Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 février 2019 et le 15 janvier 2021, Mme B... E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 1er avril 2016 par laquelle le responsable du service des pensions et accidents du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé de reconnaître l'existence de la maladie professionnelle qu'elle a déclarée le 18 janvier 2016 ;
3°) d'enjoindre au président du CNRS de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée le 30 mars 2016 ;
4°) d'enjoindre au président du CNRS de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge du CNRS une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier faute d'avoir statué sur le moyen tiré du vice de procédure en raison de la méconnaissance du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui a été présenté dans un mémoire enregistré après la clôture de l'instruction, et qui n'a pas été pris en compte, à tort, puisqu'il contenait un élément nouveau ;
- la décision du 1er avril 2016 est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- la procédure est viciée au motif que l'article 19 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 a été méconnu dès lors que le délai de 8 jours entre la consultation du dossier administratif et la date de la réunion de la commission de réforme n'a pas été respecté ; en outre, la commission a statué le 30 mars 2016 en l'absence de la présence d'un médecin orthopédiste, spécialiste de sa pathologie ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation médicale.
Par un mémoire enregistré le 15 janvier 2021 le CNRS, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de Mme E... ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 18 janvier 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 19 février 2021 à 12 heures.
Un mémoire enregistré le 2 février 2021 pour Mme E... n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code des pensions civiles et militaires ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., pour Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ingénieure de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a demandé le 18 janvier 2016 que soit reconnue comme maladie professionnelle les lésions du ménisque de son genou gauche. Après avoir recueilli l'avis de la commission de réforme réunie le 30 mars 2016, le CNRS a, le 1er avril 2016, retenu la non imputabilité au service de la maladie de l'intéressée. Mme E... fait appel du jugement n° 1604885 du 21 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à faire annuler cette décision et d'enjoindre au président du CNRS de procéder au réexamen de sa situation administrative.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". D'autre part, aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ".
3. En l'espèce, il ressort du jugement attaqué, qu'un mémoire a été produit par Mme E... le 3 décembre 2018, que le tribunal n'a pas communiqué ce mémoire et l'a visé sans l'analyser, et qu'un avis d'audience du 21 novembre 2018 est indiqué comme portant clôture immédiate de l'instruction. Or, cet avis d'audience informe les parties que l'instance n° 1604885 sera appelée le 10 décembre 2018 et indique que " si une ordonnance précisant une date de clôture d'instruction n'est pas intervenue dans cette affaire, l'instruction sera close trois jours francs avant la date d'audience indiquée ci-dessus. Si vous entendez produire un mémoire, il conviendra de le faire avant cette date (...) ". Dans ces conditions, contrairement aux visas du jugement attaqué, cet avis d'audience ne peut être regardé comme une ordonnance de clôture immédiate de l'instruction au 21 novembre 2018. Ainsi, Mme E... a produit son mémoire en réplique du 3 décembre 2018 dans des conditions régulières et avant la clôture de l'instruction. Il appartenait donc au tribunal de l'examiner et le cas échéant, de le communiquer. En s'abstenant de procéder de la sorte, le tribunal a méconnu les exigences qui découlent des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative. Il suit de là que Mme E... est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme E....
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe :
5. En premier lieu, la décision attaquée vise les textes dont elle fait application et les pièces relatives à la situation médicale et professionnelle de Mme E... qui était en mesure de comprendre les motifs qui la fonde. Cette décision est, comme l'ont dit les premiers juges, suffisamment motivée en droit comme en fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; ". Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable : " La commission de réforme est consultée notamment sur : 1. L'application des dispositions du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ; (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce décret : " Dans chaque département, il est institué une commission de réforme départementale compétente à l'égard des personnels mentionnés à l'article 15. Cette commission, placée sous la présidence du préfet ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes, est composée comme suit : (...) 4. Les membres du comité médical prévu à l'article 6 du présent décret (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret, auquel renvoie sur ce point le deuxième alinéa de l'article 6 : " Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Enfin, aux termes de l'article 19 de ce décret : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou le spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. / Les avis sont émis à la majorité des membres présents. / Lorsqu'un médecin spécialiste participe à la délibération conjointement avec les deux praticiens de médecine générale, l'un de ces deux derniers s'abstient en cas de vote (...) ".
7. Il résulte des dispositions combinées qui viennent d'être citées que la présence d'un médecin spécialiste dans la commission de réforme n'est requise que lorsque cette instance examine une demande de congé de longue maladie ou de longue durée, et non lorsqu'elle se prononce sur l'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie déclaré par un agent public.
