Par un jugement n° 1703268 et 1800634 du 4 octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a admis l'intervention de la société Grande Pharmacie d'Alès, a annulé la décision du 29 août 2017 de la directrice générale de l'agence régionale de santé Occitanie et la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société C... B..., a enjoint à l'agence régionale de santé Occitanie de délivrer à la société C... B... l'autorisation de transfert sollicitée dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement, a mis à la charge de l'agence régionale de santé Occitanie une somme de 1 500 euros à verser à la société C... B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes de la société C... B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 novembre 2019, la SELARL Pharmacie Grand Alès, représentée par la Selarl Sapone-Blaesi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2019 ;
2°) de rejeter les demandes de la société C... B... ;
3°) de mettre à la charge de la société C... B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'article L. 5125-3 du code de la santé publique a été méconnu ;
- le tribunal a manifestement mal apprécié la future zone de chalandise de la société C... B... en relevant que le transfert s'opère dans le même quartier au motif que la nouvelle implantation est à la limite de deux quartiers et du côté de celui d'origine, c'est-à-dire du côté pair de la rue Auguste Delaune, au 18, alors que le transfert envisagé se situait du côté impair de cette voie, au 1 B de la rue Delaune, qui fixe la limite entre les deux quartiers ;
- le déplacement à la périphérie sud du quartier des Tamaris ne permettra pas une desserte optimale de la population d'origine alors qu'il n'est pas attendu un accroissement de celle-ci dans la zone projetée du transfert de l'officine en dépit de la présence de services de proximité dans ce territoire ;
- le transfert n'améliore pas l'accessibilité de la population à l'officine ;
- son officine n'est pas séparée de celle qui est contestée par une barrière naturelle composée d'un stade de football et de jardins potagers comme dit par le tribunal ; il s'ensuit que le transfert litigieux aura un retentissement sur sa patientèle qui diminue du fait de la baisse de population du quartier des Cévennes en raison d'opérations de rénovation urbaine, population qui se déplace vers le centre de santé et le quartier du centre commercial Lidl ; il existe donc une juxtaposition de clientèle ;
- le tribunal ne pouvait qu'enjoindre à l'autorité administrative de réexaminer la situation de la société C... B... et non de délivrer l'autorisation sollicitée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2021, la SARL Pharmacie C... B..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SELARL Pharmacie Grand Alès au titre des frais de justice.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré 1er février 2021, l'agence régionale de santé d'Occitanie conclut au rejet de la requête.
L'agence fait valoir que, dès lors qu'elle a délivré l'autorisation litigieuse en vertu de l'injonction du tribunal administratif, la requête est dépourvue d'objet.
Une ordonnance du 3 février 2021 a clos l'instruction au 19 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., substituant la Selarl Sapone-Blaesi, représentant la SELARL Pharmacie Grand Alès.
Considérant ce qui suit :
1. La SELARL Pharmacie Grand Alès fait appel du jugement n° 1703268 et 1800634 du 4 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 29 août 2017 de la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) Occitanie et la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société C... B..., et a enjoint à l'agence régionale de santé Occitanie de délivrer à la société C... B... l'autorisation de transfert sollicitée dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.
Sur le non-lieu :
2. La circonstance que l'ARS Occitanie a délivré l'autorisation de transfert en exécution du jugement du 4 octobre 2019 visé au point 1, ne rend pas sans objet la présente requête dirigée contre les décisions litigieuses qui demeurent dans l'ordonnancement juridique. L'exception de non-lieu soulevée en défense par l'ARS Occitanie doit donc être écartée.
Sur les conclusions d'annulation :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique :
3. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique alors applicable : " Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines. Les transferts et les regroupements ne peuvent être accordés que s'ils n'ont pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente de la commune ou du quartier d'origine. Les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie ne peuvent être effectués que dans un lieu qui garantit un accès permanent du public à la pharmacie et permet à celle-ci d'assurer un service de garde ou d'urgence mentionné à l'article L. 5125-22 ". Il résulte de ces dispositions que lorsque la nouvelle implantation autorisée par l'autorité administrative se situe dans le même quartier que la précédente implantation, le transfert ne peut être autorisé que si la nouvelle implantation répond de façon optimale aux besoins en médicaments de la population de ce quartier. La population résidente, au sens des mêmes dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable. L'administration peut toutefois tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine.
