Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 avril 2018 et 7 février 2019, M.A..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, subsidiairement, d'ordonner le réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Ruffel, une somme de 2 000 euros au titre des articles 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- en se bornant à indiquer que le préfet se serait approprié l'avis du collège de l'OFII, les premiers juges ont entaché le jugement d'une insuffisante motivation
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire ont été signées par une autorité dépourvue de délégation de compétence ;
- dès lors que la qualité des médecins ayant signé l'avis n'est pas renseignée, la durée prévisible du traitement n'a pas été indiquée, ni aucune case relative à l'identité, ces décisions méconnaissant les articles 5 et 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions en litige n'ont pas été précédées d'un examen particulier de sa situation et sont entachées d'une erreur de droit ;
- le préfet s'est cru lié par l'avis des médecins de l'OFII ;
- les décisions en cause méconnaissent l'article L. 313-11-11 du code de l'entrée et l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle et a violé l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-14 du code précité.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 février 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.
La présidente de la Cour a désigné Mme Simon en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lopa-Dufrénot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant guinéen, entré régulièrement en France le 3 septembre 2009, a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, renouvelé jusqu'au 21 août 2013, sans toutefois valider une seule année universitaire. En application de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il s'est vu délivrer, le 24 octobre 2013, un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade, renouvelé jusqu'au 23 avril 2017. Par un arrêté du 9 juillet 2017, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Par le jugement dont M. A...relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant l'annulation de cet arrêté du préfet de l'Hérault du 9 juillet 2017.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...)".
3. D'autre part, aux termes l'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...)". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale. / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
4. Lors de l'instruction de la demande de renouvellement de son titre de séjour, présentée par M.A..., le collège des médecins de l'OFII, dans son avis du 17 mai 2017, a conclu que si l'état de santé de l'intéressé ayant fait l'objet d'un thyroidectomie et présentant une hépatite B nécessite une prise en charge médicale, tout particulièrement un suivi médical semestriel et un traitement hormonal de substitution dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il résulte des termes mêmes de l'arrêté contesté que, rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour, présentée par l'intéressé, le préfet de l'Hérault a repris les conclusions de l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII pour en déduire qu'" en conséquence, (l'intéressé) ne pouvait plus se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade ". Ce faisant, il s'est estimé à tort lié par l'avis défavorable du collège de médecins du 17 mai 2017. Il a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence. L'arrêté du 9 juillet 2017 contesté doit, dès lors, pour ce seul motif, être annulé.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. Considérant que, eu égard à ce qui a été dit précédemment, l'exécution du présent arrêt implique seulement que le préfet de l'Hérault réexamine la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M.A.... Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de procéder à ce réexamen dans un délai limité à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ruffel, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Ruffel de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 19 juillet 2017 du préfet de l'Hérault et le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 novembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer la demande de M.A..., dans un délai limité à deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Ruffel la somme de 1 500 euros, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur et à Me Ruffel.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault et au procureur de la République près du tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Simon, présidente assesseure, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,
- MmeC..., première conseillère,
- Mme Lopa-Dufrénot, première conseillère.,
Lu en audience publique, le 9 avril 2019.
N° 18MA01544