Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2018, sous le n° 18MA01963, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mars 2018 ;
3°) d'annuler la décision du 20 mars 2018 ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 ;
- elle est contraire à l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la France est responsable de l'examen de sa demande d'asile dès lors qu'il est arrivé en Europe de façon irrégulière et y a déposé une demande d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 21 septembre 1997 de nationalité afghane, relève appel du jugement du 26 mars 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2018 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a prononcé son transfert aux autorités suédoises responsables de sa demande d'asile.
Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par décision du 25 mai 2018, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a statué sur la demande d'aide juridictionnelle présentée par le requérant et a admis celui-ci au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour la présente instance d'appel. Dès lors, les conclusions présentées par M. C... tendant à ce que la Cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet à la date du présent arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 : " La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable (...). ".
4. Si les conditions de notification de l'arrêté litigieux peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délai de recours, elles sont sans incidence sur sa légalité. Dès lors, une omission sur ce point n'entache pas par elle-même la légalité de la mesure d'éloignement.
5. Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. ".
6. Si M. C... soutient qu'il n'a pas voulu signer la décision contestée faute de compréhension du contenu des documents remis par le préfet des Bouches-du-Rhône, il ressort des mentions portées sur cette décision que le requérant a bénéficié des services téléphoniques d'un interprète agréé par ISM Interprétariat en langue Dari que le requérant a déclaré comprendre, ainsi que le permettent les dispositions précitée de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. /2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. ". Aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ". Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: /a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre; /b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. ".
8. Il résulte de ces dispositions que la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté, que les empreintes décadactylaires de M. C... ont été relevées par les autorités suédoises le 21 septembre 2015. Par ailleurs, le numéro d'identification EURODAC indique pour le requérant la mention " SE 1 ", le chiffre 1 signifiant qu'il a sollicité l'asile en Suède. Par la suite, il est entré en France et a présenté une autre demande d'asile le 2 octobre 2017 auprès des services de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Ainsi, à la date de l'arrêté contesté, la Suède était restée responsable de la première demande d'asile et a, par une décision du 13 octobre 2017, explicitement accepté la reprise en charge de l'intéressé sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il relèverait des stipulations de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 qui ne concernent que le cas des étrangers ayant franchi illégalement une frontière sans y avoir sollicité l'asile.
9. Le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre. Cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement. Toutefois, si le paragraphe 2 de cet article 17 prévoit qu'un Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères fixés par le règlement, " rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées notamment sur des motifs familiaux ou culturels ", la présence sur le territoire d'un Etat membre des membres de la famille du demandeur n'est pas un critère prioritaire pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
10. La décision contestée n'implique pas, par elle-même, un retour en Afghanistan. Par suite, M. C... ne peut utilement soutenir que le transférer en Suède, pays qui a déjà rejeté sa demande d'asile à trois reprises, signifierait qu'il serait renvoyé dans son pays d'origine où il courrait des risques en raison de sa religion chiite et de son ethnie hazara non pachtou et d'un attentat survenu à Kaboul contre cette minorité au mois d'avril 2018. Par ailleurs, il ne se prévaut d'aucune présence familiale en France. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision en litige et en ne faisant pas usage de la clause dérogatoire prévue par les dispositions précitées du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 mars 2018.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. C... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. C... à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié M. E... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2019, où siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D..., première conseillère,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 avril 2019.
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