I. Par une requête, enregistrée le 2 mars 2016 sous le n° 16MA00835, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1503897 du tribunal administratif de Nice du 29 janvier 2016 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet opposée par le préfet ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros dont distraction au profit de Me C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une contradiction interne dans ses motifs ;
- elle méconnaît de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
II. Par une requête, enregistrée le 2 mars 2016 sous le n° 16MA00834, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1504043 du tribunal administratif de Nice du 29 janvier 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 30 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros dont distraction au profit de Me C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une contradiction interne dans ses motifs ;
- il méconnaît de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier, desquelles il ressort que la requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'écritures.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal du 23 septembre 2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Coutier, premier conseiller.
Sur la jonction :
1. Considérant que les affaires n° 16MA00834 et n° 16MA00835 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt ;
Sur le bien fondé des jugements attaqués :
2. Considérant que M. B..., de nationalité sénégalaise, relève appel des jugements du 29 janvier 2016 par lesquels le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour, d'autre part, de l'arrêté du 30 septembre 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé explicitement de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé un pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " ; que, si le silence gardé par l'administration sur un recours gracieux ou hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision ; qu'ainsi, des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. B... dirigées contre la décision implicite née du silence gardé par le préfet sur sa demande de titre de séjour doivent être regardées comme dirigées contre l'arrêté du 30 septembre 2015, par lequel le préfet a rejeté la demande de titre de séjour de M. A... ;
5. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : /- soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; /- soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels " ; que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inséré au sein d'une septième sous-section intitulée " l'admission exceptionnelle au séjour " de la deuxième section du chapitre III du titre Ier du livre III de la partie législative de ce code, dispose, en son premier alinéa, que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; que les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006 précitées, qui renvoient à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de ces dispositions ;
6. Considérant que la double circonstance invoquée par M. B... selon laquelle il exerce une activité professionnelle de cuisinier depuis trois ans et qu'il dispose d'un contrat de travail en cette qualité n'est pas constitutive de motifs exceptionnels de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 précité ; que le préfet a ainsi pu, sans méconnaitre ces dispositions, ni celles de l'article 42 de de l'accord franco-sénégalais précité, refuser de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " salarié " ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que le fait qu'un métier figure à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais n'a pour seul effet, pour un ressortissant de ce pays sollicitant un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des stipulations de l'article 3 de cet accord, que de ne pas se voir opposer la situation de l'emploi en France ; que M. B... n'allègue pas avoir présenté une demande sur le fondement de ces stipulations, qui exigent de justifier d'un contrat de travail visé ; qu'en indiquant, dans son arrêté du 30 septembre 2015 susvisé, que le métier de cuisinier figurait au nombre de ceux mentionnés à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais, le préfet a seulement entendu apporter un argument supplémentaire au soutien de son appréciation portant sur le caractère exceptionnel, ou non, de la situation de M. B..., en relevant, implicitement, que le métier de cuisinier est accessible aux ressortissants sénégalais dans le cadre de la procédure d'immigration concertée entre les deux pays ; qu'il y a lieu, ainsi, d'écarter le moyen tiré de ce que cet arrêté est entaché d'une contradiction interne dans ses motifs ;
8. Considérant, en troisième lieu, que le requérant ne peut utilement se prévaloir, contrairement à ce qu'il soutient, des orientations générales que, par la circulaire du 28 novembre 2012, le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation de la situation d'un ressortissant étranger en situation irrégulière ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) /7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;
10. Considérant que M. B..., célibataire et sans enfant, s'il fait valoir qu'il réside en France depuis 4 ans et qu'il y exerce une activité professionnelle depuis 3 ans, ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, l'intéressé ne contestant pas n'être pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 37 ans ; que, dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué, au regard des buts poursuivis par l'administration, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que, par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cet arrêté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 16MA00834 et n° 16MA00835 de M. B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,
- M. Chanon, premier conseiller,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 décembre 2016.
N° 16MA00834, 16MA00835 2
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