Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2016, Mme B..., représentée par Me A..., du cabinet A...- Etcheverrigaray, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 2 février 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a commis une erreur de fait, une erreur de droit et méconnu son office en s'abstenant d'examiner sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- s'agissant de la décision fixant le pays de destination, le préfet a méconnu le droit d'être entendu et le principe du contradictoire, s'est estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et n'a pas analysé les risques que présente, pour elle, un retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 octobre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme B..., de nationalité albanaise, relève appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2016 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé un pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant en premier lieu que le préfet mentionne, dans l'arrêté contesté, les textes applicables à la situation de Mme B..., la date et les conditions dans lesquelles celle-ci dit être entrée en France, le fondement sur lequel l'intéressée a présenté sa demande d'admission au séjour, enfin l'examen qu'il a fait de l'ensemble de la situation personnelle et familiale de la requérante ; que l'autorité préfectorale n'est pas tenue de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient Mme B..., cet arrêté est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. " ;
4. Considérant que, par décision du 11 janvier 2016, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté la demande d'asile présentée par Mme B... ; qu'il ressort d'une extraction de l'application informatique " Télémofpra " de l'Office, communiquée par le préfet dans la présente instance, que cette décision a été notifiée le 13 janvier 2016 ; que, compte tenu de l'argumentaire peu convainquant de la requérante, selon lequel une personne non identifiée et non mandatée par elle à cet effet aurait signé en son nom l'accusé de réception du pli contenant cette décision et le lui aurait remis " à une date indéterminée mais postérieurement à l'édiction de la décision de la préfecture ", le tribunal n'avait pas à prescrire une mesure d'instruction aux fins de vérifier à quelle date cette décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a effectivement été notifiée ; que, dans ces conditions, il y lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant en troisième lieu qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : /1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; /3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. /Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
6. Considérant que ni la décision par laquelle l'autorité préfectorale refuse la délivrance d'un titre de séjour, ni celle portant obligation de quitter le territoire français n'impliquent, par elles-mêmes, le retour de l'étranger dans son pays d'origine ; que Mme B... ne peut dès lors utilement soutenir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur de fait et une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision querellée ;
Sur la légalité de la décision fixant un pays de destination :
7. Considérant en premier lieu que si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
8. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;
9. Considérant que Mme B..., lorsqu'elle a déposé sa demande de titre de séjour au titre de l'asile devant les services préfectoraux le 26 octobre 2016, a été mise à même de présenter tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de la décision fixant la pays de destination ; que contrairement à ce que soutient l'appelante, le préfet de l'Hérault n'a pas ajouté à la loi en estimant qu'elle n'apportait pas d'élément nouveau de nature à établir la réalité des risques personnels qu'elle encourait en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, il n'avait pas à l'informer préalablement de ce qu'elle devait produire de tels éléments dans le cadre de l'examen de sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu et du principe du contradictoire ;
10. Considérant en second lieu qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni qu'il n'aurait pas sérieusement analysé les risques que présente, pour Mme B..., un retour dans son pays d'origine, le récit qu'elle produit, qui fait état de violences familiales dans un contexte de projet de mariage forcé, apparaissant trop peu circonstancié pour tenir ces risques comme étant établis ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au le préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 septembre 2017.
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N° 16MA04329
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