Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 décembre 2016, Mme D... épouseA... E... et M. A... E..., représentés par MeH..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 octobre 2016 ;
2°) de condamner le CAS de Forcalquier à verser à Mme A... -E... la somme totale de 43 887,26 euros et à M. A... -E... la somme totale de 44 128,38 euros au titre de rappels de salaires, d'indemnités d'heures de formation, d'indemnités pour dimanches travaillés, d'indemnités pour repos compensateur et de remboursement de dépenses de loisirs, ainsi qu'en réparation de préjudices, sommes devant être assorties des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2014, et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge du CAS le versement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- ils sont fondés à se prévaloir des dispositions du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, ainsi que de celles de l'article D. 444-4 du code de l'action sociale et des familles, et notamment du droit au repos hebdomadaire, à huit jours de repos par période d'un mois, et deux jours consécutifs de repos, dont un dimanche, toutes les deux semaines ;
- le CAS de Forcalquier était tenu de prendre en charge l'indemnisation de leurs heures de formation ;
- ils sont fondés à demander le remboursement des dépenses de loisirs qu'ils ont engagées ;
- ils sont fondés à demander l'indemnisation des dimanches travaillés ;
- ils ont subi des troubles dans les conditions d'existence, résultant de la dégradation de leurs conditions de travail.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mars 2018, le CAS de Forcalquier, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'une partie des sommes demandées est prescrite, et que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du travail ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 92-7 du 2 janvier 1992 ;
- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 ;
- l'arrêté du 16 novembre 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Schaegis,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me C..., représentant le centre d'accueil spécialisé de Forcalquier.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le centre d'accueil spécialisé de Forcalquier :
1. Considérant que le juge d'appel, auquel est déféré un jugement ayant rejeté au fond des conclusions sans que le juge de première instance ait eu besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées devant lui, ne peut faire droit à ces conclusions qu'après avoir écarté expressément ces fins de non-recevoir, alors même que le défendeur, sans pour autant les abandonner, ne les aurait pas reprises en appel ;
2. Considérant que le CAS de Forcalquier a soutenu en première instance que les demandes des requérants, ne pouvaient régulièrement figurer dans une requête unique ; que, toutefois, les situations des deux intéressés sont comparables, reposent en partie sur un contrat unique, et ont fait l'objet d'un traitement commun par la même administration ; que, dès lors, leurs litiges présentent un lien suffisant pour faire l'objet d'une requête unique ; qu'il suit de là, que le CAS de Forcalquier n'est pas fondé à soutenir que cette requête serait irrecevable ;
3. Considérant que les requérants n'ont pas demandé, dans leur réclamation préalable, la réparation d'un préjudice moral ou de troubles dans leurs conditions d'existence qui résulteraient de la privation de repos hebdomadaire, et des dimanches et jours fériés travaillés ; que le CAS a soulevé à juste titre l'irrecevabilité des conclusions en ce sens présentées en première instance, le contentieux n'ayant pas été lié sur ces points ;
Sur les demandes indemnitaires, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'exception de prescription quadriennale :
4. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, les stipulations de l'article 2-1° du contrat de travail de chacun des deux agents prévoyaient que leur salaire était calculé " en fonction du nombre de résidents accueillis " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles : " Le président du conseil départemental peut subordonner, le cas échéant dans le cadre de la décision d'agrément, l'accueil de personnes dont les caractéristiques en termes de perte d'autonomie ou de handicap le nécessitent à des modalités spécifiques de formation, de suivi et d'accompagnement de l'accueillant familial et, le cas échéant, de la personne accueillie. " ; qu'aux termes de l'article L. 444-6 du même code : " La formation initiale et continue prévue à l'article L. 441-1 du présent code est à la charge de l'employeur qui organise et finance l'accueil de la ou des personnes accueillies pendant les heures de formation " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'employeur, lorsque l'un des époux est absent pour cause de formation, de prendre en charge le travail d'accueil qu'il assume habituellement, en le confiant soit à une tierce personne, soit au conjoint demeuré en fonctions ; que dans cette hypothèse, celui-ci doit alors être rémunéré pour cette charge de travail supplémentaire ;
5. Considérant toutefois que les requérants ne démontrent pas avoir supporté un excédent de travail lors des formations suivies par chaque conjoint ; que le centre soutient, sans qu'ils le contestent, qu'ils n'ont pas eu à supporter un accroissement de leur charge de travail et qu'ils ont suivi ces formations ensemble ; qu'en l'état du dossier, leurs conclusions indemnitaires ne peuvent dès lors qu'être écartées ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants demandent l'indemnisation de leur préjudice financier résultant des dépenses qu'ils ont engagées pour les loisirs de leurs pensionnaires ; qu'ils soutiennent que les indemnités qui leur étaient versées en exécution de leur contrat de travail ne pouvaient pas comprendre la compensation de tels frais, sauf à méconnaître le contrat-type d'accueil de personnes âgées ou adultes figurant à l'annexe 3-8-2 du code de l'action sociale et des familles ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 444-3 de ce code : " Il est conclu, pour chaque personne accueillie, entre l'accueillant familial et son employeur un contrat de travail écrit. (...) Pour chaque personne accueillie, il est conclu entre la personne accueillie, l'accueillant familial et, si ce dernier le souhaite, l'employeur, un contrat d'accueil conforme aux stipulations d'un contrat type établi par voie réglementaire après avis des représentants des présidents de conseil départemental. " ; que le contrat-type, figurant à l'annexe 3-8-2, prévoit en son article 9-3 que l'indemnité représentative des frais d'entretien courant peut porter sur les denrées alimentaires, les produits d'entretien et d'hygiène, les frais de transports occasionnels, et d'autres frais ; qu'il n'exclut pas, par conséquent, que l'indemnité d'entretien englobe les dépenses de loisirs ; que les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'administration aurait commis une faute en ne prévoyant pas une indemnisation distincte de ces dépenses ;
8. Considérant, par ailleurs, qu'ils admettent avoir été informés du montant forfaitaire de cette prise en charge, notamment par des notes de service successives en 2007, 2011 et 2014 ; que, par suite, alors qu'ils ont effectivement perçu ce montant et qu'ils n'étaient pas contraints d'engager des dépenses au-delà du forfait qui leur était accordé, ils ne sont pas fondés à invoquer un préjudice financier imputable à l'administration ;
9. Considérant, en troisième lieu, que les requérants, en se bornant à invoquer des irrégularités commises par leur employeur pour solliciter l'indemnisation de troubles dans leurs conditions d'existence, sans en préciser la teneur, n'établissent pas de faute de nature à engager sa responsabilité ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que le CAS n'étant pas la partie perdante, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge en application de ces dispositions ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions pour mettre une somme à la charge des requérants ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... épouse A...E...et de M. A... E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre d'accueil spécialisé de Forcalquier présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D... épouseA... E... et M. I... E... et au centre d'accueil spécialisé de Forcalquier.
Délibéré après l'audience du 20 mars 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme Schaegis, première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 avril 2018.
N° 16MA04536 2