Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2020, M. et Mme A..., représentés par la SELARL d'avocats Retex, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision du 9 mai 2018 du maire de la commune de Mazan, ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Mazan de réinstruire leur dossier et de leur délivrer une attestation de conformité de leurs travaux, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Mazan la somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a omis de répondre à leur moyen tiré de l'absence d'obligation de détenir une autorisation d'urbanisme en application des articles L. 421-6 et R. 421-8 du code de l'urbanisme ;
Sur le refus d'attester la conformité des travaux :
- les travaux qu'ils ont réalisés correspondent à ceux déclarés et autorisés par le permis de construire délivré le 4 novembre 2016, dès lors que leur demande de permis de construire faisait apparaître l'existence de deux logements et qu'en tout état de cause, l'indication du nombre de logements existants n'est pas exigée dans une demande de permis de construire ;
- en tout état de cause, aucune autorisation d'urbanisme n'était nécessaire pour réaliser les travaux litigieux de création d'un logement supplémentaire dans le volume d'un bâtiment existant, sans création de surface de plancher ni modification de l'aspect extérieur ;
- la création d'un second logement ne pouvait ainsi fonder le refus de conformité du maire ;
- le maire ne pouvait pas fonder son refus litigieux sur l'usage ultérieur du logement supplémentaire de la construction après son achèvement ;
- la conformité des travaux réalisés s'apprécie au seul regard du permis de construire délivré et non au regard du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;
Sur la mise en demeure de supprimer le second logement :
- les travaux d'aménagement intérieur d'une construction existante, alors même qu'ils conduisent à la création d'un second logement, ne sont pas interdits par l'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- cette mise en demeure méconnaît l'article R. 462-9 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elle ne fait pas mention de la possibilité de régulariser les travaux litigieux par le dépôt d'un permis de construire modificatif ;
- le permis de construire délivré était régularisable, dès lors que les dispositions liminaires du règlement sont dépourvues de valeur normative ;
- l'annulation du refus de constater la conformité des travaux implique nécessairement la délivrance par le maire de cette attestation de conformité.
Par lettre enregistrée le 4 janvier 2022, la commune de Mazan informe la Cour qu'elle n'entend pas mandater un avocat pour assurer sa défense et qu'elle s'en remet à la sagesse de la Cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Cunin représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté en date du 6 mars 2017, le maire de la commune de Mazan a accordé à M. A... un permis de construire en vue de la démolition d'une grange et de la création ou de la modification d'ouvertures en façades d'un bâtiment situé 1181 rue de la Venue de Pernes à Mazan, situé en zone agricole NC du plan d'occupation des sols de la commune alors en vigueur. Les requérants ont déposé le 12 février 2018 en mairie une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux ainsi autorisés. Par la décision en litige du 9 mai 2018, le maire de Mazan a refusé d'attester la conformité des travaux réalisés en exécution de ce permis de construire et a mis en demeure M. et Mme A... de se mettre en conformité avec l'autorisation délivrée, dans un délai de six mois. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de cette décision, ensemble la décision implicite de rejet confirmée le 10 septembre 2018, née du silence gardé par le maire de Mazan sur leur recours gracieux du 7 juin 2018 tendant au retrait de la décision du 9 mai 2018 du maire. Par le jugement dont ils relèvent appel, les premiers juges ont rejeté leur demande.
Sur la légalité de la décision en litige :
2. Pour refuser d'attester la conformité des travaux réalisés par les époux A... en exécution du permis de construire qui leur a été délivré le 6 mars 2017, le maire de la commune de Mazan s'est fondé sur la circonstance que le permis de construire délivré autorisait seulement la démolition d'une grange et la création et la modification d'ouvertures en façades, que la déclaration du 12 février 2018 des requérants mentionne l'achèvement de deux logements, que les travaux effectués ne correspondent pas dès lors à ceux déclarés et que ces travaux ne sont pas régularisables par l'octroi d'un permis de construire modificatif dès lors que la création du deuxième logement supplémentaire méconnaît le règlement de la zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 462-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " A l'achèvement des travaux de construction ou d'aménagement, une déclaration attestant cet achèvement et la conformité des travaux au permis délivré ou à la déclaration préalable est adressée à la mairie. ". L'article L. 462-2 du code indique que : " L'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3 peut, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, procéder ou faire procéder à un récolement des travaux et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l'ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. Un décret en Conseil d'Etat fixe les cas où le récolement est obligatoire. ". L'article R. 462-6 du même code précise que : " A compter de la date de réception en mairie de la déclaration d'achèvement, l'autorité compétente dispose d'un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration. / Le délai de trois mois prévu à l'alinéa précédent est porté à cinq mois lorsqu'un récolement des travaux est obligatoire en application de l'article R. 462-7. ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire./ Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des travaux exécutés sur des constructions existantes ainsi que des changements de destination qui, en raison de leur nature ou de leur localisation, doivent également être précédés de la délivrance d'un tel permis. ". Aux termes de l'article R. 421-13 de ce code : " Les travaux exécutés sur des constructions existantes sont dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme à l'exception : a) Des travaux mentionnés aux articles R. 421-14 à R. 421-16, qui sont soumis à permis de construire ; b) Des travaux mentionnés à l'article R. 421-17, qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable.(...) ". Aux termes de l'article R. 421-14 de ce code : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : a) Les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à vingt mètres carrés ; b) Dans les zones urbaines d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, les travaux ayant pour effet la création d'une surface de plancher ou d'une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés ; toutefois, demeurent soumis à permis de construire les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres carrés et d'au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d'emprise au sol, lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l'emprise totale de la construction au-delà de l'un des seuils fixés à l'article R. 431-2 ; c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations et sous-destinations définies aux articles R. 151-27 et R. 151-28 ; d) Les travaux nécessaires à la réalisation d'une opération de restauration immobilière au sens de l'article L. 313-4. (...) ".
