II. Par un jugement du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Digne-les-Bains à verser à M. B... une somme de 15 380 euros en réparation de ses préjudices et a mis à la charge définitive de la commune les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 184,89 euros.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 avril et 11 septembre 2019, la commune de Digne-les-Bains, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du
28 février 2019 en tant qu'il déclare la commune responsable des préjudices de M. B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B... n'apporte pas la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage allégué ;
- elle a normalement entretenu l'ouvrage litigieux ;
- si sa responsabilité devait être retenue, elle en serait exonérée du fait de la faute de la victime, qui s'est rendu coupable d'imprudence ;
- les demandes de M. B... sont excessives ; et celui-ci n'établit pas avoir été empêché d'exercer son activité du fait de l'accident.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de Digne-les-Bains ;
2°) par la voie de l'appel incident, de condamner la commune à lui verser la somme de 36 420,80 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Digne-les-Bains la somme de
5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité de la commune est engagée en raison du défaut d'entretien de la voie dont elle est responsable ; le lien direct entre ce défaut d'entretien et son préjudice est établi, alors que la commune n'apporte pas la preuve de l'entretien normal de l'arbre ayant endommagé la remorque de son véhicule ;
- il n'a commis aucune faute permettant à la commune de s'exonérer de sa responsabilité ;
- son préjudice s'élève à la somme de 36 420,80 euros, dont 28 420,80 euros au titre des réparations à effectuer et 8 000 euros au titre du préjudice financier résultant de l'impossibilité de participer à des fêtes foraines du fait des dommages matériels subis.
II. Par une requête, enregistrée le 14 août 2020, la commune de Digne-les-Bains, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 juin 2020 ;
2°) de surseoir à statuer sur cette demande dans l'attente de l'arrêt sur sa requête
n° 19MA01934 tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 février 2019 en tant qu'il déclare la commune responsable des préjudices de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.
Elle soutient que les préjudices dont se prévaut M. B... ne sont pas établis.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 octobre et 4 novembre 2020,
M. B..., représenté par Me E... demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de Digne-les-Bains ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal en ce qu'il limite à la somme de 15 380 euros la condamnation de la commune à l'indemniser de ses préjudices ;
3°) de condamner la commune à lui verser la somme de de 36 420,80 euros en réparation de ses préjudices ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Digne-les-Bains la somme de
5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de sursis à statuer présentée par la commune n'est pas justifiée dès lors qu'il pourrait rembourser la somme perçue du fait de la condamnation de cette dernière à l'indemniser si la Cour venait ultérieurement à faire droit à l'appel de la commune contre le jugement du 28 février 2019 en tant qu'il la déclare responsable de ses préjudices ;
- son préjudice s'élève à la somme de 36 420,80 euros, dont 28 420,80 euros au titre des réparations à effectuer et 8 000 euros au titre du préjudice financier résultant de l'impossibilité de participer à des fêtes foraines du fait des dommages matériels subis.
III. Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020 sous le n° 20MA03372, la commune de Digne-les-Bains, représentée par Me C..., demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 juin 2020.
Elle soutient qu'en cas d'annulation du jugement du 11 juin 2020, M. B... ne serait pas en mesure de restituer à la commune la somme qu'elle a été condamnée à lui verser, compte tenu de la faiblesse de ses revenus.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Digne-les-Bains relève appel des jugements du tribunal administratif de Marseille par lesquels, d'une part, elle a été désignée responsable des dommages subis par M. B... à la suite d'un accident ayant endommagé la remorque de son véhicule qui abritait une attraction de fête foraine et, d'autre part, a été condamnée à verser à l'intéressé la somme de 15 380 euros en réparation de ses préjudices.
Sur la jonction :
2. Les recours susvisés nos 19MA01934, 20MA02951 et 20MA03372 concernent le même litige et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, par suite, d'y statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité de la commune :
3. Pour obtenir réparation, par le maître de l'ouvrage, des dommages qu'ils ont subis à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public, les usagers doivent démontrer devant le juge administratif, d'une part, la réalité de leur préjudice, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité, maître de l'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime.
4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'attestation M. F..., policier municipal témoin de l'accident, que " le 29 juillet 2015, à 17h, la remorque de M. B... a percuté une branche d'arbre sur l'avenue Demontzey, alors que celui-ci allait prendre son emplacement forain sur la place Ernest Borrely ". Dans ces conditions, le lien de cause à effet entre l'ouvrage public constitué par l'avenue Demontzey, dont l'arbre en question constitue une dépendance, et le dommage, doit être regardé comme établi.
