Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2019, sous le n° 19MA00087, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 août 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à Me B... en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, le conseil du requérant s'engageant dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il viole les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., né le 15 mars 1970, de nationalité comorienne, relève appel du jugement du 7 août 2018 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France selon ses déclarations le 29 septembre 2010 sous couvert d'un visa de court séjour. Il réside avec une compatriote titulaire d'une carte de résident en cours de validité, qui occupe un emploi d'agent de service. Cette dernière a deux enfants d'une union précédente dont un de nationalité française. De leur union, sont nés deux enfants le 14 septembre 2014 et le 4 mai 2016. Toutefois, la communauté de vie de M. D... avec sa compagne n'est justifiée qu'à partir du 27 novembre 2014, soit une durée d'un peu moins de trois ans à la date de l'arrêté contesté. Concernant sa durée de séjour, le requérant ne produit aucune pièce pour l'année 2010. Les preuves de présence pour les années 2011 et 2012 constituées par trois confirmations de rendez-vous médicaux, une fiche d'aide médicale d'Etat et un certificat médical sont insuffisantes en nombre et en qualité probante pour établir sa présence habituelle sur le territoire national pendant cette période. M. D... n'établit pas la réalité de sa contribution effective à l'entretien et à l'éducation des quatre enfants du foyer en se bornant à produire deux attestations d'un médecin et de la directrice de l'école maternelle. Par ailleurs, le requérant ne justifie d'aucune insertion professionnelle particulière en France. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.
4. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. / Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article ".
5. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Si les dispositions de l'article L. 313-14 du code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de ces dispositions.
6. Le requérant ne justifie pas avoir spécifiquement présenté sa demande en se prévalant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des motifs de l'arrêté contesté que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait examiné si la situation de M. D... pouvait être régularisé sur le fondement de ces dispositions. Dans ces conditions, M. D... ne peut utilement soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. D... ne démontre pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ni ne justifie de l'intensité des liens qu'il aurait noués avec ceux-ci à la date de l'arrêté contesté. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que l'intérêt supérieur de ses enfants n'aurait pas été suffisamment pris en compte.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 octobre 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. D....
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 juin 2019, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 17 juin 2019.
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N° 19MA00087
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