Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 avril 2015, M. E... représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 février 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à MeB..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'omission de statuer, le tribunal s'étant abstenu de répondre au moyen tiré de ce que son admission au séjour était justifiée par des motifs exceptionnels ;
- il a été titulaire, entre 1992 et 2013, de 22 contrats saisonniers consécutifs, justifiant son admission exceptionnelle au séjour ;
- compte tenu de ces éléments, l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté est en outre entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par ordonnance du 29 septembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2015.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pena.
1. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône a opposé le 5 juin 2013 un refus à la demande d'admission au séjour que M. E..., ressortissant de nationalité marocaine, a présentée le 13 mars 2013 sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que M. E... relève appel du jugement en date du 19 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 5 juin 2013 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour "vie privée et familiale" ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'en première instance, le requérant, qui a présenté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soutenait faire état, eu égard au grand nombre d'années successives pendant lesquelles il a séjourné et travaillé en France tout en satisfaisant à l'obligation de retour dans son pays d'origine à l'expiration de chacun de ces contrats, de motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour ; qu'en indiquant au point 5 du jugement que, " compte tenu de la situation professionnelle et personnelle de M. E..., dont l'épouse et les quatre enfants vivent au Maroc, et alors qu'il ne revendique aucune attache familiale en France, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ", les premiers juges n'ont pas répondu au moyen précisément soulevé par M. E..., qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué est entaché d'une omission de statuer et doit être annulé ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Marseille ;
4. Considérant, en premier lieu, que M. A...C..., chef du bureau des mesures administratives, du contentieux et des examens spécialisés au service de 1'immigration et de l'intégration à la préfecture des Bouches-du-Rhône, a régulièrement reçu délégation de signature en matière notamment de refus de séjour et mesures d'éloignement par arrêté du 26 avril 2013 régulièrement publié au Recueil des actes administratifs de la préfecture du 26 avril suivant ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311 7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;
et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. E... s'est vu délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 15 mai 2011 au 14 mai 2014 ; que pour soutenir qu'il a droit, sur le fondement de l'article L. 313-14 précité, à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", l'intéressé fait valoir qu'il a travaillé pendant vingt-deux années consécutives comme ouvrier dans des exploitations agricoles et qu'il n'a de ce fait cessé de contribuer par son travail à la richesse et à la compétitivité de l'agriculture française ; que cette circonstance ne peut être regardée comme un motif exceptionnel de nature à justifier son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation sa décision sur ce point ;
7. Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. E... a bénéficié de cartes de séjour en qualité de travailleur saisonnier qui lui donnaient vocation à rentrer dans son pays au terme d'un contrat de travail d'une durée habituelle maximale de six mois ; que l'intéressé ne conteste pas par ailleurs, être retourné, à l'issue de chacun desdits contrats, au Maroc où résident notamment son épouse ainsi que ses quatre enfants ; que, par conséquent, le préfet des Bouches-du-Rhône, par son arrêté, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée ; que, pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la vie personnelle de l'intéressé ou méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions sus rappelées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Marseille doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 février 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 février 2016 où siégeaient :
- M. Gonzales président,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Pena, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 mars 2016.
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N° 15MA016715