Par une décision n° 365144 en date du 24 mars 2014, le Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Marseille le jugement du recours de la garde des sceaux, ministre de la justice contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 novembre 2012.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2013, la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 novembre 2012 ;
2°) de rejeter la requête présentée par M.B....
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur de droit dès lors que les dispositions du décret du 14 avril 2006 ne sont pas applicables aux militaires de carrière qui intègrent la fonction publique civile ;
- un militaire qui intègre la fonction publique ne saurait se prévaloir des dispositions des articles L. 4139-1, L. 4139-3, R. 4139-1 et R. 4139-5 et R. 4139-6 du code de la défense que s'il se trouve en position de détachement ;
- M. B...a bénéficié de ces dispositions par pure mesure de bienveillance ;
- les dispositions de l'article 10 du décret du 14 avril 2006 ne portent que sur le moment de la titularisation de l'intéressé ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de réclamation préalable.
Une mise en demeure a été adressée le 23 février 2015 à M. B....
Par ordonnance du 23 février 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 24 mars 2015, à 12 heures.
Les parties ont été informées le 15 décembre 2015 qu'un moyen d'ordre public était susceptible d'être soulevé d'office par la Cour, tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 15 novembre 2012, au motif de l'irrégularité de la composition de la formation du jugement.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2006-441 du 14 avril 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeA...,
- et les conclusions de M. Angeniol, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., lauréat du concours de surveillants des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, après avoir effectué 22 années de services militaires et avoir été radié des cadres de l'armée le 6 octobre 2008, a été nommé par arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice, en qualité d'élève surveillant de l'administration pénitentiaire à compter du 20 avril 2009, puis de surveillant stagiaire au centre pénitentiaire de Marseille, à partir du 19 novembre suivant, et a été titularisé à compter du 19 novembre 2010 ; que, par jugement du 15 novembre 2012, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a annulé la décision implicite de rejet opposée à la demande de M. B... présentée le 21 septembre 2010, et enjoint à la garde des sceaux, ministre de la justice de verser à l'intéressé les sommes dues au titre du rappel des rémunérations ; que, le 14 janvier 2013, la garde des sceaux, ministre de la justice s'est pourvue en cassation ; que, par décision en date du
24 mars 2014, le Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Marseille le jugement de ce recours ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date du jugement : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller ou ayant une ancienneté minimale de deux ans statue en audience publique et après audition du rapporteur public sous réserve de l'application de l'article R. 732-1-1 : (...) 2° Sur les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France, à l'exception de ceux concernant l'entrée au service, la discipline et la sortie du service ; (...) " ;
3. Considérant que M. B..., après avoir réussi le concours de surveillant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, a été titularisé le 19 novembre 2010 ; que, par courrier du 21 septembre 2010, il a demandé la prise en compte, pour déterminer son classement, des services qu'il avait accomplis du 7 octobre 1986 au 6 octobre 2008, en qualité de militaire ; qu'un tel litige relatif à la prise en compte des services antérieurs de l'intéressé pour l'établissement de son indice de titularisation comme surveillant des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire à la suite de la réussite à un concours externe doit être regardé comme concernant l'entrée au service d'un agent public, au sens du 2° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative ; que, par suite, le jugement attaqué, qui a annulé la décision implicite rejetant la demande de M.B..., qui n'a pas été rendu par une formation collégiale mais par un juge statuant seul, est irrégulier et doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La présente loi s'applique aux fonctionnaires civils des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics y compris les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l'ordre judiciaire. (...) " ; que l'article 19 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat relatif à l'accès à la fonction publique prévoit que les fonctionnaires sont recrutés notamment par voie de concours réservés aux fonctionnaires de l'Etat, et, dans les conditions prévues par les statuts particuliers, aux agents de l'Etat, militaires et magistrats et aux fonctionnaires et agents des collectivités territoriales et des établissements publics ; qu'aux termes du II de l'article 10 du décret du 14 avril 2006, applicables pour la détermination de la rémunération des élèves et stagiaires surveillants qui avaient auparavant la qualité de fonctionnaire ou d'agent non titulaire en vertu de l'article 8 du même décret : " Les surveillants qui avaient auparavant la qualité de fonctionnaire de l'Etat, des collectivités territoriales ou d'établissements publics en relevant sont classés à un échelon comportant un traitement égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui qu'ils percevaient dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le droit au maintien de l'échelon détenu dans le corps ou cadre d'emplois d'origine n'est ouvert qu'aux surveillants qui, antérieurement à leur recrutement dans le corps du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire, avaient déjà la qualité de fonctionnaire civil de l'Etat ; que tel n'est pas le cas des militaires de carrière, qui sont exclus des dispositions du statut général des fonctionnaires ;
6. Considérant que, dès lors, en estimant qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer à la situation de M. B...les dispositions combinées des articles 8 et 10 du décret du 14 avril 2006 alors, d'une part, que l'intimé, radié des cadres de l'armée depuis le 6 octobre 2008, n'était pas en position de détachement, d'autre part, qu'il n'avait pas la qualité de fonctionnaire, la garde des sceaux, ministre de la justice n'a entaché sa décision implicite de rejet de la demande présentée par l'intéressé, le 21 septembre 2010, d'aucune erreur de droit ;
7. Considérant que par suite, M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné à l'administration pénitentiaire d'appliquer sans délai les dispositions du décret du 14 mars 2006 susvisé et de lui verser des arriérés, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
9. Considérant, qu'en l'absence d'illégalité fautive de la décision contestée, M. B...ne peut prétendre à la réparation du préjudice moral ou matériel que lui aurait causé cette décision ; que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir invoquée par la garde des sceaux, ministre de la justice, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de M. B...présentées devant le tribunal administratif sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au bénéfice de M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1008384 du 15 novembre 2012 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. B...présentées devant le tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont également rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. C... B....
''
''
''
''
N° 14MA01435