Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2018, M. D..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2018 du préfet du Gard ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est privée de base légale à raison de l'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2019, le préfet du Gard, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant nigérian, relève appel du jugement du 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 janvier 2018 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement.
2. Le préfet mentionne, dans l'arrêté contesté, les textes applicables à la situation de M. D..., la date et les conditions dans lesquelles celui-ci indique être entré en France, le fondement sur lequel il a présenté sa demande d'admission au séjour, enfin l'examen qu'il a fait de l'ensemble de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. L'autorité préfectorale n'est pas tenue de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés. Ainsi, alors même qu'il ne fait pas mention des deux enfants que M. D... a reconnus, cet arrêté est suffisamment motivé au regard des exigences de motivation prévues par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".
4. Il ressort des pièces du dossier que, s'il a effectivement reconnu être le père de deux des enfants de Mme C..., l'un étant né le 23 février 2013, antérieurement à la date à laquelle il a déclaré être entré en France, soit le 25 mars 2014, et cette reconnaissance étant intervenue le 1er septembre 2014, l'autre étant née le 28 août 2017, M. D... n'établit pas qu'il vivrait sous le même toit que ces enfants et celle qu'il présente comme sa compagne, les deux parents se présentant respectivement comme étant célibataire dans leurs démarches administratives et l'intéressé disposant d'une domiciliation au centre de l'Espélido à Nîmes. Il ressort à cet égard des pièces du dossier, particulièrement d'une enquête de police datée du 3 septembre 2015, qu'alors que Mme C... était domiciliée.... Le requérant, qui ne justifie pas davantage une insertion particulière dans la société française, ne démontre ainsi pas l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France. En outre, alors qu'il a déjà fait l'objet d'une décision préfectorale d'éloignement, M. D... n'y a pas déféré. Dans ces conditions, et alors qu'il ne conteste pas n'être pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, au regard des buts poursuivis par l'administration, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Cet arrêté ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté querellé a été pris en réponse à la demande présentée par M. D... en date du 19 mai 2017 tendant au renouvellement du titre de séjour " étranger malade " dont il était détenteur. Dans sa demande, l'intéressé a indiqué qu'il était célibataire, a donné pour domiciliation l'adresse du centre de l'Espélido à Nîmes et a signalé être père d'un enfant né le 23 février 2013. La partie du formulaire intitulée " autre élément particulier à prendre en considération dans la demande de titre de séjour " est demeurée vierge. Eu égard au motif fondant la demande et au caractère limité des éléments fournis par M. D... relatifs à sa situation personnelle et familiale, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient été ultérieurement complétés, notamment postérieurement à la naissance de son second enfant 28 août 2017, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de la demande doit être écarté. Le préfet du Gard n'a ainsi commis ni erreur manifeste d'appréciation, ni erreur de droit.
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. La seule circonstance que M. D... soit père de deux jeunes enfants ne suffit pas à établir que le préfet, en prenant l'arrêté querellé, n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de ces enfants dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 4, l'intéressé n'établit pas vivre sous le même toit qu'eux. Au surplus, l'exécution de la décision d'éloignement prise à l'encontre de l'appelant n'implique pas que ces enfants seraient privés de la présence permanente de leur mère ni ne fait obstacle à ce qu'il sollicite, dans les conditions prévues par la législation sur les étrangers, des autorisations pour entrer sur le territoire français afin de les voir. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêté méconnaît les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant.
8. Le présent arrêt rejetant les conclusions présentées par M. D... tendant à l'annulation de la décision portant refus d'admission au séjour, le moyen tiré par la voie de l'exception du défaut de fondement légal de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme B..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 28 juin 2019.
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N° 18MA03150
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