Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrée le 27 juillet 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 30 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de droit ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet des Alpes-Maritimes a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, concernant le séjour et le travail des ressortissants tunisiens en France ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C...,
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien, fait appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de renouvellement de carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige et de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet des Alpes-Maritimes en s'estimant lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Nice par M. A.... Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 4 et 7 de leur décision.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-22 dudit code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et d'un accès effectif à ce traitement. La partie qui justifie d'un avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), consulté par le préfet des Alpes-Maritimes pour apprécier la situation médicale du requérant, qui souffre d'insuffisance cardiaque, des séquelles d'infarctus du myocarde, de diabète de type II, d'arthrose au niveau des genoux et d'asthme, a, dans son avis émis le 9 octobre 2018, conclu que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risque vers son pays d'origine.
6. M. A... soutient qu'il ne peut bénéficier de traitement effectif en Tunisie dès lors qu'il n'y existe pas un traitement approprié à ses pathologies, qu'isolé dans son pays d'origine il ne bénéficiera pas de l'aide que lui apporte plusieurs personnes en France et enfin qu'il est sans ressources alors que l'essentiel des soins y est payant et très couteux. Toutefois, d'une part, à l'appui de sa première allégation, il ne produit qu'une première attestation d'un médecin généraliste français du 15 mai 2019 qui, si elle mentionne que dans le pays d'origine du requérant la plateforme médicale mise à disposition des patients ne pourra pas le prendre en charge de façon constante et définitive sur certaines de ses pathologies indique également que ce médecin estime qu'il " est hautement préférable que ce patient demeure en France ", et une seconde attestation d'un médecin du service de cardiologie d'un hôpital tunisien rédigé dans les mêmes termes. Dans ces conditions, ces documents ne sont pas de nature à remettre utilement en cause l'appréciation de l'avis collégial des trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) lesquels disposent des informations disponibles actualisées sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. D'autre part, M. A... ne joint au dossier aucune pièce établissant l'absence de prise en charge par le système d'assurance maladie tunisien des soins nécessités par son état. Enfin, il ne justifie pas qu'il ne pourrait pas bénéficier de l'aide de tierce personnes dans son pays. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur ce fondement.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Par ailleurs, il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., âgé de 67 ans, n'est entré en France qu'à l'âge de 60 ans, soit après avoir vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine. En outre, célibataire et sans enfant, il ne justifie pas d'une intégration socio-professionnelle particulière. Dans ces conditions, le préfet des Alpes-Maritimes, en prenant l'arrêté en litige, n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté une atteinte au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, ledit préfet n'a pas entaché son refus d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2019. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... D....
Copie en sera adressée à au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme C..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.
N° 20MA02492 4