Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, M. A..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mai 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an sur le fondement des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, dans le délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative, de prendre une nouvelle décision dans le même délai sous peine de la même astreinte en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant refus d'admission au séjour :
- les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- le préfet a commis une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- l'intérêt supérieur de son enfant n'a pas suffisamment été pris en compte en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :
- par exception, l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour emporte l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête de M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les observations de Me E..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 octobre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée M. A..., ressortissant algérien, en qualité de parent d'enfant malade et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 27 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, s'agissant des moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté querellé et d'examen particulier de sa situation, le requérant reproduit purement et simplement l'argumentation invoquée en première instance. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille, respectivement aux points 2 et 3 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Si ces dispositions, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco- algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que le préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, délivre à ces ressortissants un certificat de résidence pour l'accompagnement d'un enfant malade.
4. En l'espèce, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), consulté par le préfet des Bouches-du-Rhône pour apprécier la situation médicale du fils du requérant, Othman, qui, âgé de trois ans, souffre d'un retard de développement avec trouble du langage, a, dans son avis émis le 19 juin 2019, conclu que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que cet enfant peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et en outre, au vu des éléments du dossier et à la date de cet avis, son état peut lui permettre de voyager sans risque vers l'Algérie.
5. Les pièces médicales produites par M. A..., en l'espèce, le certificat du 28 février 2019 du docteur Giorgetti exerçant au sein du service ORL et Chirurgie Cervico-Faciale Pédiatrique à l'APHM et les deux certificats datés respectivement du 28 février 2019 et du 4 août 2020 du docteur Vergara, médecin généraliste, rédigés au conditionnel et sans aucune précision, ne sont pas de nature à remettre en cause le bien-fondé de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) quant à l'accessibilité des soins nécessaires à l'état d'Othman qui consistent essentiellement en des séances d'orthophonie et qui a été orienté vers un centre médico-psycho-pédagogique sur lequel il est en liste d'attente. Par ailleurs, il n'est établi par aucune pièce du dossier que l'état de cet enfant s'est amélioré depuis sa prise en charge le 29 février 2019 à l'APHM. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait, en lui refusant la délivrance d'une autorisation de séjour, entaché, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco- algérien- du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. ". Par ailleurs, il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui réside en France depuis moins de quatre ans à la date de l'arrêté en litige et qui s'est vu opposer le 27 mars 2018 un refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, est marié avec une compatriote qui y séjourne de maniéré irrégulière. D'autre part, il n'est justifié d'aucun élément faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, en particulier en Algérie, pays dont l'intéressé, son épouse et leurs enfants sont des ressortissants et dans lequel le requérant a vécu jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. Par ailleurs, il ne justifie d'aucune insertion socioprofessionnelle. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en prenant l'arrêté en litige, n'a pas, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, porté une atteinte au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché son refus d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle alors même que le requérant a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour du 12 mai 2016 au 5 décembre 2017 eu égard à son état de santé, l'intéressé étant atteint de schizophrénie.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 5, les éléments médicaux produits ne sont pas de nature à établir que l'enfant de M. A... ne pourrait pas bénéficier d'un suivi médical adapté à son état de santé dans son pays d'origine. Par ailleurs, les seuls éléments versés au dossier sont insuffisants pour considérer que la scolarité de cet enfant, au demeurant en petite section de maternelle à la date de l'arrêté en litige, ne pourrait s'y poursuivre. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2019. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me E....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme B..., président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 10 novembre 2020.
N° 20MA02765 2