8. Mme E..., ingénieur en techniques d'analyse chimique, a été victime d'un accident de trajet à 18 heures sur le parking du campus pour rejoindre son véhicule caractérisé par une entorse au genou gauche avec plaie non suturable, un hématome au genou droit, une entorse de la cheville gauche et une contusion temporale gauche, reconnu imputable au service par décision du 1er avril 2016. Elle a cependant sollicité en outre, le 18 janvier 2016 la reconnaissance d'une maladie professionnelle pour une pathologie méniscale médiale dégénérative au genou gauche. Il ressort des pièces du dossier que seuls, deux médecins généralistes étaient présents lors de la réunion de la commission de réforme du 20 mars 2016. Toutefois, la commission, qui était appelée à se prononcer sur l'imputabilité au service de la maladie qu'elle a déclarée le 18 janvier 2016, était saisie, non pas d'une demande de congé de longue maladie ou de longue durée, mais d'une demande présentée sur le fondement du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 précité de la loi du 11 janvier 1984. Dans ces conditions, Mme E... n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de médecin spécialiste dans la pathologie susmentionnée, la composition de la commission de réforme, lors de sa réunion du 20 mars 2016, était irrégulière.
9. Enfin, aux termes de l'article 19 du décret du 14 mars 1986, alors en vigueur : " (...) Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme (...) ".
10. Il est constant que la convocation en date du 18 mars 2016, adressée à Mme E... en vue de la réunion de la commission de réforme du 3 mars 2016, a été reçue par elle le 22 mars 2016, soit un délai de 8 jours. Ainsi, alors même que ce courrier indiquait que la consultation de la partie administrative du dossier de l'intéressée ne pouvait avoir lieu que jusqu'au 25 mars 2016 inclus, les 26, 27 et 28 mars étant d'ailleurs un samedi, un dimanche et le lundi de Pâques, jour férié, les dispositions de l'article 19 précitées ont été respectées. Le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
11. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient à l'intéressé qui demande la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie professionnelle, d'établir le lien de cause à effet entre l'exercice des fonctions et le préjudice.
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment du certificat médical établi le 5 avril 2018 par le docteur de Belenet, chirurgien orthopédique, que la pathologie dégénérative que présente Mme E... qui a été révélée par l'accident du travail du 12 décembre 2014, correspond à des lésions fissulaires de type dégénératif de la corne postérieure du ménisque interne. Il n'y a pas eu de lésion verticale du ménisque comme cela aurait dû être le cas à la suite d'un accident provoquant un traumatisme, comme l'indique le 18 mai 2016 le docteur Richet, médecin traitant de l'intéressée. Ainsi, l'ensemble des examens médicaux de l'intéressée, qui bien qu'antérieurs à la date de sa déclaration de maladie professionnelle, peuvent être pris en compte, font état d'une pathologie dégénérative. D'autre part, il est constant que les missions attribuées à Mme E... consistent essentiellement en des tâches de bureau et également dans la pratique d'analyses chimiques et en des sorties sur le terrain en mer et sur le Rhône au titre de missions embarquées. Certes, si Mme E... peut être amenée à exécuter des tâches matérielles pour faire des prélèvements, qui requièrent ponctuellement le port de charges répétés avec un travail en position genoux fléchis et à se trouver accroupie, ces seules activités ne peuvent être regardées comme sollicitant excessivement les ménisques et les genoux. Si elle fait valoir qu'elle a participé au déménagement de son laboratoire sur une courte période en 2014, date où elle a eu l'accident reconnu imputable au service, cet évènement isolé n'a pas pu causer des lésions assimilables à une maladie professionnelle. En outre, si elle soutient aussi un état de surmenage, cette circonstance est sans incidence sur l'affection dégénérative qu'elle présente. Par suite, les éléments du dossier et notamment des documents produits par l'intéressée ne sont pas suffisants pour établir l'existence d'un lien direct et certain de sa pathologie avec le service. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté. Il s'ensuit que Mme E... n'est pas fondée à remettre ainsi en cause l'appréciation portée par la décision attaquée du 1er avril 2016 qui ne reconnait pas imputable au service la maladie professionnelle qu'elle a déclarée le 18 janvier 2016.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme E... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais d'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1604885 du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande devant le tribunal et le surplus des conclusions d'appel de Mme E... sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions du Centre national de la recherche scientifique présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au président du Centre national de la recherche scientifique.
Délibéré après l'audience du 23 février 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2021.
N° 19MA00815 2