Par un jugement n° 1702742 du 2 janvier 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 février 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 janvier 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 22 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de la décision juridictionnelle à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, lequel s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie en violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'elle justifie résider en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige ;
- cet arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie de motifs exceptionnels et humanitaires d'admission au séjour par l'insertion professionnelle et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ;
- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante philippine née le 21 août 1981, a présenté le 29 novembre 2016 une demande tendant à son admission exceptionnelle au séjour par l'insertion professionnelle et à la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 22 juin 2017, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à cette demande et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... relève appel du jugement du 2 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 22 juin 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 juin 2017 contesté :
2. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. /(...) ".
3. Mme A..., qui soutient être entrée en France le 16 juillet 2007, se prévaut de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis cette date, soit depuis une durée de plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, la production par l'intéressée de la copie de son passeport, revêtu d'un visa C délivré par les autorités consulaires polonaises à Hong-Kong et attestant de son entrée en Pologne (Varsovie) le 16 juillet 2007 n'est pas de nature à établir la date de son entrée sur le territoire français. Par ailleurs, elle ne produit pour l'année 2007 qu'un certificat d'initiation à la langue française délivré à la suite d'une initiation linguistique au cours de l'année en cause et d'une carte de cours de français mentionnant des dates de cours des 22 mai et 25 novembre 2007 ne permettant pas d'établir une résidence habituelle en France durant cette période. Les quatre documents présentés pour l'année 2008, constitués de sa carte d'identité délivrée le 10 janvier 2008 par l'ambassade des Philippines à Paris, d'une attestation d'aide médicale d'Etat du 28 janvier 2008 et de trois documents médicaux, caractérisent tout au plus une présence ponctuelle de l'intéressée au cours du premier semestre de cette année. De même, l'avis de non imposition sur les revenus de 2009 et les deux pièces médicales datées du 21 juillet 2009 produites par l'intéressée sont insuffisants pour établir le caractère habituel de sa résidence durant cette année. Ainsi, Mme A... ne justifie pas résider en France habituellement depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait entachée d'un vice de procédure faute de saisine préalable, par le préfet des Alpes-Maritimes, de la commission du titre de séjour, doit être écarté.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...)". Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. Mme A..., qui soutient être entrée en France le 16 juillet 2007, se prévaut d'une présence effective et continue sur le territoire français depuis cette date, de son concubinage avec un compatriote, de la naissance en France de leurs deux enfants en 2015 et 2017, de la présence régulière en France de sa mère, de ses deux demi-frère et soeur de nationalité française, de membres de la fratrie de son compagnon. Elle fait valoir également qu'elle a perdu toute attache dans son pays d'origine et qu'elle a transféré ses intérêts privés et familiaux en France et y justifie d'une insertion professionnelle. Toutefois, comme il a été exposé au point 3, ses allégations quant à la date de son entrée sur le territoire français et à sa présence continue depuis lors, ne sont pas établies jusqu'en 2010. S'il ressort des pièces du dossier, que la présence habituelle de l'intéressée en France est établie au moins depuis 2010, elle ne justifie pas pour autant d'une intégration particulière dans la société française. Si Mme A... justifie d'une communauté de vie avec un compatriote depuis l'année 2013, il ressort de ces mêmes pièces que son compagnon est également en situation irrégulière et a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français pris le même jour par le préfet des Alpes-Maritimes. En outre, si le couple a donné naissance en France à deux jeunes enfants, l'une le 27 mars 2015 et l'autre le 18 août 2017, soit d'ailleurs dans ce dernier cas postérieurement à la date de l'arrêté contesté, cette circonstance ne fait pas obstacle à la poursuite de la vie familiale hors de France. Enfin, si plusieurs membres de leur famille respective résident sur le territoire français, si elle bénéficie d'une promesse d'embauche pour un emploi d'aide à l'entretien du domicile d'un particulier et si elle a effectué un stage d'initiation à la langue française, ces éléments ne sauraient suffire à la faire regarder comme disposant désormais de liens en France suffisamment stables, anciens et intenses. Enfin, si sa mère a acquis la nationalité française et demeure désormais sur le territoire français, son père quant à lui, a acquis la nationalité espagnole et demeure en Espagne. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté pris à l'encontre de Mme A... n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées. Pour les mêmes motifs, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14, l'autorité administrative doit d'abord vérifier si des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifient la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale", ensuite, en cas de motifs exceptionnels, si la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" est envisageable. Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, en principe, comme attestant, par là même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il résulte, par ailleurs, de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Dans ces conditions, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points.
7. Les seules circonstances que Mme A... soit titulaire d'une promesse d'embauche pour un emploi d'aide à l'entretien du domicile d'un particulier, qu'elle déclare ses revenus, qu'elle paye la taxe d'habitation et la contribution à l'audiovisuel public et qu'elle ait suivi un stage d'initiation à la langue française ne sauraient constituer un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées. Ainsi, compte tenu de la situation de Mme A..., qui ne fait état d'aucune qualification particulière, d'expérience ou de diplômes et au regard des autres éléments de sa situation personnelle, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. L'arrêté contesté n'a ni pour objet, ni pour effet de contraindre la jeune enfant Jan Zoé Jeff née le 27 mars 2015, ni le second enfant du couple né le 18 août 2017, à vivre séparé de l'un de ses parents, dès lors que le compagnon de Mme A..., également de nationalité philippine se trouve en situation irrégulière en France et que rien ne s'oppose à ce que les intéressés emmènent avec eux leurs enfants dans leur pays d'origine où leur vie familiale peut se poursuivre. Par ailleurs, la seule circonstance que la requérante soit titulaire d'une promesse d'embauche pour un emploi d'aide à domicile ne saurait constituer un obstacle à la préservation de l'intérêt supérieur des enfants du couple. Par suite les stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée n'ont pas été méconnues.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.
D É C I D E
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressé au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 30 novembre où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme B..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
N° 18MA00515 6
nl