M. C... D... a également demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 1 923,85 euros émis à son encontre le 23 février 2018 par le président de la communauté d'agglomération de Carcassonne.
Par un jugement n° 1801538 du 22 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 août 2018 et 25 septembre 2019 sous le n° 18MA03744, M. D..., représenté par l'AARPI MCH Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 juillet 2018 ;
2°) d'annuler, d'une part, la décision du président de la communauté d'agglomération de Carcassonne du 4 janvier 2018, d'autre part et par voie de conséquence, l'arrêté de cette même autorité du 18 janvier 2018 et, enfin, toutes les mesures prises en application des décisions en cause ;
3°) d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération de Carcassonne de lui restituer les sommes prélevées au titre de la requalification de sa pathologie en maladie ordinaire, de rééditer son bulletin de salaire du mois de janvier 2018 et de lui restituer les jours de congés ou les jours de réduction du temps de travail pris pour les soins liés à son accident, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à venir ;
4°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Carcassonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, au regard de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, dès lors qu'il ne vise pas sa demande d'injonction ;
- il est irrégulier dès lors que ses visas ne précisent pas, en méconnaissance du même article R. 741-2, les dispositions législatives et réglementaires dont il a été fait application ;
- il est irrégulier en ce qu'il ne mentionne pas, contrairement aux exigences de ces mêmes dispositions, la note en délibéré qu'il a produite ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il comporte une analyse erronée des moyens invoqués devant le tribunal ;
- le jugement a été rendu en méconnaissance du principe du contradictoire en l'absence de communication de son mémoire en réplique ;
- l'arrêté du 18 janvier 2018 est entaché d'au moins deux erreurs matérielles et le tribunal a commis une erreur en ne retenant pas leur existence ;
- le tribunal a commis une erreur en considérant que les docteurs Arne et Benoist d'Azy avaient la qualité de médecins agréés ;
- le tribunal a commis une erreur en estimant que les éléments apportés par le défendeur étaient de nature à renverser la présomption, quasi-irréfragable en vertu de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, d'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime.
Par des mémoires en défense enregistrés le 25 septembre 2018 et le 31 octobre 2019, la communauté d'agglomération de Carcassonne, dénommée " Carcassonne agglo ", représentée par la SELARL Lysis Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que, le cas échéant, les entiers dépens.
Elle soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 27 mai 2019 sous le n° 19MA02402, M. D..., représenté par l'AARPI MCH Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2019 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 23 février 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Carcassonne la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- à titre liminaire, sa requête a pour effet de suspendre la force exécutoire du titre litigieux ;
- les premiers juges ont fait fi des moyens invoqués en première instance et tendant à démontrer l'illégalité de la décision du 4 janvier 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 15 mai 2017 ;
- ces moyens sont développés dans sa requête d'appel dirigée contre le jugement n° 1801124 du tribunal administratif de Montpellier du 17 juillet 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 août 2019, la communauté d'agglomération de Carcassonne, représentée par la SELARL Lysis Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que, le cas échéant, les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la requête d'appel de M. D... n'a pas pour effet de suspendre le caractère exécutoire du titre exécutoire litigieux ;
- le jugement contesté n'est pas irrégulier dès lors que le tribunal s'est prononcé sur l'ensemble des moyens invoqués par M. D... ;
- M. D... ne reprend pas en appel ses moyens de première instance.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la communauté d'agglomération de Carcassonne.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de M. D... visées ci-dessus présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M. D..., adjoint administratif de deuxième classe, exerce les fonctions de secrétaire administratif au sein des services de la communauté d'agglomération de Carcassonne. Le 15 mai 2017, l'intéressé a souffert, sur son lieu de travail, d'un trouble oculaire ayant entraîné un décollement de la rétine périphérique de son oeil droit. Par un arrêté du 28 juin 2017, il a été placé en " congé pour accident de service à compter du 15 mai 2017 sous réserve des conclusions du rapport d'expertise ". Le 17 octobre 2017, la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Par une décision du 4 janvier 2018, le président de la communauté d'agglomération de Carcassonne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet événement. Cette même autorité a, par un arrêté du 18 janvier suivant, placé M. D... en " congé pour maladie ordinaire du 15 mai au 30 novembre 2017 ". Un titre exécutoire, d'un montant de 1 923,85 euros, a été émis à son encontre le 23 février 2018 en vue du recouvrement des sommes qui lui ont été indûment versées au cours de la période du 15 juillet au 29 novembre 2017. Par ses requêtes visées ci-dessus, M. D... relève appel, d'une part, du jugement du 17 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions des 4 et 18 janvier 2018, ainsi que de toutes les mesures prises en application de celles-ci, et, d'autre part, du jugement de ce tribunal du 22 mai 2019 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire.