5. Pour s'exonérer de sa responsabilité, la commune soutient, en premier lieu, qu'elle avait entretenu normalement l'ouvrage. Toutefois, en se bornant à produire un rapport du service des parcs et jardins de la commune, établi le 26 janvier 2016, indiquant que les branches de l'arbre se situaient à une hauteur habituelle, qu'aucun accident n'avait jamais été déploré à cet endroit depuis des dizaines d'années, que l'arbre avait fait l'objet d'un élagage en janvier 2012, que la fréquence de taille de tels arbres était de trois à quatre années et que la coupe de la branche le lendemain de l'accident était motivée par des conditions sanitaires, la commune n'établit pas, ce qui lui incombe, que l'ouvrage public constitué par l'avenue Demontzey faisait l'objet d'un entretien normal.
6. Si, en outre, la commune soutient que l'accident est dû à une fausse manoeuvre de M. B... ou à un gabarit trop important de la remorque accidentée, elle ne l'établit pas, alors qu'il est constant que la voie sur laquelle il s'est déroulé est un itinéraire de contournement ouvert à la circulation des véhicules de grand gabarit, notamment les véhicules transportant des attractions foraines. La circonstance que la remorque accidentée n'était pas assurée ne saurait en outre être regardée comme une faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices matériels :
7. En premier lieu, la commune, qui n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'évaluation réalisée par l'expert, soutient qu'aucun des préjudices invoqués ne revêt un caractère certain dès lors que l'expertise a été réalisée sur pièce, M. B... ayant vendu la remorque à la date à laquelle l'expertise s'est déroulée. Il résulte, toutefois, de l'instruction, qu'avant de procéder à l'expertise contradictoire, l'expert judiciaire a expressément demandé au représentant de la commune son accord pour réaliser l'expertise dans ces conditions, ce qui a été accepté. En outre, les doutes exprimés par la commune sur l'identification de la remorque ont été clairement levés par l'expert judiciaire, qui s'est appuyé sur la carte grise de celle-ci, qui avait été fournie par M. B... à l'occasion de l'évaluation de la remorque qu'il avait fait réaliser par la SARL JFT en février 2015.
8. En second lieu, ainsi que l'ont indiqué les premiers juges, l'expert désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a estimé le coût des travaux de réparation de la remorque endommagée à 14 880 euros TTC, après avoir détaillé les dommages et les opérations nécessaires pour y remédier. M. B... n'établit pas, par la seule production du devis des réparations en date du 13 septembre 2015, réalisé sans être soumis au contradictoire par un constructeur de remorques sur mesure, que le coût de ces réparations aurait été sous-évalué par l'expert. Il y a lieu, par suite, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Marseille, de condamner la commune de Digne-les-Bains à verser à M. B... la somme retenue par l'expert au titre de son préjudice matériel.
En ce qui concerne le préjudice commercial :
9. Les demandes de M. B... tendant à la réformation de l'indemnisation accordée par les premiers juges au titre de son préjudice commercial doivent être rejetées par adoption des motifs retenus à bon droit par ceux-ci au point 3 du jugement du 11 juin 2020,
dès lors que M. B... reprend, sans apporter d'élément nouveau ou déterminant, l'argumentation soumis à ceux-ci. En revanche, la commune, qui ne conteste pas que l'accident a rendu impossible l'exploitation de l'attraction endommagée lors de la fête foraine de Digne-les-Bains, ne remet pas utilement en cause l'évaluation de la perte commerciale subie par M. B... à ce titre.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que la commune de Digne-les-Bains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille l'a reconnue responsable des préjudices de M. B... et l'a condamnée à lui verser la somme de
15 380 euros en réparation de ces préjudices et d'autre part, que M. B... n'est pas fondé à demander une meilleure indemnisation que celle qui lui a été accordée par le tribunal administratif de Marseille.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 11 juin 2020 :
11. Par le présent arrêt, la Cour se prononce sur la demande d'annulation du jugement du 11 juin 2020. La demande de sursis à exécution dirigée contre le même jugement est donc devenue sans objet.
Sur les frais liés au litige :
12. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Digne-les-Bains en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Digne-les-Bains une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par M. B... et non compris les dépens, au titre de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes n° 19MA01934 et n° 20MA02951 de la commune de Digne-les-Bains sont rejetées.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20MA03372 de la commune de Digne-les-Bains.
Article 3 : La commune de Digne-les-Bains versera à M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Digne-les-Bains et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 26 janvier 2021.
N° 19MA01934, 20MA02951, 20MA03372 2