Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 6 juillet 2015 sous le n° 1502730 et un mémoire enregistré le 19 février 2016, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1500129 du 19 janvier 2015 du magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler les arrêtés en date du 16 janvier 2015 par lesquels le préfet du Gard l'a obligé à quitter le territoire français, a décidé de son placement en rétention administrative, a fixé le pays de destination et lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me A... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, le versement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle ainsi que les dépens.
Il soutient que :
- s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, la décision est entachée de vice d'incompétence, de vice de forme, de vice de procédure, d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 511-4-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3.1 de la convention de New York et d'un détournement de pouvoir ;
- l'examen osseux n'est pas fiable ;
- s'agissant du placement en rétention administrative, de la fixation du pays de renvoi et du refus de délai de départ volontaire, les décisions seront annulées en conséquence de l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2015, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
II. Par une requête enregistrée le 7 juillet 2015 sous le n° 15MA02752 et un mémoire enregistré le 19 février 2016, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1500129 du 19 janvier 2015 du magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à Me A... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, le versement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle ainsi que les dépens.
M. B... soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire national emporte des conséquences difficilement réparables dès lors que la simple exécution du jugement aura pour effet de porter atteinte à sa situation personnelle et professionnelle ;
- les moyens d'annulation qu'il développe dans la requête au fond sont sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2015, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête et fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la Cour a désigné Mme Evelyne Paix, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Bédier, président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.
1. Considérant que les requêtes n° 15MA02730 et n° 15MA02752 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. B..., ressortissant nigérian qui soutient être né le 13 novembre 1998 à Onitsha au Nigéria, déclare être entré irrégulièrement en France dans le courant du mois de janvier 2015 ; qu'il a fait l'objet d'un signalement auprès du procureur de la République par les services du conseil général du Gard à son arrivée au foyer départemental de l'enfance à Uzès ; que, suite à un examen médical indiquant que l'intéressé est âgé d'au moins dix-huit ans, le préfet du Gard, par les arrêtés contestés du 16 janvier 2015, l'a obligé à quitter le territoire français, a décidé de son placement en rétention administrative, a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit le cas échéant et lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire ; que M. B... interjette régulièrement appel du jugement n° 1500129 du 19 janvier 2015 par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande aux fins d'annulation de ces arrêtés ; qu'il demande le sursis à exécution du même jugement par sa requête enregistrée sous le n° 15MA02752 ;
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 15MA02730 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ;
En ce qui concerne la légalité externe des décisions :
3. Considérant, en premier lieu, que les décisions contestées ont été signées par Mme D... C..., chef de bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile de la préfecture du Gard, bénéficiant d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté préfectoral du 19 décembre 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 19 décembre 2014 ; que dès lors, le moyen tiré du vice d'incompétence a été à bon droit écarté par le premier juge ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle et de la retenue, placées sous le contrôle du procureur de la république, qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention de mesures d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière ; que par suite les moyens tirés par M. B... des irrégularités du déroulement de l'enquête préliminaire et du détournement de procédure ne peuvent être utilement invoqués à l'appui de la demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et des arrêtés du 16 janvier 2015 ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il aurait été empêché de s'exprimer avant que ne soit prise la décision de quitter le territoire français ; qu'il ne ressort pas des écritures devant la Cour, par lesquelles M. B... se borne à soutenir que son droit d'être entendu a été méconnu, sans autre précision, que ce dernier disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle, qu'il aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ; que, dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union européenne ;
En ce qui concerne la légalité interne des décisions :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 3.1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
7. Considérant que le requérant soutient qu'il est né le 13 novembre 1998, et qu'étant mineur à la date de l'arrêté attaqué il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ; que, cependant, à l'issue de l'examen radiologique du bassin et de la main gauche auquel il a procédé, le médecin du centre hospitalier de Nîmes a estimé l'âge osseux de M. B... à plus de dix-huit ans ; que si M. B... conteste les conditions dans lesquelles le test osseux a été pratiqué, il résulte des pièces du dossier qu'il a, en présence de son interprète, expressément consenti le 15 janvier 2015 à la pratique de cet examen ; qu'en outre, les déclarations de M. B... sur son lieu de naissance, sur les conditions de son départ et de son voyage sont contradictoires entre elles ; que l'extrait de naissance de M. B... indiquant qu'il est né le 13 novembre 1998 ne présente pas une authenticité suffisante dès lors qu'il s'agit d'une simple photocopie dépourvue de photographie d'identité ; qu'enfin, si M. B... produit pour la première fois en appel la photocopie d'un passeport, l'ambassade du Niger, saisie par le préfet du Gard, a indiqué le 4 août 2015 ne pas avoir délivré de passeport à l'intéressé ; qu'à cet égard, si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de tenir compte des justifications apportées devant lui dès lors qu'elles attestent de fais antérieurs à la décision critiquée, même si ces éléments n'ont pas été portés à la connaissance de l'administration lorsqu'elle se prononce ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances et en l'absence de tout élément probant produit par l'intéressé permettant de déterminer plus précisément son âge réel, celui-ci doit être regardé comme étant majeur à la date à laquelle le préfet du Gard a pris la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que par conséquent le préfet du Gard n'a pas méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en obligeant le requérant à quitter le territoire français ; que, pour les mêmes raisons, les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant n'ont pas été méconnues ;
8. Considérant que les décisions de placement en rétention, de fixation du pays de destination et de refus de délai de départ volontaire sont contestées par voie de conséquence de la contestation de l'obligation de quitter le territoire français ; qu'il résulte de ce qui précède qu'elles doivent être rejetées ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 15MA02752 :
10. Considérant que le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement en litige, la requête n° 15MA02752 tendant au sursis à exécution de ce jugement est devenue sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant que les dispositions de ces articles font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15MA02752 de M. B....
Article 2 : La requête n° 15MA02730 de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Me A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 25 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Paix, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Markarian, premier conseiller,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
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N° 15MA02730, 15MA02752