5. L'article R. 421-17 du code de l'urbanisme dispose pour sa part que : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R.421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement ;b) Les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 151-27; pour l'application du présent alinéa, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal et le contrôle des changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destinations d'une même destination prévues à l'article R. 151-28 ; c) Les travaux susceptibles de modifier l'état des éléments d'architecture et de décoration, immeubles par nature ou effets mobiliers attachés à perpétuelle demeure, au sens des articles 524 et 525 du code civil, lorsque ces éléments, situés à l'extérieur ou à l'intérieur d'un immeuble, sont protégés par un plan de sauvegarde et de mise en valeur et, pendant la phase de mise à l'étude de ce plan, les travaux susceptibles de modifier l'état des parties intérieures du bâti situé à l'intérieur du périmètre d'étude de ce plan ; d) Les travaux exécutés sur des constructions existantes ayant pour effet de modifier ou de supprimer un élément que le plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu a identifié, en application de l'article L. 151-19 ou de l'article L. 151-23, comme présentant un intérêt d'ordre culturel, historique, architectural ou écologique ;e) Les travaux exécutés sur des constructions existantes ayant pour effet, lorsque ces constructions sont situées sur un territoire non couvert par un plan local d'urbanisme ou par un document d'urbanisme en tenant lieu, de modifier ou de supprimer un élément identifié comme présentant un intérêt patrimonial, paysager ou écologique, en application de l'article L. 111-22, par une délibération du conseil municipal, prise après l'accomplissement de l'enquête publique prévue à ce même article ;f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d'une emprise au sol, soit d'une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants :- une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés ;- une surface de plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés. Ces seuils sont portés à quarante mètres carrés pour les projets situés en zone urbaine d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, à l'exclusion de ceux impliquant la création d'au moins vingt mètres carrés et d'au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d'emprise au sol lorsque cette création conduit au dépassement de l'un des seuils fixés à l'article R*431-2 du présent code .g) La transformation de plus de cinq mètres carrés de surface close et couverte non comprise dans la surface de plancher de la construction en un local constituant de la surface de plancher. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que les travaux en litige créent un second logement dans le volume du bâtiment existant des époux A.... Toutefois, ces travaux n'ont créé aucune surface de plancher supplémentaire, ils ont lieu sur une construction existante située en zone agricole, la création de ce logement supplémentaire maintient la destination initiale d'habitation et elle n'est pas nécessaire à la réalisation d'une opération de restauration immobilière. Par suite, les travaux litigieux exécutés sur la construction existante n'entrent pas dans le champ d'application de l'article R. 421-13 du code de l'urbanisme, qui exige l'obtention d'un permis de construire dans les cas énumérés du a) au d) de cet article. Ces travaux, qui notamment ne modifient pas l'aspect extérieur du bâtiment existant, n'entrent pas non plus dans celui de l'article R. 421-17 de ce code qui exige le dépôt d'une déclaration préalable dans les cas qu'il énumère. Par suite, le maire ne pouvait pas fonder son refus d'attester la conformité des travaux réalisés par les requérants sur le motif que la création d'un second logement n'était pas prévue dans la demande de permis de construire, dès lors que cette création n'était pas soumise à autorisation, ainsi que le soutiennent à bon droit les requérants. La circonstance, à la supposer même établie, que la création d'un nouveau logement soit interdite par le règlement de la zone agricole du document d'urbanisme de la commune est sans incidence sur le fait que la réalisation de ces travaux, qui n'était pas soumise à une autorisation, ne pouvait pas fonder le refus de délivrance du certificat de conformité demandé. Dès lors, le maire a méconnu l'article L. 462-2 du code de l'urbanisme en prenant la décision en litige.
7. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible de fonder, en l'état du dossier, l'annulation de la décision en litige.
8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande. Il y a lieu d'annuler ce jugement, ainsi que la décision du 9 mai 2018 du maire de la commune de Mazan, ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article R. 462-10 du code de l'urbanisme : " Lorsque aucune décision n'est intervenue dans le délai prévu à l'article R. 462-6, une attestation certifiant que la conformité des travaux avec le permis ou la déclaration n'a pas été contestée est délivrée sous quinzaine, par l'autorité compétente, au bénéficiaire du permis ou à ses ayants droit, sur simple requête de ceux-ci. ".
10. Le présent arrêt implique nécessairement que le maire de Mazan délivre à M. et Mme A... une attestation de non-contestation de la conformité des travaux avec le permis de construire dont ils ont bénéficié. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au maire de Mazan de procéder à cette délivrance dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Mazan une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La décision du 9 mai 2018 du maire de la commune de Mazan, ensemble la décision de rejet de leur recours gracieux sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Mazan de délivrer à M. et Mme A... une attestation de non-contestation de la conformité des travaux avec le permis de construire, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4: Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et à la commune de Mazan.
Copie pour information en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 8 février 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 22 février 2022.
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N° 20MA02485