime institué à l'article 15-1 dans des conditions particulières déterminées par décret et prévues au contrat collectif visé à l'avant-dernier alinéa de l'article 15-2. / Les sapeurs-pompiers volontaires concernés qui ne réunissent pas ces conditions particulières, mais satisfont aux conditions posées au premier alinéa de l'article 12, ont droit à une allocation de fidélité. / Le montant de l'allocation est fonction de la durée des services accomplis comme sapeur-pompier volontaire (...) " ; que l'article 1er du décret du 29 avril 2005 relatif à l'allocation de fidélité sapeur-pompier volontaire dispose que " Tout sapeur-pompier volontaire d'un corps départemental ayant cessé définitivement le service entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2004 et après avoir accompli à la date de son départ, en une ou plusieurs fractions, au moins vingt ans de service en qualité de sapeur-pompier volontaire a droit à une allocation de fidélité " ; que selon l'article 5 du même décret : " Lorsqu'il a été mis fin, en 2004, à l'engagement d'un sapeur-pompier volontaire qui a accompli quinze ans de service, par reconnaissance médicale de son incapacité opérationnelle, il a droit à l'allocation de fidélité d'un montant calculé selon les règles prévues aux deuxième et troisième alinéas de l'article 4 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un sapeur-pompier volontaire d'un corps départemental qui a accompli à la date de son départ au moins vingt ans de service, ne peut prétendre au bénéfice de l'allocation de fidélité que s'il a cessé définitivement son service entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2004 ; que dans le cas où il a été a été mis fin, au cours de l'année 2004, à son engagement par reconnaissance médicale de son incapacité opérationnelle, cette durée de service est ramenée à quinze ans ;
6. Considérant que pour refuser à M. A... le bénéfice de l'allocation sollicité, le service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes s'est fondé, ainsi qu'il résulte notamment de ses écritures devant le tribunal administratif, sur la double circonstance que l'intéressé n'avait pas cessé définitivement son service entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2004 et qu'il ne totalisait pas au moins vingt ans de service en qualité de sapeur-pompier volontaire ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté conjoint du 19 août 2005 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône et du préfet des Bouches-du-Rhône, M. A... s'est vu attribuer au titre de son activité de sapeur-pompier professionnel un congé pour raison opérationnelle à compter du 2 août 2005 jusqu'au 31 juillet 2010 ; qu'il en résulte, d'une part, que c'est à la date du 1er août 2005 qu'a pris fin l'exercice de ses fonctions de sapeur-pompier professionnel et non comme allégué le 31 décembre 2004 ; que, d'autre part, cette circonstance, qui faisait légalement obstacle à ce que l'intéressé poursuive son activité comme sapeur-pompier volontaire, mettait fin de plein droit à son engagement en cette qualité au plus tard à compter de cette même date selon les dispositions de l'article 3 de la loi du 7 juillet 2000 ; que si ce congé faisait suite à un constat d'inaptitude aux fonctions opérationnelles effectué lors d'une visite médicale le 28 septembre 2004, cette circonstance ne permet pas à elle seule d'établir que l'intéressé aurait cessé définitivement son service de sapeur-pompier volontaire le 31 décembre 2004 comme soutenu ; que l'attestation établie le 4 novembre 2013 par le colonel Jorda, alors directeur du service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône, selon laquelle M. A... a été recruté comme sapeur-pompier professionnel du 16 mars 1997 au 31 décembre 2004 dans le corps départemental des sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône et qu'il a bénéficié du statut de sapeur-pompier volontaire durant cette même période comporte des indications contradictoires avec celles résultant de l'arrêté précité du 19 août 2005 et est, dès lors, dépourvue de caractère probant quant à la date de cessation définitive du service de l'intéressé en qualité de sapeur-pompier volontaire ; que si M. A... produit à l'appui de ses dernières écritures une attestation du colonel Allione, directeur de ce même service, datée du 18 septembre 2017 mentionnant " qu'il n'était plus en activité de volontaire le 1er janvier 2006, puisque fin 2004 il n'était plus opérationnel suite à un accident de service ", ce document ne comporte pas d'indications précises sur la date à laquelle l'intéressé a cessé définitivement son service en qualité de sapeur-pompier volontaire ; que ces deux documents comportent en outre des contradictions avec d'autres attestations antérieures établies par le service à la demande de M. A..., même s'ils sont présentés comme visant à en rectifier les erreurs, qu'il s'agisse de l'attestation établie le 16 septembre 2013 par le colonel Jorda, que de la lettre du 16 septembre 2016 adressée à M. A... par le colonel Allione, selon lesquelles l'intéressé aurait cessé définitivement son service de sapeur-pompier volontaire le 1er janvier 2006 ; que si le requérant produit des relevés bancaires faisant état de versements de vacations, mode de rémunération des sapeurs-pompiers volontaires, ces relevés ne couvrent cependant pas toute l'année 2004 et ne concernent pas l'année 2005, ne permettant pas ainsi à la Cour d'apprécier si certaines vacations n'auraient pas été effectuées au cours du premier semestre 2005 ; que l'affaire, inscrite une première fois à l'audience publique du 26 octobre 2018, a été rayée du rôle à l'issue de celle-ci afin de rechercher tous éléments complémentaires permettant d'apprécier la date à laquelle M. A... avait mis fin à son engagement en qualité de sapeur-pompier volontaire ; que la mesure d'instruction effectuée à cette fin auprès du service départemental d'incendie et de secours des Bouches-du-Rhône, après cette radiation, afin notamment que soit produite une copie du cahier d'enregistrement des arrêtés d'engagement et de fin d'activité, n'a pas permis d'obtenir la communications d'autres éléments que ceux déjà versés à l'instance par les parties ; qu'ainsi, en l'état des pièces du dossier, M. A... ne peut être regardé comme ayant cessé définitivement son service en qualité de sapeur-pompier volontaire entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2004 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il ne pouvait, pour ce seul motif, prétendre au bénéfice de l'allocation de fidélité ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée ;
Sur les frais liés au litige :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes d'une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 30 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nice ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. A... versera au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes et à M. E... A....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme C..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
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N° 17MA01027
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