Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2016 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de résident et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas vraiment répondu au moyen tiré de ce que le préfet s'est uniquement fondé sur les seules ressources propres du demandeur sans tenir compte de l'allocation aux adultes handicapés ;
- sa demande n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux dès lors que le préfet s'est uniquement fondé sur l'insuffisance de ses ressources, sans prendre en considération sa situation de personne handicapée ne lui permettant pas de travailler ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit dès lors qu'il s'est cru lié par l'insuffisance de ses ressources pour rejeter sa demande ;
- il a méconnu l'article 18 de la convention relative aux droits des personnes handicapées ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors qu'il justifie de son intention de s'installer durablement en France où il réside depuis vingt-cinq ans et où il dispose de liens familiaux et que son état de santé l'empêche de travailler.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à l'argumentation produite en première instance.
Par une décision du 7 septembre 2018, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention relative aux droits des personnes handicapées, signée à New York le 30 mars 2007 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant marocain né en 1958, relève appel du jugement du 17mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 17 juin 2016 lui refusant la délivrance d'une carte de résident de dix ans en application de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le jugement attaqué, après avoir rappelé au point 3 que les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " n'autorisent à prendre en compte que les ressources propres du demandeur, sans y adjoindre les prestations dont il peut bénéficier au titre de l'aide sociale ... et notamment l'allocation aux adultes handicapés (...) ", a indiqué que le préfet de l'Hérault a, à bon droit, considéré que M. D..., s'il perçoit l'allocation aux adultes handicapés, ne disposait pas de ressources propres au moins équivalentes au salaire minimum de croissance pour prétendre à la délivrance de la carte de résident. Par suite, il a suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur de droit. Ainsi le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie (...). La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. / Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. (...). ". Aux termes de l'article R. 314-1-1 du même code en vigueur à la date de la décision contestée : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues à l'article L. 314-8 en présentant : (...) 3° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande ; (...) ".
4. Il résulte des dispositions précitées que la carte de résident ne peut pas être délivrée au titulaire d'une carte de séjour temporaire si ses ressources ne sont pas au moins égales au salaire minimum de croissance, l'administration conservant toutefois la faculté de prendre une décision favorable si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, ou compte tenu de l'évolution favorable de la situation de l'intéressé quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande.
5. M. D... reprend en appel les moyens tirés de ce que sa demande n'a pas fait l'objet d'un examen réel et sérieux dès lors que le préfet s'est uniquement fondé sur l'insuffisance de ses ressources, sans prendre en considération le fait qu'il est titulaire d'une carte de priorité pour personne handicapée et qu'il souffre de graves problèmes de santé qui ne lui permettent pas de travailler, de ce que le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit dès lors qu'il s'est cru lié par l'insuffisance de ses ressources pour rejeter sa demande, de ce qu' il a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de son intention de s'installer durablement en France où il réside depuis vingt-cinq ans, de ce qu'il perçoit l'allocation aux adultes handicapés. Il y a lieu d'écarter ces moyens, qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
6. Les stipulations de l'article 18 de la convention relative aux droits des personnes handicapées disposent que : " 1. Les Etats Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l'égalité avec les autres, le droit de circuler librement, le droit de choisir librement leur résidence et le droit à une nationalité, et ils veillent notamment à ce que les personnes handicapées : (...) b) Ne soient pas privées, en raison de leur handicap, de la capacité d'obtenir, de posséder et d'utiliser des titres attestant leur nationalité ou autres titres d'identité ou d'avoir recours aux procédures pertinentes, telles que les procédures d'immigration, qui peuvent être nécessaires pour faciliter l'exercice du droit de circuler librement ; ".
7. M. D... soutient que l'arrêté en litige, fondé sur l'insuffisance de ses ressources, méconnaît les stipulations citées. Ces stipulations qui sont relatives au droit de circuler librement et à la nationalité, sont sans influence sur un litige portant sur la délivrance d'une carte de résident et, au surplus, le requérant dispose d'une carte de séjour temporaire. Le requérant ne peut donc s'en prévaloir pour discuter la légalité de l'acte en litige.
8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation présentées par M. D... doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme C..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2019.
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N° 18MA05241
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