II. M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a modifié l'article 2 de son arrêté du 19 mai 2019 et d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1902052 du 1er octobre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 13 juin 2019 sous le n° 19MA02663, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 11 mai 2019 par laquelle le préfet de Vaucluse l'a obligé à quitter le territoire français ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 11 mai 2019 en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée a été prise sans être précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle et est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il justifie d'un droit au séjour en application des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne constitue pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société, au sens des dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par lettre du 17 octobre 2019, une mise en demeure de produire des observations a été adressée au préfet de Vaucluse, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. D... a produit des pièces, enregistrées le 12 mars 2020.
Par ordonnance du 19 mars 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 avril 2020.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 12 juillet 2019.
II. Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2019 sous le n° 19MA04499, et un mémoire, enregistré le 25 janvier 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 1er octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2019 par lequel le préfet de Vaucluse l'a obligé à quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige doit s'analyser comme une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est illégale dès lors qu'elle a été prise sans être précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle, est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il justifie d'un droit au séjour en application des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2020, le préfet du Vaucluse conclut au rejet de la requête de M. D....
Il soutient que l'arrêté attaqué ne constitue pas une nouvelle mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressé et qu'en conséquence les moyens dirigés contre une telle décision sont irrecevables.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. E... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C....
Considérant ce qui suit :
Sur la jonction :
1. Les recours susvisés nos 19MA02663 et 19MA04499 concernent la situation d'un même requérant et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt.
Sur le bien-fondé des jugements attaqués :
2. Par un arrêté du 11 mai 2019, le préfet de Vaucluse a obligé M. D... à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination de sa reconduite. Par jugement du 16 mai 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté en tant qu'il refusait d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire pour exécuter la mesure d'éloignement. Par arrêté du 20 mai 2019, le préfet de Vaucluse a modifié l'article 2 de son arrêté du 11 mai 2019 et accordé à M. D... un délai de départ volontaire de trente jours. M. D... relève appel des jugements du tribunal administratif de Nîmes du 16 mai 2019 et du 1er octobre 2019 en tant qu'ils ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions portant obligation du territoire français prises selon lui par le préfet de Vaucluse dans ses arrêtés du 11 mai et
20 mai 2019.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français du
11 mai 2019 :
3. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / (...). ".
4. Il ressort des termes de la décision attaquée que la mesure d'éloignement a été prise aux motifs, d'une part, que l'intéressé s'est maintenu en France en situation irrégulière à l'expiration de son visa, et, d'autre part, que le 10 mai 2019, alors qu'il voyageait sans titre de transport et porteur d'une arme de catégorie D, il a fait l'objet d'un contrôle par des agents de la sûreté ferroviaire, à l'encontre desquels il a adopté un comportement extrêmement virulent et agressif, proférant des menaces de mort, et que ce comportement constitue une menace réelle pour l'ordre et la sécurité publics.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. D..., le 31 janvier 2019, a été annulée par le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1901246 du 27 mars 2019. D'autre part, alors que l'intéressé conteste avoir proféré des menaces de mort et fait preuve de violence à l'encontre de personnes chargées d'une mission de service public, que les faits qui lui ont été reprochés n'avaient donné lieu, à la date de la décision attaquée, qu'à une convocation en vue d'une mesure de composition pénale, que, malgré la mise en demeure qui lui avait été adressée en défense, le préfet n'a produit aucun mémoire en défense et que les affirmations de M. D... ne sont pas contredites par les pièces du dossier, il n'est pas établi que le comportement personnel de ce dernier constitue une menace grave, réelle et sérieuse à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. Par suite, le préfet de Vaucluse ne pouvait, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, obliger l'intéressé à quitter le territoire français pour les motifs invoqués.
6. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à demander, sur le fondement de ce seul moyen, soulevé pour la première fois en appel, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse du
11 mai 2019 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 mai 2019 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision.
En ce qui concerne l'arrêté du 20 mai 2019 :
7. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que celui-ci a pour seul objet de tirer les conséquences du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'article 2 de l'arrêté du préfet de Vaucluse du 11 mai 2019 refusant d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire pour exécuter la mesure d'éloignement prise à son encontre, en accordant à ce dernier un délai de trente jours. Si cet arrêté rappelle, dans ses motifs, les raisons pour lesquelles une mesure d'éloignement a été prise à l'encontre de M. D... le
11 mai 2019, elle ne saurait être regardée comme constituant une seconde mesure d'éloignement. Par suite, l'ensemble des moyens soulevés à l'encontre d'une telle décision ne peuvent qu'être écartés comme irrecevables.
8. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du
11 mai 2019 prononcée par le présent arrêt implique nécessairement mais seulement, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, que le préfet des Bouches-du-Rhône, compétent pour se prononcer sur la situation de M. D..., qui réside à Marseille, réexamine la situation de ce dernier, dans un délai qu'il convient de fixer à un mois à compter de la notification du présent arrêt, et le munisse, le temps de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me B..., avocat de M. D..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me B... s'engage à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 mai 2019 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de la décision du
11 mai 2019 portant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : La décision portant obligation de quitter le territoire français du préfet de Vaucluse du 11 mai 2019 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. D... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et de le munir, le temps de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me B..., avocat de M. D..., la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me B... s'engage à renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 19MA02663.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 19MA02663 et la requête n° 19MA04499 sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au préfet des Bouches-du-Rhône au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, où siégeaient :
- M. E..., président,
- M. Ury, premier conseiller,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 7 avril 2021.
N° 19MA02663, 19MA04499 2