Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 20MA01441 le 24 mars 2020,
Mme B... D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 février 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet du Gard du 11 décembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une carte de séjour dans le délai de
15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour fait une inexacte application des dispositions du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est à la charge de ses parents de nationalité française ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme compte tenu de l'intensité des liens familiaux avec sa mère, son beau-père et ses deux demi-soeurs tous de nationalité française, avec lesquels elle réside en France depuis 2017 ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire qui est fondée sur la décision portant refus de droit au séjour illégale doit être annulée par voie de conséquence, outre qu'elle méconnait l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 3 juin 2020, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens de la requérante sont infondés.
Par ordonnance du 2 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 août 2020 à 12h00.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 20MA01442 le 24 mars 2020, Mme B... D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes 21 février 2020 ;
2°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant droit au travail dans un délai de 15 jours dans l'attente de la décision à intervenir sur sa requête au fond ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens invoqués à l'appui de sa requête au fond sont sérieux et de nature à justifier sa demande ;
- les conséquences du jugement sont difficilement réparables.
Par un mémoire enregistré le 19 juin 2020, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que les moyens de la requérante sont infondés.
Par ordonnance du 8 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 août 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. F... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante marocaine, alors titulaire d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, a sollicité en novembre 2017 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 décembre 2019, le préfet du Gard a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel, par la requête n° 20MA01441, du jugement du 21 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête en annulation de cet arrêté. Par la requête n° 20MA01442, elle demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution dudit jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n°s 20MA01441 et 20MA01442 présentées pour Mme D..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., née le 22 décembre 1988, est régulièrement entrée en France en septembre 2015 pour y suivre des études supérieures et s'est vue attribuer un titre de séjour en qualité d'étudiante renouvelé jusqu'au 2 novembre 2017. Sa mère, ainsi que son beau-père, et les deux filles de ces derniers, qui se sont mariés en 1999, sont tous de nationalité française et vivent sur le territoire français depuis le mois d'août 2017. Si la requérante ne démontre pas qu'elle est prise en charge matériellement ou financièrement par sa famille, elle établit par les attestations qu'elle produit la persistance de ces liens familiaux à la date de l'arrêté attaqué. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, fille unique, elle dispose d'attaches familiales au Maroc où son père est décédé en 1991. Ainsi, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Gard a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels l'arrêté attaqué a été pris. Cet arrêté, dans cette mesure, a, par suite, été édicté en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. L'illégalité des décisions du préfet du Gard refusant de délivrer à Mme D... un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français, entache d'illégalité, par voie de conséquence, sa décision fixant le pays de destination.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué, le présent arrêt implique pour le préfet du Gard qu'il délivre à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens dont le délai d'exécution sera fixé à un mois. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les conclusions à fin de sursis du jugement attaqué :
8. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de Mme D... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a ainsi pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20MA01442.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 21 février 2020 et l'arrêté du préfet du Gard du 11 décembre 2019 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20MA01441 est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à Me E..., au préfet du Gard et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2020, où siégeaient :
- M. F..., président,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme C..., première conseillère,
Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.
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N° 20MA01441, 20MA01442