Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 mars 2015, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Il résulte du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 8 août 2014 qu'elle réside habituellement en France depuis plus de dix ans ;
- en lui refusant l'admission au séjour, le préfet a porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2015, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.
1. Considérant que, par jugement du 5 février 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Mme B..., de nationalité marocaine, tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2014 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme B... relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant que Mme B..., née le 15 août 1982, déclare être entrée sur le territoire français le 1er septembre 2000 et s'y être ensuite continuellement maintenue ; qu'il résulte du jugement devenu définitif du tribunal administratif de Nîmes du 8 août 2014, annulant un arrêté préfectoral du 26 mars 2014 portant refus de séjour, qu'elle réside habituellement en France depuis plus de dix ans ; que ce motif, qui constitue le soutien nécessaire du dispositif, est revêtu de l'autorité absolue de chose jugée ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... est célibataire sans enfant et vit chez son père ; que ce dernier ainsi que sa mère, qui résident régulièrement en France, sont divorcés et ont chacun reconstitué une vie familiale en France ; que l'ensemble des frères et soeurs de l'intéressée séjournent régulièrement en France ou disposent de la nationalité française ; que ses grands-parents sont décédés au Maroc ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme B..., le préfet a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour ; qu'ainsi l'autorité administrative a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement et l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2014 doivent être annulés ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que l'article L. 911-3 du même code dispose : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;
6. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Gard délivre à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer un tel titre de séjour à l'intéressée dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstance de l'affaire, les conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de mettre à la charge de la partie perdante le versement de la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas obtenu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
8. Considérant que Mme B... n'allègue pas avoir exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que l'avocat de l'intéressée n'a pas demandé la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée de sa cliente si cette dernière n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions tendant au versement d'une somme par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 février 2015 et l'arrêté du préfet du Gard en date du 24 octobre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nîmes.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,
- M. Chanon, premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 30 juin 2016.
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N° 15MA00952
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