Par une requête, enregistrée le 17 août 2015, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 juillet 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 31 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal administratif a procédé d'office à une substitution de motif, sans le mettre en mesure de faire état de ses observations ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'autorité de la chose jugée ;
- cet arrêté est entaché d'erreur de fait ;
- il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-sa résidence habituelle en France postérieurement à 2013 est établie ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- en vertu des dispositions de l'article L. 317-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait dû lui délivrer une carte de séjour portant la mention "retraité" ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2016, la préfète des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 10 novembre 2016.
1. Considérant que M. B..., né le 16 décembre 1944, de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 16 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mars 2015 par lequel la préfète des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé un pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) /11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé(...). " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l 'intéressé (...) /L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). /L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement " ; qu'enfin, l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, si l'intéressé peut ou non bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays ainsi que la durée prévisible du traitement ; que dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ; qu'il appartient ainsi à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans son pays d'origine ;
3. Considérant que l'arrêté attaqué fait suite à l'annulation, par jugement du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Montpellier, d'un précédent arrêté préfectoral du 16 septembre 2013 rejetant la demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile présentée par M. B... ;
4. Considérant, d'abord, que si la quittance de loyer d'août 2013 et les certificats médicaux d'avril 2015 produits par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier n'étaient pas, à eux seuls, de nature à établir qu'il avait en France, postérieurement au mois de septembre 2013, sa résidence habituelle, l'intéressé avait toutefois également produit un bail locatif, conclu le 2 février 2012 ; que, pour la première fois devant la Cour, l'intéressé produit un compte rendu relatif à une consultation médicale en date du 30 octobre 2013, une attestation médicale datée du 14 novembre 2013, une convocation en date du 18 novembre 2013 pour une hospitalisation programmée le 11 décembre 2013, une lettre du 26 juin 2014 l'informant de la décision prise le 13 mai 2014 par la commission de surendettement des particuliers des Pyrénées-Orientales sur sa situation, libellée à l'adresse correspondant au bail locatif précité, enfin une attestation d'assurance habitation datée du 11 septembre 2014 concernant le logement situé à cette même adresse ; qu'ainsi, et alors que le tribunal administratif de Montpellier, par son jugement du 30 janvier 2015, devenu définitif, a jugé que le préfet ne pouvait soutenir que M. B... n'avait pas sa résidence habituelle en France entre le 15 juin 2009 et le 4 septembre 2013, cette résidence habituelle sur le territoire français doit être regardée comme établie du 15 juin 2009 au 31 mars 2015, date à laquelle le préfet a pris son nouvel arrêté portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
5. Considérant, ensuite, que pour prendre l'arrêté attaqué, la préfète a visé l'avis qu'avait rendu le médecin de l'Agence régionale de santé dans le cadre d'une précédente procédure, le 9 août 2013, par lequel celui-ci avait indiqué que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale, que le défaut de cette prise en charge pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, enfin que l'intéressé ne pouvait bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays d'origine, le Maroc ; que, toutefois, la préfète se prévaut d'une publication de l'Agence nationale de l'assurance maladie (ANAM) du Maroc, qui place la maladie de Parkinson, dont serait atteint le requérant, sur la liste des maladies graves ou invalidantes nécessitant des soins de longue durée ou particulièrement coûteux, la préfète ajoutant qu'en qualité d'affection de longue durée, l'assurance maladie obligatoire au Maroc assure une prise en charge pour tous les traitements nécessaires à cette maladie et qu'une exonération partielle ou totale des frais qui restent à la charge de l'assuré est prévue ; que la préfète fait encore observer que selon le guide des médicaments remboursables au Maroc publié par l'ANAM, les médicaments principaux préconisés par le praticien hospitalier qui suit l'intéressé, sont accessibles et remboursables ;
6. Considérant cependant que M. B... produit, dans la présente instance, un document montrant les déficiences dans la prise en charge des malades atteint de la maladie de Parkinson au Maroc ; qu'il produit également un certificat médical établi le 7 avril 2015 par le docteur Dutray, neurologue au centre hospitalier de Perpignan, indiquant qu'il est suivi en consultation neurologie, la dernière ayant eu lieu le 1er octobre 2014, pour un tremblement sévère, invalidant, attribué à un probable " tremblement essentiel " ; que ce certificat précise qu'une évaluation au centre hospitalier universitaire a retenu une indication de stimulation cérébrale profonde nécessitant par la suite un suivi spécifique ; que le requérant produit un autre certificat médical, établi le 24 avril 2015 par le docteur Gonzales, neurologue au centre hospitalier universitaire de Montpellier, lequel confirme que M. B... est " en cours d'étude pour évaluer une indication chirurgicale de tremblement (évaluation d'une indication d'une thérapie de stimulation cérébrale profonde) " ; que ces certificats médicaux, alors même qu'ils sont postérieurs à l'arrêté attaqué du 31 mars 2015, décrivent un état de santé très altéré et viennent confirmer le caractère particulièrement technique des soins requis par l'état de santé de M. B... ; qu'ils ne sont pas discutés par la préfète dans ses écritures devant la Cour ; qu'ainsi, M. B... est fondé à soutenir que ledit arrêté méconnaît les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Considérant qu'il y a lieu, eu égard au motif retenu par le présent arrêt, d'enjoindre à la préfète des Pyrénées-Orientales de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. B... au titre des frais non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle et sous réserve de l'admission définitive de son client à l'aide juridictionnelle ; que, dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. B... par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros sera versée à M. B... ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 31 mars 2015 susvisé est annulé.
Article 3 : Il est enjoint à la préfète des Pyrénées-Orientales de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. A...B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète des Pyrénées-Orientales et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 novembre 2016.
N° 15MA03471 2
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