Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2015, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 28 juillet 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou de procéder au réexamen de sa situation et de la munir, dans l'attente d'une nouvelle décision, d'une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de la somme de 2 000 euros à son conseil, qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le jugement n'est pas motivé ;
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- le préfet a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
- une atteinte excessive a été portée à sa vie privée et familiale, en violation du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- sa situation justifie la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " sur le fondement du pouvoir de régularisation du préfet ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- cette mesure méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale pour les mêmes motifs que l'obligation de quitter le territoire français.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.
1. Considérant que, par jugement du 16 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme C..., de nationalité arménienne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 juillet 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme C... relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus d'admission au séjour, les premiers juges ont mentionné que cette décision, d'une part, vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, énonce de façon suffisamment circonstanciée les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé ; que, dans ces conditions, le jugement est suffisamment motivé ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
En ce qui concerne le refus d'admission au séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée comporte les éléments de fait et de droit sur lesquels elle est fondée ; qu'ainsi, elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...).. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C..., née le 29 août 1989, est entrée sur le territoire français au mois d'octobre 2011 en compagnie de ses parents et de son frère ; qu'à la date de de la décision en litige, sa mère était titulaire d'une carte de séjour temporaire, délivrée sur le fondement de son état de santé, valable jusqu'au 23 novembre 2015, et son père résidait régulièrement en France sous couvert d'un récépissé de demande de carte de séjour, valable jusqu'au 25 décembre 2015 ; que son frère a fait l'objet, comme l'intéressée, d'un arrêté préfectoral du 28 juillet 2015 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ; qu'à cette dernière date, la mère de Mme C... n'était pas isolée en France et pouvait bénéficier du soutien de son époux ; que la requérante n'allègue pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme C... et quand bien même celle-ci poursuivait alors des études supérieures, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour ; qu'ainsi, l'appelante ne peut se prévaloir ni de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni de celle des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de ce que le refus de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;
6. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France (...) " ;
7. Considérant que le préfet a estimé que la situation de Mme C... ne justifiait pas la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " sur le fondement de son pouvoir de régularisation ; que la circonstance que l'intéressée, qui a obtenu en Arménie un diplôme de pharmacienne en 2008, était inscrite en première année de médecine à la date de l'arrêté préfectoral n'est pas de nature à établir que le préfet aurait commis sur ce point une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions législatives que l'obligation de quitter le territoire français, qui assortit un refus de délivrance d'un titre de séjour, n'avait pas en l'espèce à faire l'objet d'une motivation distincte de ce refus, lequel est suffisamment motivé comme il a été dit au point 3 ; que, dès lors, Mme C... ne peut se prévaloir de la méconnaissance de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
10. Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs mentionnés au point 5, relatifs au refus de séjour ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant que la décision contestée est suffisamment motivée en droit, par le visa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et en fait, par l'indication que l'intéressée est de nationalité arménienne et que, à défaut d'exécution volontaire, l'obligation de quitter le territoire français sera exécutée d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établira être légalement admissible ;
13. Considérant que le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté pour les mêmes motifs que précédemment ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 15MA04607
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