Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 4 septembre 2018, M. et Mme B..., représentés par Me D..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Bédarieux du 14 mars 2016 ;
3°) d'enjoindre au maire de Bédarieux de prendre toutes mesures utiles afin qu'aucun mur de clôture ne puisse aggraver la situation du secteur ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Bédarieux la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché de dénaturation, d'erreurs de droit et de fait ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que " le défaut de précision du motif à l'origine de la modification du règlement d'un lotissement constituait en droit à la fois une absence de motivation et un problème de compétence de l'auteur de l'acte " ;
- le tribunal n'a pas répondu à l'ensemble des branches du moyen relatif au non-respect de la procédure prévue à l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme ;
- le maire n'a pas exercé pleinement sa compétence ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard des exigences du code des relations entre le public et l'administration ;
- il méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ils auraient dû être mis à même de faire valoir leurs observations ou être " consultés ", " concertés " ou " informés " et l'accord des colotis, qui n'est pas annexé à l'arrêté attaqué, ne leur a jamais été communiqué ;
- il n'est pas établi qu'une assemblée générale de l'association syndicale du lotissement se soit effectivement tenue le 20 février 2016, ni que tous les colotis intéressés par un changement de clôture ont été informés ou invités à donner leur avis ;
- la modification litigieuse est incompatible avec l'article 1AU 4 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- elle est également incompatible avec l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;
- le maire a commis une " erreur de droit " et porté une appréciation manifestement erronée sur le risque d'inondation existant en autorisant le changement des clôtures qui séparent le lotissement de leur parcelle ;
- cette modification est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2020, la commune de Bédarieux, représentée par la SCP VPNG, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de l'incompétence négative est inopérant dès lors que le maire se trouvait en situation de compétence liée ;
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué est inopérant ;
- les autres moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- les observations de Me D..., représentant M. et Mme B..., et celles de Me A..., représentant la commune de Bédarieux.
Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme B..., a été enregistrée le 19 mars 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Bédarieux a, par un arrêté du 24 mars 2014, délivré à la société Ozone Habitat un permis d'aménager en vue de la création du lotissement dénommé " La Clairière " comportant douze lots à bâtir et situé sur un terrain classé en zone 1AU du plan local d'urbanisme communal. Lors de son assemblée générale ordinaire du 20 février 2016, l'association syndicale libre de ce lotissement a notamment approuvé une résolution prévoyant la modification de l'article 4.1 du règlement du lotissement, afin de permettre l'édification de clôtures constituées, en partie, de murs bahuts. Par un arrêté du 14 mars 2016, pris sur le fondement de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, le maire de Bédarieux a prononcé la modification de l'article 4.1 de ce règlement. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du
5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2016.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, il ressort du dossier de première instance que M. et Mme B... n'ont pas clairement invoqué, devant les premiers juges, le moyen tiré de ce que le maire de Bédarieux s'est abstenu d'exercer pleinement sa compétence avant d'édicter l'arrêté litigieux sur le fondement de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal aurait entaché le jugement attaqué d'irrégularité en ne répondant pas à un tel moyen.
3. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par M. et Mme B..., a suffisamment répondu aux différentes branches du moyen tiré du non-respect de la procédure prévue par l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme au point 5 du jugement attaqué.
4. En troisième et dernier lieu, si M. et Mme B... soutiennent que les premiers juges ont entaché leur jugement de dénaturation et commis plusieurs erreurs de droit et de fait, de telles critiques se rattachent au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d'un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l'acceptent, l'autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement (...). Cette modification doit être compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable. (...) / Jusqu'à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'achèvement du lotissement, la modification mentionnée au premier alinéa ne peut être prononcée qu'en l'absence d'opposition du lotisseur si celui-ci possède au moins un lot constructible ".
6. En premier lieu, il résulte de la lettre même de ces dispositions que l'autorité compétente, qui est nécessairement conduite à porter une appréciation sur les faits de l'espèce avant de prononcer la modification du règlement d'un lotissement, ne se trouve pas en situation de compétence liée pour prononcer une telle modification.
7. Il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier, que le maire de Bédarieux se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer la modification litigieuse compte tenu de l'accord exprimé par les colotis, ni qu'il se serait abstenu de rechercher si cette modification est, ainsi que l'exige l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable.
8. En deuxième lieu, la décision prononçant la modification du règlement d'un lotissement sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme présente un caractère réglementaire. Il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe qu'une telle décision doive être motivée. Il suit de là que M. et Mme B... ne peuvent utilement invoquer le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué.
9. En troisième lieu, si les appelants invoquent la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ils n'assortissent pas leurs allégations sur ce point de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Par suite, et en tout état de cause, ce moyen ne peut qu'être écarté.
10. En quatrième lieu, M. et Mme B..., qui sont notamment propriétaires d'une parcelle jouxtant le lotissement en cause, soutiennent qu'ils auraient dû être informés de la modification litigieuse et mis à même de faire valoir leurs observations. Toutefois, ils ne se prévalent d'aucun texte ni d'aucun principe prévoyant, en cas de modification prononcée sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire à l'égard des propriétaires voisins du lotissement concerné. Par ailleurs, si les appelants soutiennent que le document contenant l'accord des colotis n'était pas annexé à l'arrêté attaqué et que ce document ne leur a jamais été communiqué, ils n'assortissent pas leurs allégations sur ce point de précisions suffisantes, notamment en droit.
