Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2019 et par un mémoire complémentaire enregistré le 14 février 2020, la SCI BH, représentée par la SELARL d'avocats Valette-Berthelsen, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2018 du maire de Juvignac ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Juvignac la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société soutient que :
- la délibération du 10 avril 2017 du conseil municipal de la commune prescrivant un périmètre d'études n'a pas défini une opération d'aménagement du secteur du projet en litige au sens de l'article L. 424-1 3ème du code de l'urbanisme ;
- la convention d'anticipation foncière du 5 juillet 2017 n'établit pas non plus la réalité de ce projet d'aménagement ;
- le projet en litige n'est ainsi pas susceptible de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation d'une opération d'aménagement qui n'a pas encore été élaborée ;
- le périmètre d'études n'est pas suffisamment défini, dès lors que des permis de construire ont été délivrés par le maire sur des parcelles voisines comprises dans ce périmètre ;
- en tout état de cause, la décision en litige entraîne une rupture d'égalité entre propriétaires riverains ;
- l'autre motif de la décision en litige tiré de ce que la réalisation de son projet serait susceptible d'aggraver le ruissellement des eaux pluviales dans le secteur et rendrait plus onéreuse la réalisation des études projetées ne peut pas fonder non plus le sursis à statuer qui lui a été opposé.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2020, la commune de Juvignac, représentée par la SELARL VPNG, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société BH la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C... pour la SCI BH et Me A... pour la commune de Juvignac.
Considérant ce qui suit :
1. La société BH a déposé le 3 novembre 2017 auprès des services de la commune de Juvignac une demande de permis de construire en vue d'édifier, sur les parcelles cadastrées BL n° 90 et BL n° 168 d'une superficie totale de 1 891 m², un ensemble de neuf maisons individuelles mitoyennes en R+1, d'une surface de plancher totale créée de 880 m² ainsi que dix-huit places de stationnement. Par l'arrêté en litige du 1er février 2018, le maire de Juvignac a sursis à statuer pour une durée de deux ans sur cette demande de permis de construire. Par le jugement dont la SCI BH relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande la SCI BH tendant à l'annulation de cet arrêté du 1er février 2018.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. ". Aux termes de l'article L. 424-1 du même code : " Il peut également être sursis à statuer : / (...) / 3° Lorsque des travaux, constructions ou installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation d'une opération d'aménagement, dès lors que le projet d'aménagement a été pris en considération par la commune (...) et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités. ".
3. Pour opposer la décision de sursis à statuer en litige, le maire de Juvignac s'est fondé, en application du 3° de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme, sur la circonstance que les parcelles terrain d'assiette du projet sont situées dans le périmètre d'études du projet de requalification du secteur du Triangle d'Or, formé au nord par l'allée de l'Europe, au sud par la route de Saint-Georges d'Orques et à l'ouest par la route des Pattes à l'arrière de l'autoroute A750, pour créer le nouveau " Coeur de ville " de Juvignac, à proximité de la mairie. Il ressort des pièces du dossier que la mise à l'étude de ce projet a été prise en considération par une délibération du conseil municipal de Juvignac du 10 avril 2017 relative à " l'aménagement durable de la commune de Juvignac 2040 ", qui vise notamment dans ce secteur à favoriser la mixité sociale et la mixité fonctionnelle (habitat, commerces, artisanat, bureaux) et à conférer au site une dimension économique pour les terrains ayant une " vitrine " sur l'A750 et sur la route de Saint-Georges d'Orques. Cette délibération autorise la réalisation d'études techniques analysant la capacité des équipements publics existants, d'études urbaines sur la mutabilité de ces secteurs et des études de programmation. Est joint à cette délibération un document graphique délimitant le nouveau périmètre d'études, pour mettre en conformité le PLU de la commune en cours de révision depuis 2014 et le PADD du schéma de cohérence territoriale Montpellier Méditerranée Métropole en cours d'élaboration et arrêté le 19 juillet 2018, qui fixe notamment comme orientation la production de nouveaux logements, dont 60 % sur le tissu urbain existant, par une optimisation du rare foncier encore disponible sur le secteur du Triangle d'Or de la commune de Juvignac. Afin de mettre