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la ville d'Alès compte 39 993 habitants et 21 officines de pharmacie essentiellement situées dans le centre de la ville. L'officine de Mmes C... et B... dénommée " Pharmacie des Tamaris " est la seule pharmacie implantée au sein du quartier " Tamaris " qui compte 2 204 habitants, où elle est située au centre de ce quartier, place de l'église. Le lieu de transfert de l'officine, au 1B, rue Auguste Delaune, et non au 18 de cette rue, comme indiqué par une erreur de plume dans le jugement attaqué, se situe dans le même quartier " Tamaris " à environ 470 mètres à pied du local d'origine. La nouvelle implantation permet à l'officine de se rapprocher des zones de vies dans lesquelles se situent les services de proximité offerts à la population résidente. Ce transfert qui est opéré au sein du même quartier de la commune d'Alès, à faible distance de l'emplacement précédent, permet aux habitants concernés de se rendre aisément à l'emplacement de la nouvelle officine. Par ailleurs, le nouvel emplacement de l'officine, situé dans une maison médicale, est doté d'équipements adaptés pour recevoir du public et les automobilistes et garantit un accès permanent à la pharmacie pour assurer un service de garde satisfaisant, quand bien même l'ancien local était lui aussi aisément accessible. Enfin, des projets immobiliers dans le quartier " Tamaris " permettent de prendre en compte une augmentation marquée de la population de ce territoire. Par suite, contrairement à ce que soutient la requérante, le transfert contesté n'a pas pour effet de compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier des " Tamaris ".
5. En deuxième lieu, il résulte des documents cartographiques et des pièces versées au dossier que le nouvel emplacement de l'officine, se trouve en lisière nord de l'IRIS " Tamaris " et de l'IRIS " Cévennes ", dont la limite est constituée par l'avenue Auguste Delaune, dans la zone d'activité du quartier " Tamaris " située en face du centre commercial " LIDL ", et que le quartier " Cévennes " compte 1 692 habitants desservis par l'officine, la Pharmacie Grand Alès. La Pharmacie Grand Alès soutient qu'une partie des habitants de son quartier ont vocation à s'approvisionner auprès de la nouvelle officine, dès lors que les deux pharmacies ne seront séparées que de 500 mètres. Cependant, le moyen tiré de ce qu'une partie de sa clientèle serait attirée par la pharmacie des Tamaris est inopérant au soutien de la contestation de la décision attaquée, dès lors que la légalité de celle-ci ne s'apprécie qu'au regard d'un transfert d'officine qui répond de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans le quartier d'accueil. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le transfert litigieux ne compromet pas les intérêts de la santé publique des habitants du quartier " Tamaris " mais répond, au regard de sa nouvelle situation, à leurs besoins de façon optimale. Dans ces conditions, la SELARL Pharmacie Grand Alès n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 29 août 2017 de la directrice générale de l'agence régionale de santé Occitanie et la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société C... B....
En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Nîmes :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". En vertu de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
7. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en annulant la décision du 29 août 2017 de la directrice générale de l'agence régionale de santé Occitanie et la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de la société C... B..., le tribunal administratif de Nîmes a estimé que l'agence régionale de santé de la région Occitanie avait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 5123-5 du code de la santé publique. La SELARL Pharmacie Grand Alès n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont ordonné à l'autorité administrative de délivrer l'autorisation sollicitée qui était fondée en droit.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL C... B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SELARL Pharmacie Grand Alès demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SELARL Pharmacie Grand Alès le versement à la SARL Fisher B... la somme de 2 000 euros, au même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie Grand Alès est rejetée.
Article 2 : La SELARL Pharmacie Grand Alès versera la somme de 2 000 euros à la SARL C... B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie Grand Alès, à la SARL C... B... et au ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au directeur de l'agence régionale de santé d'Occitanie.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2021.
N° 19MA05239 2