11. En cinquième lieu, il appartient au maire, saisi d'une demande de modification en application des dispositions de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, de veiller à ce que l'accord qui serait exprimé par la majorité qualifiée des propriétaires soit recueilli dans des conditions qui permettent, en tous cas, aux propriétaires directement intéressés par les modifications envisagées, d'en être informés et de faire valoir leurs droits en conséquence.
12. M. et Mme B... reprennent en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les différentes branches du moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au regard des exigences de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 5 du jugement attaqué.
13. En sixième lieu, le 3 de l'article 1AU 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Bédarieux dispose que : " Les aménagements réalisés sur le terrain doivent garantir l'écoulement des eaux pluviales dans le réseau public collecteur, lorsque celui-ci existe (...) ". Selon le 3 de l'article 1AU 11 du même règlement : " (...) Les clôtures devront être constituées par un mur bahut d'une hauteur maximale de 0.80 m surmonté ou non d'un grillage ou de lisses de bois, la hauteur totale ne devant pas excéder 2 m mesurée à partir du niveau de la voie ".
14. D'une part, l'article 4.1 du règlement du lotissement " La Clairière " prévoit notamment, dans sa rédaction résultant de la modification litigieuse, que : " (...) / Toutes les clôtures devront être constituées d'un mur bahut d'une hauteur maximale de 0,80 m surmonté d'un grillage, la hauteur totale ne devant pas excéder 2 mètres, mesurée à partir du terrain naturel ". Ces dispositions de l'article 4.1, dont la rédaction est au demeurant proche de celle des dispositions du 3 de l'article 1AU 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Bédarieux, ne font pas obstacle à ce que les clôtures constituées d'un mur bahut dont elles prévoient l'édification comportent des dispositifs permettant l'écoulement des eaux pluviales. Dans ces conditions, l'article 4.1 du règlement du lotissement en cause ne saurait être regardé comme incompatible avec les dispositions citées ci-dessus du 3 de l'article 1AU 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Bédarieux, à supposer d'ailleurs que ces dernières dispositions soient applicables aux clôtures de ce lotissement qui ne sont pas incorporées à une construction.
15. D'autre part, en admettant même que M. et Mme B... aient entendu exciper de l'illégalité des dispositions de l'article 1AU 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Bédarieux, ils n'assortissent pas, en tout état de cause, leurs allégations sur ce point de précisions suffisantes.
16. En septième lieu, il est constant que le secteur dans lequel s'inscrit le terrain d'assiette du lotissement " La Clairière " n'est pas inclus dans l'une des zones inondables délimitées par le plan de prévention des risques d'inondation applicable sur le territoire de la commune de Bédarieux. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit du phénomène de stagnation des eaux pluviales observé, en cas de précipitations importantes, sur la parcelle cadastrée section AI n° 138 qui jouxte ce lotissement, que le secteur en cause serait exposé à un risque d'inondation par ruissellement d'une intensité particulière. Le rapport d'expertise versé aux débats, qui révèle une situation de fait existant à la date de l'arrêté attaqué, indique que le problème de stagnation des eaux pluviales sur cette parcelle appartenant à M. et Mme B... est lié au caractère insuffisant ainsi qu'au dysfonctionnement d'un fossé longeant la partie sud de la route départementale n° 908. Dans ces conditions, et alors que la modification de l'article 4.1 du règlement du lotissement " La Clairière " ne fait pas obstacle à ce que les murs de clôture de ce lotissement comprennent des dispositifs permettant l'écoulement des eaux pluviales en provenance de la parcelle des intéressés, le moyen tiré de que le maire de Bédarieux aurait porté une appréciation manifestement erronée sur le risque d'inondation existant dans le secteur en cause ne saurait être accueilli. Si les appelants arguent en outre d'une erreur de droit, ils n'assortissent pas leurs allégations sur ce dernier point de précisions suffisantes.
17. En huitième lieu, si M. et Mme B... soutiennent que la modification litigieuse n'est pas compatible avec l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que le risque d'inondation affectant leur propriété serait susceptible d'être aggravé, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté pour les raisons exposées au point précédent.
18. En neuvième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la modification de l'article 4.1 du règlement du lotissement " La Clairière " concerne l'ensemble des colotis et revêt un caractère d'intérêt général. Cette modification rend d'ailleurs cet article 4.1 davantage compatible avec les dispositions citées ci-dessus du 3 de l'article 1AU 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Bédarieux. Dans ces conditions, et à supposer même que la modification en cause aurait notamment pour effet de permettre la régularisation de clôtures déjà édifiées au sein de ce lotissement, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'un détournement de pouvoir.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Bédarieux du 14 mars 2016.
Sur l'injonction sollicitée :
20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de M. et Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par les intéressés doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Bédarieux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. et Mme B... la somme qu'ils demandent sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Bédarieux sur le fondement de ces dispositions.
22. Enfin, faute de dépens exposés au cours de la présente instance, les conclusions présentées par M. et Mme B... au titre de l'article R. 7611 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Bédarieux au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et Geneviève B... et à la commune de Bédarieux.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme Simon, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2021.
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N° 18MA04136