Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2016, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Montpellier du 22 avril 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 décembre 2014 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ",et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de deux mois, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
- il ne pouvait être statué sur sa demande présentée devant le tribunal administratif par ordonnance prise sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;
s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- la compétence du signataire de cette décision n'est pas établie ;
- elle est entachée d'erreur de droit ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale dès lors qu'elle est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun moyen n'est fondé.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- et les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant Mme D....
1. Considérant que Mme D..., de nationalité marocaine, relève appel de l'ordonnance du 22 avril 2015 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé un pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (...), le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : / (...) /7º Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) " ;
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, Mme D... a invoqué, notamment, un moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en faisant valoir ses liens affectifs avec sa tante et en produisant une promesse d'embauche ; que ce moyen, qui n'était ni inopérant, ni irrecevable, était ainsi assorti de faits susceptibles de venir à son soutien et n'était pas dépourvu des précisions nécessaires à l'appréciation de son bien fondé ; que les termes dans lesquels il était exposé permettait d'en saisir le sens et la portée ; que, dès lors, il appartenait au tribunal administratif de statuer, en formation collégiale, sur la demande de l'intéressée ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de Mme D... ; que cette ordonnance du 22 avril 2015 est ainsi entachée d'irrégularité et doit être annulée pour ce motif ;
5. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;
Sur la légalité de l'arrêté du 4 décembre 2014 du préfet de l'Hérault :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
6. Considérant que, par arrêté n° 2013-I-1532 du 1er août 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le préfet de l'Hérault a accordé une délégation de signature à M. Olivier Jacob, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault (...) à l'exception, d'une part des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre, d'autre part de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique. " ; que la circonstance selon laquelle cet arrêté vise le décret du 29 décembre 1962 et non pas le décret du 7 novembre 2012, qui s'y est substitué, est sans incidence sur la validité de la délégation qu'il consent ; que les deux exceptions que cet arrêté comporte, alors même que les réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 seraient exceptionnelles, sont de nature à assurer le respect de la compétence propre dont dispose le préfet lui-même ; que, par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la délégation de signature consentie par ledit arrêté est illégale en ce qu'elle est trop générale quant à son objet et illimité dans le temps et dans l'espace ;
7. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants marocains contrairement à ce que soutient Mme D..., la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié dont la demande a été présentée sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain est subordonnée à la justification, par le demandeur, d'un visa de long séjour ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté attaqué ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) /7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;
9. Considérant qu'en se bornant à faire état de son arrivée sur le territoire en 2010, de la présence en France de sa tante ainsi que de la circonstance qu'elle est titulaire d'une promesse d'embauche pour un emploi au sein d'un restaurant à Montpellier, Mme D... ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ; que l'intéressée n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 21 ans ; que dans ces conditions, la requérante, célibataire et sans enfant, n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, au regard des buts poursuivis par l'administration, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que cette décision ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
11. Considérant que, aux mêmes motifs que ceux développées aux points 7 et 8 ci-dessus, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté susmentionné du 4 décembre 2014 du préfet de l'Hérault ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance susvisée du 22 avril 2015 du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D..., à Me B..., et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,
- M. Chanon, premier conseiller,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 décembre 2016.
N° 16MA00240 2
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