en oeuvre ces objectifs et d'anticiper les investissements publics à venir pour une bonne gestion des deniers publics, une convention d'anticipation foncière a été conclue le 5 juillet 2017 entre l'établissement public foncier de Languedoc-Roussillon, Montpellier Méditerranée Métropole et la commune de Juvignac, par laquelle la commune confie à cet établissement public une mission d'anticipation foncière sur ce secteur pour réaliser un programme d'aménagement devant accueillir au moins 30 % de logements locatifs sociaux. Cette convention prévoit que l'établissement, dont l'engagement financier prévisionnel est fixé à 3 000 000 euros, devra, dès la signature de cette convention, acquérir par voie amiable ou par préemption les terrains présentant un réel intérêt en matière de programmation de ces logements eu égard au faible nombre de parcelles non bâties sur ce secteur. Par suite, alors même que les études autorisées sur le secteur par la délibération du 10 avril 2017 n'étaient pas encore réalisées à la date du dépôt de sa demande de permis de construire le 3 novembre 2017, la réalité du projet de requalification urbaine du secteur du Triangle d'Or, qui constitue une opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, est suffisamment établie, contrairement à ce que soutient la société requérante.
4. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que le projet consiste notamment à créer un habitat groupé de neufs villas individuelles mitoyennes en R+1 sur un terrain vierge de construction de 1 890 m², situé aux abords immédiats de l'A750 dans le périmètre d'études du Triangle d'Or. Il ressort du site Géoportail accessible tant au juge qu'aux parties ainsi que du relevé cadastral produit par la requérante que le secteur du terrain d'assiette est déjà fortement bâti. La circonstance qu'un permis de construire a été délivré le 31 mai 2017 pour édifier une construction individuelle sur une parcelle située à proximité du terrain d'assiette du projet litigieux mais entourée pour sa part de parcelles bâties au coeur d'un secteur pavillonnaire et éloigné de l'A750, n'est pas de nature à établir que le périmètre de l'opération d'aménagement de la commune serait approximatif ou trop flou pour fonder une décision de sursis à statuer dans ce secteur. Compte-tenu de la situation particulière, stratégique pour l'opération urbaine envisagée, de ce terrain qui à la fois jouxte l'autoroute A750 et est situé à proximité immédiate de la route Saint-Georges d'Orques et de la densité urbaine existante de ce secteur, le projet litigieux de neuf logements individuels, qui notamment ne prévoit pas de logements sociaux de nature à favoriser la mixité sociale, qui ne densifie pas le secteur et qui ne présente aucune dimension économique permettant d'atteindre l'objectif de " vitrine " des terrains situés sur l'A750 tel que mentionné dans la délibération litigieuse, est susceptible, compte-tenu de sa nature, de son ampleur et de son implantation, de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation de l'opération d'aménagement de requalification du secteur du Triangle d'Or pris en considération par la commune au sens du 3° de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, le maire a pu légalement opposer un sursis à statuer sur la demande de permis de construire de la société requérante sur le fondement de ces dispositions.
5. Compte-tenu de ce qui a été dit aux points 3 et 4, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse constituerait une rupture d'égalité avec des propriétaires de parcelles voisines est sans incidence sur l'issue du litige.
6. Il ressort des pièces du dossier que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur ce motif. Par suite, il n'y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur les autres motifs de la décision en litige tirés de ce que le projet aggraverait la situation en matière de gestion des eaux pluviales aux abords de l'A750 et de ce que le projet serait incompatible avec la procédure de cession en cours d'une voie publique à Montpellier Méditerranée Métropole.
7. Il résulte de ce qui précède que la SCI BH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Juvignac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme à verser à la SCI BH au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI BH la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Juvignac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI BH est rejetée.
Article 2 : La SCI BH versera la somme de 2 000 euros à la commune de Juvignac sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI BH et à la commune de Juvignac.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- Mme B..., première conseillère;
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.
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N° 19MA02708