Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2019, Mme A..., épouse B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 février 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2017 rejetant sa demande de regroupement familial présentée en faveur de son époux ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 2 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui accorder le bénéfice du regroupement familial demandé au profit de son époux dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de regroupement familial sous la même condition d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à payer à son avocat en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait dès lors que les ressources de son époux n'ont pas été prises en compte dans le calcul des ressources du ménage ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ses ressources propres sont inférieures de seulement 50 euros au seuil fixé ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme A....
Il soutient que les moyens soulevés à l'encontre de sa décision ne sont pas fondés.
Mme A..., épouse B..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse B..., ressortissante guinéenne née le 2 mai 1981, relève appel du jugement du 12 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2017 par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son époux, formée le
14 avril 2016, et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux présenté le
2 février 2017 à l'encontre de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint (...) Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 de ce même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : (...) - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes (...) ".
3. Ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme A..., épouse B..., a, en moyenne sur une période de douze mois précédent la décision attaquée, perçu un salaire mensuel de 1 356 euros brut, alors que le seuil de ressources requis pour la période de référence s'établissait à un montant mensuel de
1 459 euros brut. Mme A... soutient, d'une part, que le préfet a seulement tenu compte de ses ressources, sans y ajouter celles perçues par son époux, et, d'autre part, que la différence entre ses ressources propres et le seuil de ressources requis est minime, ce qui ne permettait pas au préfet, sans erreur manifeste d'appréciation, de considérer qu'elle ne justifiait pas de ressources suffisantes. Toutefois, les pièces produites n'établissent pas que son mari percevrait des revenus tirés de la location d'un local commercial en Guinée, par suite d'un contrat qui, en tout état de cause, expirait en 2017. Ensuite, il n'est pas contesté par Mme A..., épouse B..., qu'elle vit avec sa fille née en 2016 de son union avec son époux, et son fils né en 2008 d'une autre union avec un ressortissant français dont elle est séparée, ce qui, en cas de venue en France de son époux M. B..., porterait la composition de son foyer à quatre personnes et, par suite, les ressources nécessaires pour pouvoir prétendre au regroupement familial sur le fondement des dispositions précitées, au montant de 1 459 euros bruts augmenté d'un dixième de ce montant. Dans ces conditions, Mme A... épouse B..., n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur de fait concernant le montant des ressources du couple ou une erreur d'appréciation concernant le caractère suffisant de ces ressources.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., épouse B..., titulaire d'un titre de séjour d'une durée de validité de dix ans en qualité de parent d'enfant français, a épousé en Guinée un compatriote le 31 décembre 2015 et qu'à la date de la décision attaquée, était née de cette union une enfant, âgée de quelques mois. Dans ces conditions, compte tenu du caractère récent du mariage à la date de la décision attaquée, d'à peine plus d'un an, du fait que l'intéressée n'a jamais vécu avec son époux, et du très jeune âge de son enfant, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, au regard des buts poursuivis par l'administration, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnaît de la sorte les stipulations précitées.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée ait, dans les circonstances de l'espèce, méconnu les stipulations précitées, compte tenu du jeune âge de l'enfant de M. et Mme B..., et dès lors que cette dernière, qui peut à tout moment déposer une nouvelle demande de regroupement familial, n'établit pas être dans l'impossibilité d'effectuer des séjours en Guinée d'une durée suffisante pour permettre la création et l'entretien de liens solides entre l'enfant et son père, ni que celui-ci n'ait pu obtenir un visa pour se rendre en France, auprès de son épouse et de son enfant, aux mêmes fins.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse B..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 20 janvier 2017 et du rejet implicite de son recours gracieux, ainsi que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de Mme A..., épouse B..., la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : : La requête de Mme A..., épouse B..., est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., épouse B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience publique du 17 novembre 2020, où siégeaient :
M. Badie, président,
M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
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N° 19MA02658