Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 avril, 28 juin, 12 juillet, 30 septembre et 6 décembre 2019 ainsi que les 19 mars et 28 mai 2020, la SARL Famirou, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 février 2019 en tant qu'il n'a pas procédé à l'annulation totale de l'arrêté du 7 mars 2018 ;
2°) d'annuler totalement l'arrêté du 7 mars 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Nîmes une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté en litige ;
- le signataire de l'arrêté du 7 mars 2018 ainsi que la décision du 23 mai 2018 portant rejet de son recours gracieux n'était pas compétent ;
- le pétitionnaire n'avait pas qualité pour déposer cette demande en ce qu'elle porte sur des locaux ne lui appartenant pas et sur le couloir d'accès aux caves qui constitue une partie commune alors que l'accord des copropriétaires n'a pas été recueilli ; le lot dont elle est propriétaire est visé dans le plan R + 3 comme une " zone ne nécessitant pas d'intervention particulière en terme de travaux " alors qu'y sont prévus des travaux d'isolation ; la décision attaquée est ainsi entachée de fraude ;
- le permis contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce que, alors qu'il avait pour seul objet d'ôter les réserves émises initialement par le SDIS, il n'y répond que partiellement sans garantir la sécurité des occupants, faisant fi de la réalité de l'immeuble et de l'accord de la copropriété s'agissant des travaux prévus sur les parties communes ;
- il méconnaît les dispositions des articles 3.2.3. et 11.6.2.5. du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur ;
- il méconnaît ce même règlement en ce qu'il autorise des modifications substantielles de l'aspect de la terrasse située en R + 1 et des coursives situées en R + 1 et R + 2 ;
- il méconnaît les dispositions générales du règlement du plan de prévention des risques d'inondation en ce que le dossier est muet, notamment dans sa notice, sur le choix des matériaux et leur résistance à l'eau, alors que sont prévus des travaux substantiels dans les parties communes situées au rez-de-chaussée ;
- enfin, il viole le principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 août 2019 et le 17 mars 2020, la société France Pierre Patrimoine représentée par le cabinet Noyer-Cazcarra, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande devant le tribunal était irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 novembre 2019 et le 19 mars 2020, la commune de Nîmes, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande devant le tribunal était irrecevable pour défaut d'intérêt à agir ;
- la requête d'appel est irrecevable faute de satisfaire aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- le moyen tiré de la violation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie est irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant la SARL Famirou, de Me C..., représentant la commune de Nîmes et de Me D..., représentant la société France Pierre Patrimoine.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 1er août 2017, le maire de Nîmes a délivré à la société France Pierre Patrimoine un permis de construire pour des travaux sur une construction existante, consistant notamment en l'aménagement de dix-sept logements puis, par un arrêté du 7 mars 2018, un permis de construire modificatif ayant pour objet de répondre aux observations formulées par le Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS) du Gard dans le cadre de l'instruction du permis de construire initial précité. La SARL Famirou, exploitant le débit de boissons " La Petite Bourse " situé au rez-de-chaussée de l'immeuble objet des travaux autorisés, fait appel du jugement du 19 février 2019 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation totale de l'arrêté du 7 mars 2018. La commune de Nîmes et la société France Pierre Patrimoine qui concluent au rejet de la requête doivent être regardées comme demandant également à la Cour l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé cet arrêté en tant qu'il autorise l'installation en toiture d'un châssis de désenfumage d'une surface d'un mètre carré et le rejet total de la demande de la SARL Famirou devant le tribunal.
Sur la légalité de l'arrêté du 7 mars 2018 :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 7 mars 2018 et du courrier du 23 mai 2018 accusant réception du recours gracieux du 11 mai 2018 de la SARL Famirou ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Nîmes par la requérante. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 du jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". L'article R. 431-5 du même code dispose que : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs, qui comprend son numéro SIRET lorsqu'il s'agit d'une personne morale en bénéficiant et sa date de naissance lorsqu'il s'agit d'une personne physique (...). La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. ". En vertu de l'article R. 431-4 du même code, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations et pièces limitativement énumérées aux articles R. 431-5 à R. 431-33-1, aucune autre information ou pièce ne pouvant être exigée par l'autorité compétente.
4. D'une part, il résulte des dispositions des articles R. 423-1 et R. 431-35 précités du code de l'urbanisme que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter en vertu de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme, l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Les tiers ne sauraient donc soutenir utilement, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, faire grief à l'administration de ne pas en avoir vérifié l'exactitude. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif.
5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société France Pierre Patrimoine a certifié, dans le formulaire Cerfa, disposer de l'autorisation lui permettant d'exécuter les travaux pour lesquels elle sollicitait le permis en litige. Si une partie de ces travaux consistant à la mise en place de portes coupe-feu au niveau des accès aux caves et du 3ème étage concernaient des parties communes et nécessitaient par suite l'accord de l'autorisation des copropriétaires, ce que le maire de Nîmes ne pouvait ignorer, en revanche la SARL Famirou n'établit pas que le service instructeur était en possession d'informations de nature à faire apparaître que la société France Pierre Patrimoine n'avait pas qualité pour déposer la demande de permis de construire.
