Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 octobre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juin 2018 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " dès la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 000 euros, qui sera versée à Me B... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- le signataire de cette décision est incompétent ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;
- le préfet ne pouvait pas se fonder sur l'absence d'un visa de long séjour prévu par l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité de " salarié " ;
- il justifie d'un motif exceptionnel d'admission au séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- le signataire de la décision d'éloignement est incompétent ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- le signataire de cette décision est incompétent ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés en se reportant à ses écritures de première instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., de nationalité camerounaise, a demandé le 17 mai 2018 au préfet de l'Hérault un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre de sa vie privée et familiale ou en qualité de " salarié ". Par l'arrêté du 5 juin 2018 en litige, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, par un arrêté du 17 novembre 2017, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Hérault, M. Pascal Othéguy, secrétaire général de cette préfecture et signataire de l'arrêté en litige, a reçu délégation à l'effet de signer notamment tous les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers. Cette délégation n'est, contrairement à ce que soutient le requérant, ni trop générale ni absolue. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet de l'Hérault a estimé que la demande de titre de séjour de M. D... était présentée tant au titre de sa vie privée et familiale qu'en qualité de salarié et a recherché si l'intéressé pouvait, soit se voir délivrer un titre de séjour de plein droit, soit bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur ces deux fondements. Il a ainsi procédé à un examen sérieux de la situation de M. D....
4. En troisième lieu, la délivrance du titre de séjour portant la mention " salarié " est subordonnée à la condition, prévue à l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la production par l'intéressé d'un visa en cours de validité pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. En l'absence de production, par le requérant, d'un tel visa à la date de la décision en litige et dès lors que l'intéressé était en situation irrégulière, le préfet de l'Hérault a pu, sans commettre d'erreur de droit contrairement à ce que soutient M. D..., rejeter la demande de titre de séjour du requérant portant la mention " salarié " au seul motif qu'il ne présentait pas un tel visa.
5. En quatrième lieu, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation d'un étranger qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, qui a estimé que le contrat de travail à temps partiel en qualité d'agent de service présenté par M. D... ne constituait pas un motif exceptionnel d'admission au séjour, aurait méconnu, ce faisant, l'étendue de son pouvoir de régularisation.
6. En cinquième lieu, le préfet a aussi examiné la demande de titre de séjour du requérant sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. M. D... est entré en France le 5 septembre 2014 sous couvert d'un visa de long séjour valable du 2 septembre 2014 au 2 septembre 2015 portant la mention " étudiant " ne lui donnant pas vocation à rester en France à l'issue de ses études. Il a obtenu le renouvellement de ce titre de séjour " étudiant " jusqu'au 7 septembre 2017. En l'absence de toute progression dans ses études, il a fait l'objet le 7 novembre 2017 d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par le jugement n° 1801103 du 11 juin 2018 du tribunal administratif de Montpellier, confirmé par l'arrêt définitif de la Cour n° 18MA04653 du 30 juin 2020. Il s'est cependant maintenu irrégulièrement en France. S'il fait valoir vivre depuis le mois de décembre 2016 avec sa compagne de nationalité gabonaise, qui réside en France depuis 2013 sous couvert d'un titre de séjour portant mention " salarié " valable jusqu'au 1er juin 2018, cette union, à la supposer même établie, est récente à la date de la décision en litige. La circonstance que le couple a conclu le 13 septembre 2018, soit postérieurement à la décision en litige, un pacte civil de solidarité est sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Le couple n'a pas d'enfants. Si le requérant soutient aussi que ses deux parents et deux de ses frères sont de nationalité française, il ressort de ses propres affirmations qu'il a vécu éloigné d'eux, d'abord au Cameroun, puis au Gabon, alors que sa famille vivait en France et qu'il n'est entré en France qu'à l'âge de vingt-neuf ans. M. D... n'établit pas être dépourvu d'attaches au Cameroun où il a vécu, selon ses dires, jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, et alors même que l'intéressé serait bien intégré en France, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le refus litigieux du préfet de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. Pour le même motif que celui exposé au point 2, le signataire de la mesure d'éloignement en litige était compétent.
9. En l'absence d'argumentation spécifique invoquée par M. D... à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle en prenant la mesure d'éloignement en litige par les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 lors de l'examen de la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
10. Pour le même motif que celui exposé au point 2, le signataire de la mesure d'éloignement en litige était compétent.
11. Le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi en litige méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que le couple, de nationalité différente, ne pourrait pas poursuivre sa vie familiale ailleurs qu'en France, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 7 de cet arrêt, l'ancienneté de la communauté de vie avec sa compagne n'est pas établie.
12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- Mme A..., présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.
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N° 19MA00460