Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juin 2014 et le 9 novembre 2015, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 février 2014 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 24 septembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance ainsi que le versement à Me A... de la somme de 1 200 euros TTC en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la requête est recevable ;
- la procédure suivie lors de son audition par les services de police, qui doit être soumise au contrôle du juge administratif, est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen complet de sa situation privée et familiale ;
- la décision n'est pas motivée en fait ;
- le préfet a commis une erreur de fait en ne lui reconnaissant pas la qualité de ressortissant communautaire ;
- le préfet a également commis des erreurs de fait en mentionnant qu'elle ne disposait pas de ressources suffisantes et devenait une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mai 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.
1. Considérant que, par jugement du 18 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme B..., de nationalité roumaine, tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2013 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que Mme B... relève appel de ce jugement ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale (...). L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. Les articles L. 512-1 à L. 512-4 sont applicables aux mesures prises en application du présent article " ;
3. Considérant, d'une part, que la décision en litige mentionne notamment que Mme B... demeure sur un " camp ", qu'elle est entrée en France en 2011 puis a fait des allers et retours en Roumanie, qu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle et ne justifie pas disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assurance sociale, qu'elle ne peut se prévaloir de la qualité de membre de famille d'un ressortissant communautaire, que sa présence en France est constitutive d'un abus de droit du fait de la multiplication des séjours de moins de trois mois et qu'il n'est pas porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'elle n'indique pas que l'intéressée est mère de trois enfants, dont il n'est au demeurant pas établi qu'ils vivraient en France, et que son compagnon, de nationalité roumaine, travaille sur le territoire français ;
4. Considérant, d'autre part, qu'en retenant à la fois que Mme B... ne remplissait pas les conditions exigées pour un séjour de plus de trois mois et que sa présence en France était constitutive d'un abus de droit quant aux séjours de moins de trois mois, le préfet s'est borné à relever les éléments constitutifs d'un abus de droit en application des dispositions du 2° de l'article L. 511-3-1 et n'a pas entaché le refus de séjour d'une contradiction de motifs ; que le refus de séjour n'est donc pas, en tout état de cause, insuffisamment motivé de ce seul fait ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale ou de l'article 67 quater du code des douanes, il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue. L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire informe aussitôt l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des motifs de son placement en retenue et de la durée maximale de la mesure ainsi que du fait qu'il bénéficie : 1° Du droit d'être assisté par un interprète ; 2° Du droit d'être assisté par un avocat (...) ; 3° Du droit d'être examiné par un médecin désigné par l'officier de police judiciaire (...) ; 4° Du droit de prévenir à tout moment sa famille et toute personne de son choix (...) ; 5° Du droit d'avertir ou de faire avertir les autorités consulaires de son pays (...). L'étranger ne peut être retenu que pour le temps strictement exigé par l'examen de son droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives applicables. La retenue ne peut excéder seize heures à compter du début du contrôle mentionné au premier alinéa du présent I. Le procureur de la République peut mettre fin à la retenue à tout moment. Les mesures de contrainte exercées sur l'étranger sont strictement proportionnées à la nécessité des opérations de vérification et de son maintien à la disposition de l'officier de police judiciaire (...). L'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui ont justifié le contrôle, ainsi que la vérification du droit de circulation ou de séjour et les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer. Il précise le jour et l'heure du début et de la fin de la retenue et la durée de celle-ci et, le cas échéant, la prise d'empreintes digitales ou de photographies. Il y annexe le certificat médical établi à l'issue de l'examen éventuellement pratiqué. Ce procès-verbal est présenté à la signature de l'étranger intéressé. Celui-ci est informé de la possibilité de ne pas signer ledit procès-verbal. S'il refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci. Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à la personne intéressée (...). Les prescriptions énumérées au présent article sont imposées à peine de nullité (...) " ;
6. Considérant que les mesures de contrôle et de retenue prévues par ces dispositions sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République ; qu'elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire français ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité de ces opérations de contrôle et de retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière ; que, par suite, la circonstance, à la supposer établie, que l'audition de Mme B... par les services de police n'aurait pas respecté les dispositions de l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en l'absence d'intervention d'un avocat, d'avis à la famille ou au consulat et de remise d'une copie du procès-verbal, est sans influence sur la légalité de la mesure d'éloignement en litige ;
7. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu en particulier de ce qui a été dit au point 3 sur la motivation de la décision, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à l'examen complet et particulier de la situation de Mme B... ;
8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) ; 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) " ; que l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " (...) La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres : " Aux fins de la présente directive, on entend par : 1) "citoyen de l'Union": toute personne ayant la nationalité d'un État membre ; 2) "membre de la famille": a) le conjoint ; b) le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d'un État membre, si, conformément à la législation de l'État membre d'accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l'État membre d'accueil (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette directive : " 1. La présente directive s'applique à tout citoyen de l'Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu'aux membres de sa famille, tels que définis à l'article 2, point 2), qui l'accompagnent ou le rejoignent. 2. Sans préjudice d'un droit personnel à la libre circulation et au séjour de l'intéressé, l'État membre d'accueil favorise, conformément à sa législation nationale, l'entrée et le séjour des personnes suivantes : (...) b) le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée (...) " ;
9. Considérant que Mme B..., qui se prévaut de sa situation de concubinage avec un ressortissant roumain exerçant une activité professionnelle en France, ne peut être regardée, à défaut d'être mariée, comme le conjoint d'un ressortissant communautaire au sens des dispositions du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, si l'appelante invoque les dispositions du b) du 2 de l'article 3 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, relatives au partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a une relation durable, dûment attestée, cette directive a été transposée dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la loi du 24 juillet 2006 pour la partie législative, notamment aux articles L. 121-1 et suivants, et le décret du 21 mars 2007 pour la partie réglementaire ; que les dispositions invoquées renvoient aux mesures prises par l'État membre d'accueil dans le cadre de sa législation nationale ; que, par suite, Mme B... ne peut utilement se prévaloir directement de ces dispositions alors qu'en outre que elle ne conteste pas la compatibilité des dispositions de droit national avec les objectifs de la directive ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de fait sur la qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne ne peut être accueilli ;
10. Considérant qu'il suit de ce qui vient d'être dit que Mme B... ne peut utilement prétendre qu'elle bénéficie des ressources de son concubin ; qu'elle ne conteste pas ne pas disposer de ressources propres et n'allègue pas bénéficier d'une assurance maladie ; qu'ainsi le préfet a pu légalement, sans erreur de fait et sans méconnaître les dispositions de l'article R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer qu'elle ne justifiait pas disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie pour ne pas devenir une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, quand bien même elle n'aurait perçu aucune prestation sociale à la date de l'obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 26 février 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
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N°14MA02718 6
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