Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2019, M. A... B..., représenté par l'AARPI Oloumi et Hmad Avocats Associés, demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 18 juin 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
3°) d'annuler l'arrêté du 5 avril 2019 du préfet des Alpes-Maritimes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le mémoire du préfet lui a été communiqué après la clôture de l'instruction, ce qui a réouvert implicitement l'instruction ;
- il a ainsi produit des pièces avant la clôture de l'instruction pour établir sa vie privée et familiale en France;
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
La requête a été transmise au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- et les observations de Me Dutard substituant Me Carles, représentant M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., de nationalité tunisienne, a été interpellé le 4 février 2019 par les services de police en situation irrégulière sur le territoire français. Par l'arrêté en litige du 5 avril 2019, le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par le jugement dont M. A... B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier, territorialement compétent en application des dispositions de l'article R. 221-3 de ce code et auquel la demande de M. A... B... a été renvoyée par l'ordonnance du 10 avril 2019 du président du tribunal administratif de Nice, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions du requérant tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par décision du 25 octobre 2019, M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 776-11 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement ou le rapporteur qui a reçu délégation à cet effet peut, dès l'enregistrement de la requête, faire usage du pouvoir prévu au premier alinéa de l'article R. 613-1 de fixer la date à laquelle l'instruction sera close. Il peut, par la même ordonnance, fixer la date et l'heure de l'audience au cours de laquelle l'affaire sera appelée. Dans ce cas, l'ordonnance tient lieu de l'avertissement prévu à l'article R. 711-2. ". Aux termes de l'article R. 613-2 de ce code : " (...) l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne. ". Aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". Contrairement à ce que soutient le requérant, les articles R. 776-14 et suivants du code de justice administrative ne sont pas applicables à la procédure devant le tribunal administratif, dès lors que L. A... B... n'était plus en rétention.
4. Il ressort des pièces de procédure que, par ordonnance du 25 avril 2019, la présidente du tribunal administratif de Montpellier a fixé la date de la clôture de l'instruction au 7 mai 2019. Le 13 mai 2019, le magistrat rapporteur a communiqué au requérant des pièces produites par le préfet des Alpes-Maritimes, ce qui a eu pour effet de rouvrir implicitement l'instruction. Toutefois, cette réouverture ne faisait pas obstacle à ce que l'instruction soit automatiquement close trois jours francs avant l'audience, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, fixée au 4 juin 2019. Les pièces annoncées mais non jointes à la demande du 7 avril 2019 du requérant et demandées le 9 mai 2019 par le greffe du tribunal à l'avocat du requérant pour compléter l'instruction, n'ont été déposées au greffe par le conseil du requérant que le 3 juin 2019, soit la veille de l'audience. A cette date, l'instruction était donc close. Dès lors, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité en ne prenant pas en compte ces pièces, au demeurant non classées, pour apprécier la réalité et la consistance de la vie privée et familiale de M. A... B... en France.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Le requérant a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français en 1980. Il a fait l'objet le 23 août 2016 d'un premier refus du préfet des Alpes-Maritimes de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Nice le 16 janvier 2017, confirmé par la cour administrative d'appel de Marseille le 19 octobre 2017. Le 3 novembre 2017, il a fait l'objet d'un second arrêté du préfet des Alpes-Maritimes portant mesure d'éloignement, cette fois sans délai, à destination de son pays d'origine et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Le requérant s'est toutefois maintenu irrégulièrement sur le territoire français. S'il soutient résider habituellement en France depuis son entrée en 1980, les pièces qu'il produit tant en première instance qu'en appel, et notamment des ordonnances médicales, des relevés bancaires, des demandes d'AME ou de RSA ou des factures, si elles peuvent attester d'une présence ponctuelle en France, sont insuffisantes pour établir sa résidence habituelle depuis cette date. La circonstance que le préfet des Alpes-Maritimes a saisi la commission du titre de séjour, qui a d'ailleurs rendu le 18 juillet 2016 un avis défavorable, est sans incidence sur l'appréciation de la durée du séjour du requérant en France. Le requérant est célibataire sans charge de famille. Il n'établit pas avoir contribué à l'éducation et à l'entretien du fils d'une ancienne compagne comme il le soutient. S'il invoque le séjour régulier en France de ses frères et sœurs, il n'établit pas être dépourvu d'attaches en Tunisie où il a vécu selon ses propres dires jusqu'à l'âge de vingt et un ans. M. A... B..., qui a déclaré lors de son interpellation par les services de police le 4 avril 2019 être connu de ces services et ne disposer d'aucune ressource ni d'aucun logement personnel, ne peut se prévaloir d'une quelconque intégration socio-professionnelle en France. Dans ces conditions, et alors même que le requérant déclarerait ses revenus en France, M. A... B... n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la mesure d'éloignement en litige du préfet ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
7. Le requérant ne soulève aucun moyen, ni en première instance ni en appel, à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Hmad.
Copie pour information sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
-M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.
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N° 19MA05529