Par une requête enregistrée le 8 février 2021, M. et Mme D... A..., représentés par Me Bazin, demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 13 octobre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de l'Hérault du 25 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de leur délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de leur situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à leur conseil, de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une " erreur de droit " dès lors que le premier juge a rejeté leur demande avant qu'il n'ait été statué sur leur demande d'aide juridictionnelle ;
- elle a été rendue en méconnaissance des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de titre de séjour en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'ils auraient dû se voir délivrer un titre de séjour permanent en application de l'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
- Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme D... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2020.
La demande d'aide juridictionnelle de M. D... A... a été rejetée par une décision du 11 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 aout 2021, M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
- le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. Mme et M. D... A..., ressortissants espagnols, relèvent appel de l'ordonnance du 13 octobre 2020 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier, statuant sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 25 juin 2020 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les (...) présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".
3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'accès à la justice et au droit est assuré dans les conditions prévues par la présente loi. / L'aide juridique comprend l'aide juridictionnelle (...) ". Selon l'article 18 de cette même loi : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance ". L'article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 portant application de cette loi dispose que : " Sans préjudice de l'application des dispositions relatives à l'admission provisoire, la juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision statuant sur cette demande. / Il en est de même lorsqu'elle est saisie d'une telle demande, qu'elle transmet sans délai au bureau d'aide juridictionnelle compétent. / Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas d'irrecevabilité manifeste de l'action du demandeur à l'aide, insusceptible d'être couverte en cours d'instance ". Il résulte en outre du droit constitutionnellement garanti à toute personne à un recours effectif devant une juridiction que, lorsqu'un requérant a formé une demande d'aide juridictionnelle, l'obligation de surseoir à statuer s'impose à la juridiction, que cette dernière ait ou non été avisée de cette demande dans les conditions fixées par le décret du 19 décembre 1991.
4. La demande des époux D... A... a été enregistrée le 8 juillet 2020 au greffe du tribunal administratif de Montpellier. Les requérants ont déposé une demande d'aide juridictionnelle le 18 septembre 2020, laquelle était pendante à la date de l'ordonnance attaquée. En rejetant la demande des intéressés par une ordonnance du 13 octobre 2020, alors qu'il était tenu de surseoir à statuer jusqu'à la décision du bureau d'aide juridictionnelle, laquelle est d'ailleurs intervenue deux jours plus tard, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a statué au terme d'une procédure irrégulière. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'irrégularité invoqués, les requérants sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les époux D... A... devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour en litige :
6. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision attaquée et dont les dispositions sont désormais reprises en substance à l'article L. 233-1 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...) / 4° S'il est (...) conjoint (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". L'article L. 122-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision attaquée et dont les dispositions sont aujourd'hui reprises en substance à l'article L. 234-1 du même code, dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant visé à l'article L. 121-1 qui a résidé de manière légale et ininterrompue en France pendant les cinq années précédentes acquiert un droit au séjour permanent sur l'ensemble du territoire français (...) ". Selon l'article R. 122-1 du même code, alors en vigueur : " Les ressortissants mentionnés au premier alinéa de l'article L. 122-1 peuvent solliciter la délivrance d'une carte de séjour d'une durée de validité de dix ans renouvelable de plein droit portant la mention " Citoyen UE/EEE/Suisse - Séjour permanent - Toutes activités professionnelles " (...) ".
7. Pour rejeter la demande présentée par les époux D... A..., le préfet de l'Hérault a estimé que les intéressés, qui sont sans emploi, ne justifiaient pas de ressources personnelles stables et suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. Les requérants font valoir qu'ils résident en France depuis 2012, que M. D... A... y a exercé une activité professionnelle de 2012 à 2016, que ce dernier a commencé, à la suite d'une courte période de chômage, à percevoir une pension de retraite au mois de juillet 2017 qu'il cumule avec sa pension de retraite espagnole, et qu'ils ont bénéficié de plusieurs titres de séjour. Toutefois, en admettant même que les époux D... A... résidaient en France depuis plus de cinq ans à la date de la décision attaquée, les seules pièces qu'ils produisent tant en première instance qu'en appel ne permettent nullement d'établir qu'ils auraient disposé, au cours de cette période, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale. A cet égard, les intéressés ne contestent pas que leurs ressources proviennent essentiellement de l'allocation de solidarité aux personnes âgées perçues par M. D... A.... Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les intéressés auraient rempli, pendant cinq années consécutives, les conditions fixées par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les époux D... A..., qui ne démontrent pas avoir résidé de manière légale en France, au sens de l'article L. 122-1 du même code, au cours des cinq années précédant la décision litigieuse, ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de l'Hérault a méconnu ce texte.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme et M. D... A... ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du préfet de l'Hérault du 25 juin 2020. Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 13 octobre 2020 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme et M. D... A... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et M. E... D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Judith Bazin.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.
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N° 21MA00536