Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2021, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2020, par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux dépens.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 étaient applicables et non l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté est entaché d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation dès lors que le préfet ne fait pas référence au courrier qu'il lui a adressé ni aux motifs de sa demande de régularisation ;
- il est entaché d'une erreur de droit en ce que le préfet n'a pas fait application des stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise ;
- en refusant d'envisager une possibilité de régularisation de sa situation au motif de l'absence de visa de long séjour, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- en refusant de régulariser sa situation, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- il justifie du caractère réel et sérieux de ses études ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il n'avait pas à fournir un visa de long séjour ;
- le refus litigieux emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- la décision doit être annulée compte tenu de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les principes constitutionnels français, les conventions bilatérales entre la France et le Sénégal et les conventions internationales ;
- elle comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité par rapport aux buts poursuivis.
Par un mémoire, enregistré le 11 mai 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il s'en rapporte à l'argumentation développée en première instance, dans laquelle il demandait, à titre principal, que l'article 9 de l'accord franco-sénégalais soit substitué à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme base légale de la décision attaquée et soutenait, à titre subsidiaire, que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 27 novembre 2020.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant sénégalais, né le 7 février 1992, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 3 février 2020 rejetant sa demande de titre de séjour portant la mention " étudiant " et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement de première instance:
2. M. B... ressortissant sénégalais, qui était en situation irrégulière au moment de sa demande de titre de séjour était soumis à l'obligation de détenir un visa de long séjour pour obtenir un titre de séjour en qualité d'étudiant sur le fondement des dispositions de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995, conformément à son article 9. Toutefois, l'absence de visa de long séjour ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de l'Hérault fasse usage, le cas échéant, du pouvoir de régularisation dont il dispose même sans texte. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, que M. B... entré en France en 2014, a obtenu une licence d'Histoire en 2014-2015, un master 1 d'Histoire en 2015-2016 mention assez bien, un diplôme de master de sciences humaines et sociales mention Histoire avec la mention très bien au titre de l'année 2016-2017. Il a été ajourné pour l'année universitaire suivante au diplôme de master 2 mention études européennes et internationales parcours histoire, relations internationales et sciences sociales. Cependant, il a ensuite obtenu ce diplôme avec la mention " assez bien " au titre de l'année universitaire 2018/2019. Il était inscrit en doctorat en 2019/2020 en dépit de l'absence de titre de séjour et d'ailleurs en 2020/2021 et préparait une thèse consacrée à " la controverse de la mémoire des tirailleurs sénégalais de la seconde guerre mondiale " sous la direction du professeur Alamvi. Il justifie d'un soutien appuyé de son directeur de thèse. Il apparaît ainsi que M. B... justifie de la réalité et du sérieux de ses études, nonobstant l'unique échec subi en 2017/2018 et alors même qu'il avait demandé, dans un premier temps son changement de statut pour exercer un emploi à temps plein sans rapport avec ses études. Par ailleurs, il est impliqué dans la vie associative étudiante. Ainsi, en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant, le préfet de l'Hérault a entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, ni de statuer sur la régularité du jugement de première instance, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de séjour et, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
4. Le présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du préfet de l'Hérault et la décision subséquente d'obligation de quitter le territoire français, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet délivre le titre sollicité par le requérant en qualité d'"étudiant". Il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, des éléments de droit ou de fait nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose à la demande de M. B... une décision de refus. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B... un titre de séjour d'un an portant la mention " étudiant " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application de l'article L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
5. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25% par une décision du 27 novembre 2020. Il n'allègue pas avoir exposé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre. Par ailleurs, Me A... ne demande pas la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamés à son client si celui-ci n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner l'Etat à rembourser à M. B..., la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens, laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle. En revanche, la présente instance ne comporte pas de dépens. Dès lors, les conclusions de M. B... tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 23 septembre 2020 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 3 février 2020 du préfet de l'Hérault est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dans un délai d'un mois.
Article 4 : L'Etat paiera à M. B... la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens, laissée à sa charge par la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 27 novembre 2020.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. D... B..., à Me F... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près le tribunal de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2021, où siégeaient :
M. C..., président de chambre,
Mme E..., première conseillère,
M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2021.
5
N° 21MA00023