6. D'autre part, s'il appartient au service instructeur de vérifier la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, il ne lui appartient pas de s'assurer que le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme. Ainsi, une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l'autorisation de l'assemblée générale de la copropriété, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire. Une contestation relative au défaut d'autorisation des travaux par l'assemblée générale de la copropriété ne saurait caractériser une fraude du pétitionnaire visant à tromper l'administration sur la qualité qu'il invoque à l'appui de sa demande d'autorisation d'urbanisme, l'absence d'une telle autorisation comme un refus d'autorisation des travaux envisagés par l'assemblée générale étant, par eux-mêmes, dépourvus d'incidence sur la qualité du copropriétaire à déposer une demande d'autorisation d'urbanisme et ne pouvant être utilement invoqués pour contester l'autorisation délivrée. Il suit de là que la requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la société pétitionnaire a sciemment attesté disposer de l'autorisation pour effectuer des travaux sur des parties communes alors qu'elle n'avait pas obtenu l'accord des copropriétaires.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3.2.3. du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de Nîmes approuvé par arrêté préfectoral du 14 décembre 2015, relatif aux immeubles ou parties d'immeubles constitutifs de l'ensemble urbain, à améliorer et à restaurer, mais dont la démolition est interdite : " Ces immeubles sont repérés sur le document polychrome par la légende 5 bis, alternance de hachures noires moyennes et de hachures fines. / Ces immeubles sont à maintenir et à réhabiliter. (...) / Ils sont à maintenir dans leur volume général. La protection s'applique aux façades et à la toiture qui ne peuvent être altérées. (...) ". Aux termes de l'article US. 11 de ce règlement, relatif à l'aspect extérieur des immeubles : " (...) 11.6. - Toitures (...) 11.6.2. - Couvertures (...) 11.6.2.5. - Lucarnes et sorties en toiture (...) Les surfaces vitrées, telles que châssis dits " tabatières ", Vélux ou similaire, peuvent être autorisés après examen au cas par cas en fonction de l'architecture de l'immeuble et de sa situation dans les cônes de visibilité du secteur sauvegardé. Leur création, ou leur maintien, ne pourra être autorisé que dans les cas où ils représenteraient un impératif d'habitabilité des locaux à réhabiliter ou pour permettre l'accès à la toiture. Dans les cas autorisés, les dimensions seront au maximum de 0,70 (largeur) x 1,00 (hauteur), le grand axe du châssis étant disposé suivant le plan de couverture, et sans saillie sur celui-ci. (...) ".
8. D'une part, les dispositions combinées des articles 3.2.3. et 11.6.2.5. du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur citées au point précédent doivent être interprétées comme autorisant la création, en toiture d'un immeuble affecté d'un zonage 5 bis, d'un châssis de désenfumage. D'autre part, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial. En l'espèce, par un arrêté du 19 juin 2019, le maire de Nîmes a accordé à la société France Pierre Patrimoine un permis de construire modificatif ayant pour objet notamment l'installation en toiture d'un châssis de désenfumage de 70 × 100 cm en lieu et place de celui d'une surface de 1 mètre carré autorisé par l'arrêté du 7 mars 2018. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de Nîmes doit être écarté.
9. En quatrième lieu, si la société requérante soutient que l'arrêté du 7 mars 2018 prévoit, sur la terrasse en R+1 et la coursive en R+1, ainsi que, pour partie, sur la coursive commune en R+2, des modifications substantielles de leur aspect contraires au règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de Nîmes, il ressort des pièces du dossier que ces modifications ont été autorisées par l'arrêté du 1er août 2017 portant permis de construire initial. Par suite, ce moyen est inopérant.
10. En cinquième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance du règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Nîmes et de l'article R. 111-2 ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Nîmes par la société Famirou. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 9 et 11 du jugement. En outre, la circonstance que les arbres situés sur le domaine public communal ne seront pas effectivement élagués contrairement à la simple recommandation émise le 24 janvier 2018 par le Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS) du Gard relève de l'exécution du permis de construire en litige et non de sa légalité.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme, applicable aux requêtes enregistrées à compter du 1er octobre 2018 : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. "
12. En l'espèce, la SARL Famirou a articulé pour la première fois le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté en litige du principe de la liberté du commerce et de l'industrie dans son mémoire du 6 décembre 2019 alors que le premier mémoire en défense lui a été communiqué le 18 août précédent. Il suit de là que ce moyen est irrecevable.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Nîmes et la société France Pierre Patrimoine, que celles-ci sont fondées à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 février 2019 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 7 mars 2018 en tant qu'il autorise l'installation en toiture d'un châssis de désenfumage d'une surface d'un mètre carré et, par suite, le rejet de la demande de la SARL Famirou devant le tribunal ainsi que le rejet de la requête d'appel de la société requérante qui n'est pas fondée à demander l'annulation totale de l'arrêté du 7 mars 2018.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Nîmes, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la société requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SARL Famirou une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser d'une part, à la commune de Nîmes et d'autre part, à la société France Pierre Patrimoine.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 19 février 2019 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 7 mars 2018 en tant seulement qu'il autorise l'installation en toiture d'un châssis de désenfumage d'une surface d'un mètre carré.
Article 2 : La demande de la SARL Famirou accueillie par le tribunal administratif de Nîmes et sa requête d'appel sont rejetées.
Article 3 : La SARL Famirou versera une somme de 1 000 euros d'une part, à la commune de Nîmes et d'autre part, à la société France Pierre Patrimoine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Famirou, à la commune de Nîmes et à la société France Pierre Patrimoine.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme B..., président assesseur,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 décembre 2020.
N° 19MA01845 7