Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2017, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 juillet 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 17 novembre 2015 du directeur du centre communal d'action sociale de Montpellier ;
3°) de condamner le centre communal d'action sociale de Montpellier à lui verser la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité et celle de 4 915 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration a fait un usage abusif au sens de la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 de la possibilité de la recruter par plusieurs contrats à durée déterminée successifs sur un emploi permanent ;
- elle doit être regardée comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée ;
- l'administration aurait dû mettre en oeuvre la procédure de licenciement pour faute dès lors que son travail ne donnait pas satisfaction ;
- la décision en litige est ainsi entachée d'un vice de procédure ;
- son éviction illégale doit donner lieu au versement d'une indemnité d'un montant de 15 000 euros et d'une somme de 4 915 euros au titre de l'indemnité de licenciement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2018, le centre communal d'action sociale de Montpellier, représenté par la SCP d'avocats Vinsonneau-Palies Noy Gauer et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête d'appel est irrecevable à défaut de comporter une critique du jugement attaqué ;
- les conclusions indemnitaires de la requérante, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables ;
- à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;
- l'arrêt n° C-586/10 de la Cour de justice des Communautés européennes du 26 janvier 2012 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
- la loi n° 2009-372 du 3 août 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant le centre communal d'action sociale de Montpellier.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été recrutée par contrat du 15 juin 2007 par le centre communal d'action sociale de Montpellier en qualité d'aide à domicile pour la période du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2007 sur un emploi vacant à 80 %. Son contrat a été renouvelé à plusieurs reprises pour remplacer des agents titulaires autorisés à exercer leurs fonctions à temps partiel généralement pour des périodes de plusieurs mois. Par la décision en litige du 17 novembre 2015, le directeur du centre l'a informée que son contrat ne serait pas renouvelé à son terme le 31 décembre 2015. Estimant que la conclusion de ces contrats successifs présentait un caractère abusif et qu'elle devait être regardée comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée, si bien que la décision de ne pas renouveler son dernier contrat constituait un licenciement prononcé dans des conditions illégales, elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 novembre 2015 du directeur du centre communal d'action sociale. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur la fin de non recevoir opposée par le centre communal d'action sociale en ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par Mme D... :
2. Les conclusions indemnitaires de la requérante, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables, ainsi que le fait valoir à bon droit le centre communal et doivent, par suite, être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. En premier lieu, l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale subordonne la conclusion et le renouvellement de contrats à durée déterminée à la nécessité de remplacer des fonctionnaires temporairement ou partiellement indisponibles.
4. Aux termes de l'article 1er de la directive 1999/70/CE du Conseil de l'Union Européenne du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée : " La présente directive vise à mettre en oeuvre l'accord cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ". Aux termes de l'article 2 de cette directive : " Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001 ou s'assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les États membres devant prendre toute disposition nécessaire leur permettant d'être à tout moment en mesure de garantir les résultats imposés par la présente directive. (...) ". En vertu des stipulations de la clause 5 de l'accord-cadre annexé à la directive, relative aux mesures visant à prévenir l'utilisation abusive des contrats à durée déterminée : " 1. Afin de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n'existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d'une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l'une ou plusieurs des mesures suivantes : a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ; b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ; c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail. 2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c'est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée : a) sont considérés comme "successifs" ; b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée ".
5. Ces dispositions, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, imposent aux Etats membres d'introduire de façon effective et contraignante dans leur ordre juridique interne, s'il ne le prévoit pas déjà, l'une au moins des mesures énoncées aux a) à c) du paragraphe 1 de la clause 5, afin d'éviter qu'un employeur ne recoure de façon abusive au renouvellement de contrats à durée déterminée. Lorsque l'Etat membre décide de prévenir les renouvellements abusifs en recourant uniquement aux raisons objectives prévues au a), ces raisons doivent tenir à des circonstances précises et concrètes de nature à justifier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs.
6. Il ressort également de l'interprétation de la directive retenue par la Cour de justice de l'Union européenne que le renouvellement de contrats à durée déterminée afin de pourvoir au remplacement temporaire d'agents indisponibles répond, en principe, à une raison objective au sens de la clause citée ci-dessus, y compris lorsque l'employeur est conduit à procéder à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, et alors même que les besoins en personnel de remplacement pourraient être couverts par le recrutement d'agents sous contrats à durée indéterminée. Toutefois, si l'existence d'une telle raison objective exclut en principe que le renouvellement des contrats à durée déterminée soit regardé comme abusif, c'est sous réserve qu'un examen global des circonstances dans lesquelles les contrats ont été renouvelés ne révèle pas, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées par l'agent, au type d'organisme qui l'emploie, ainsi qu'au nombre et à la durée cumulée des contrats en cause, un abus.
7. Les dispositions de l'article 3 de la loi du 26 janvier 1984 mentionnées au point 3 ci-dessus subordonnent la conclusion et le renouvellement de contrats à durée déterminée à la nécessité de remplacer des fonctionnaires temporairement ou partiellement indisponibles et elles se réfèrent ainsi à une " raison objective ", de la nature de celles auxquelles la directive renvoie. En outre, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'un renouvellement abusif de contrats à durée déterminée ouvre, ainsi que le soutient Mme D..., à l'agent concerné un droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit lors de l'interruption de la relation d'emploi, évalué en fonction des avantages financiers auxquels il aurait pu prétendre en cas de licenciement s'il avait été employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Il incombe au juge, pour apprécier si le recours, en application des dispositions mentionnées au point 3, à des contrats à durée déterminée successifs présente un caractère abusif, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment la nature des fonctions exercées, le type d'organisme employeur ainsi que le nombre et la durée cumulée des contrats en cause.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a exercé des fonctions d'aide à domicile au sein du centre communal d'action sociale de Montpellier entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2015. Ces fonctions ont été exercées en remplacement d'agents autorisés à travailler à temps partiel et ont donné lieu à 22 contrats et avenants successifs. Toutefois, si la requérante soutient que dans ces conditions, le centre communal d'action sociale a recouru abusivement à une succession de contrats à durée déterminée, elle n'a toutefois pas recherché devant les premiers juges la responsabilité de son employeur en vue de la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de son éviction du service et du recours abusif par le centre communal d'action sociale de Montpellier à des contrats à durée déterminée et elle n'a pas présenté devant le tribunal des conclusions indemnitaires, ainsi qu'il a été dit au point 2. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme inopérant, s'agissant d'un contentieux en excès de pouvoir dirigé contre un refus de renouvellement de contrat, le moyen tiré du recours abusif de son employeur à des contrats à durée déterminée.
9. En deuxième lieu, en se bornant à invoquer le caractère abusif du recours à des contrats à durée déterminée, la requérante ne conteste pas utilement la réponse apportée par les premiers juges pour écarter le moyen tiré de ce qu'elle devrait être regardée comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée et que la décision litigieuse serait entachée d'un vice de procédure à défaut d'avoir bénéficié de la procédure applicable au licenciement. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
10. En troisième lieu, la requérante ne soutient plus en appel que la décision en litige ne serait pas fondée sur l'intérêt du service.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par le centre communal d'action sociale de Montpellier à la requête d'appel de Mme D..., que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du centre communal d'action sociale de Montpellier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme sur le fondement de cet article. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... la somme que demande le centre communal d'action sociale de Montpellier au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Montpellier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...et au centre communal d'action sociale de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.
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N° 17MA03787