Sur le jugement du 17 juillet 2018 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. En premier lieu, il ressort de ses écritures de première instance que M. D... s'est prévalu de la circonstance que la commission de réforme " n'a pas été sollicitée pour un nouvel avis après la deuxième expertise " dont il a fait l'objet. En répondant à cette argumentation, dont ils ont souligné le caractère imprécis au point 6 du jugement contesté, les premiers juges ne sauraient être regardés comme s'étant mépris sur la portée des écritures de l'intéressé.
4. En deuxième lieu, en vertu de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision juridictionnelle doit notamment contenir " l'analyse des conclusions ". Le jugement contesté, qui comporte une analyse des conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. D..., précise, à son point 10, que les conclusions à fin d'annulation de l'intéressé étant rejetées, son exécution n'implique aucune mesure d'exécution. Dans ces conditions, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges n'auraient pas visé ni analysé l'ensemble de ses conclusions à fin d'injonction.
5. En troisième lieu, l'article R. 741-2 du code de justice administrative prévoit également que la décision juridictionnelle doit contenir " les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ". Si les visas du jugement attaqué ne font pas mention de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les motifs de ce jugement reproduisent les dispositions du II de l'article 21 bis de cette loi dont le tribunal a fait application. Il suit de là que le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point.
6. En quatrième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le jugement attaqué comporte, conformément aux exigences de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la mention de la note en délibéré qui a été présentée pour M. D... le 5 juillet 2018.
7. En cinquième et dernier lieu, le jugement contesté vise le mémoire en réplique présenté pour M. D... et enregistré le 28 juin 2018 au greffe du tribunal. La circonstance que ce mémoire ainsi que les pièces l'accompagnant n'ont pas été communiqués n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à l'égard de l'intéressé et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par lui.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
8. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté du 18 janvier 2018 serait entaché d'erreurs matérielles par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Une liste de médecins agréés généralistes et spécialistes est établie dans chaque département (...). / Les médecins agréés sont choisis, sur leur demande ou avec leur accord, parmi les praticiens âgés de moins de soixante-treize ans ayant au moins trois ans d'exercice professionnel (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que les docteurs Arne et Benoist d'Azy, qui ont chacun rédigé un rapport d'expertise à la demande de la communauté d'agglomération de Carcassonne, sont inscrits sur la liste des médecins agréés spécialistes en ophtalmologie établie, respectivement, dans le département de la Haute-Garonne et dans le département de l'Hérault. Par suite, et sans qu'ait à cet égard d'incidence la circonstance que ces médecins ne figurent pas sur la liste des médecins agréés spécialistes du département de l'Aude, M. D... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que ces deux ophtalmologues ne bénéficient pas de la qualité de médecins agréés au sens de l'article 1er du décret du 14 mars 1986.
11. En troisième et dernier lieu, aux termes du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ". Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.
12. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des rapports d'expertise établis respectivement le 2 août 2017 par le docteur Arne et le 13 décembre suivant par le docteur Benoist d'Azy, que les troubles oculaires dont M. D... a été victime le 15 mai 2017 sont liés à l'existence de lésions rétiniennes périphériques préexistantes. Ces deux médecins ophtalmologues ont estimé, de façon concordante, que ces troubles oculaires n'ont pas été provoqués par le " travail sur écran ". L'appelant ne produit aucun élément probant de nature à contredire ces expertises médicales dont se prévaut la communauté d'agglomération de Carcassonne, lesquelles révèlent l'existence d'une circonstance particulière détachant du service l'accident dont il a été victime et sont de nature à renverser la présomption d'imputabilité au service de cet accident. Par suite, et en dépit du caractère favorable de l'avis de la commission de réforme, les décisions litigieuses ne procèdent pas d'une inexacte application des dispositions citées ci-dessus de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation.
Sur le jugement du 22 mai 2019 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
14. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
15. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments avancés par les parties, ont répondu de façon suffisamment précise à l'ensemble des moyens invoqués devant eux par M. D.... Ils ont, en particulier, apporté une réponse circonstanciée au moyen tiré de ce que la créance litigieuse est fondée sur une décision illégale et faisant l'objet d'un recours contentieux.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
16. La requête de M. D... dirigée contre le jugement du 17 juillet 2018, rejetant sa demande tendant notamment à l'annulation de la décision du 4 janvier 2018 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime, étant rejetée pour les raisons exposées ci-dessus, l'intéressé n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation du titre exécutoire en litige et à la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante.
17. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre le 23 février 2018.
Sur les frais liés aux litiges :
18. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté d'agglomération de Carcassonne, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, verse à M. D... les sommes qu'il demande sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la communauté d'agglomération de Carcassonne sur le fondement de ces dispositions.
19. Par ailleurs, faute de dépens exposés au cours des présentes instances, les conclusions présentées par les parties au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. D... sont rejetées.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la communauté d'agglomération de Carcassonne est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la communauté d'agglomération de Carcassonne.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme A..., présidente assesseure,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.
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Nos 18MA03744, 19MA02402