Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2017, Mme B...-D..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 mai 2017;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une carte de séjour temporaire lui permettant de travailler, sous peine d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous peine d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- le préfet a méconnu la règle de l'examen particulier des circonstances en ne procédant pas à l'examen réel et complet de sa situation personnelle au regard de la résidence habituelle et régulière de ses parents et de son frère ainsi que de son absence de lien depuis 2012 avec son pays d'origine ;
- la décision attaquée a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 6 alinéa 1-5 de l'accord franco-algérien et des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu son pouvoir de régularisation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa demande sur le fondement des lignes directrices définies dans la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est fondée sur une décision de refus de séjour elle-même illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- le tribunal n'a pas examiné le moyen précité ;
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
- le préfet s'est fondé sur une disposition législative non conforme à la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 en ce qu'elle ne prévoit pas les circonstances exceptionnelles justifiant la prolongation d'un délai de départ volontaire, tirées de la durée du séjour et des liens familiaux et sociaux ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai supérieur à trente jours ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'estimant à tort être en situation de compétence liée pour fixer le délai de départ volontaire à trente jours pour quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Mme B...D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lopa Dufrénot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...-D..., ressortissante algérienne, née le 21 avril 1987 à Boukadir, a sollicité le 17 juin 2016 son admission au séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale. Par arrêté du 8 juillet 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par le jugement dont Mme B...-D... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient Mme B...-D..., le tribunal, au point 9 du jugement attaqué, a répondu, par une motivation suffisante, au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui aurait été commise par le préfet en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, contrairement à ce qu'affirme Mme B...D..., en faisant état, dans l'arrêté contesté, de son état civil, de la date indiquée de son entrée en France à l'âge de 25 ans et de l'absence d'enfant déclaré, le préfet a mentionné, outre les considérations de droit, les éléments de fait sur lesquels il s'est fondé et desquels il ressort qu'il a procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle quand bien même n'auraient pas été rappelées la présence en France de certains membres de sa famille et leur situation administrative régulière. Le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.
2. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Si Mme B...D...déclare être entrée en France le 1er juin 2012 sous couvert d'un visa afin de rejoindre sa famille installée en France à la suite de la prise en charge médicale de son frère atteint d'un volumineux craniopharyngiome récidivant avec cécité et s'y être maintenue, il ressort des pièces du dossier qu'avant la date alléguée de son entrée en France, à l'âge de 25 ans, la requérante avait, après l'obtention de son baccalauréat en juin 2009, poursuivi ses études universitaires jusqu'en licence à l'université Hassiba Ben Bouali de Chlef, en 2012. Par ailleurs, si son jeune frère mineur G...B...D...est entré en France dans le courant de l'année 2010 pour les raisons de santé précitées, puis, sa mère en 2011, et enfin son père en 2014, elle n'établit pas, alors qu'elle est célibataire et sans charge de famille, être dépourvue de liens personnels et d'attaches familiales avec son pays d'origine où elle s'est insérée notamment, en suivant un cursus universitaire. Dans ces conditions, alors même que deux de ses frères seraient présents en France, au demeurant, en situation irrégulière et qu'elle aurait des perspectives sérieuses de reprendre des études en France, le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
4. En dernier lieu, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour que celles prévues par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, Mme B...D...ne peut utilement soutenir qu'elle peut se prévaloir de la délivrance d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à l'admission exceptionnelle au séjour, ni en tout état de cause, de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 qui ne comporte pas de lignes directrices, mais seulement des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation, que le préfet détient pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une telle mesure de régularisation. La requérante ne fait pas état de circonstances de nature à justifier qu'il soit procédé à une régularisation de sa situation à titre exceptionnel. Par suite, les moyens tirés de la violation des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 doivent être écartés.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.
6. En deuxième lieu, en l'absence d'argumentation spécifique invoquée à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux retenus lors de l'examen du refus de titre de séjour.
7. En dernier lieu, il ne résulte d'aucune circonstance invoquée par Mme B...D..., tenant à sa situation familiale qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, l'autorité administrative aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
8. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE, relatif au " départ volontaire " : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (....). ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...). ". Les dispositions du II de cet article permettent au préfet d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions du II, qui mentionnent expressément comme exception la situation personnelle de l'intéressé, ce qui inclut nécessairement l'examen de la durée du séjour et des liens familiaux et sociaux en France noués par l'étranger, ne sont pas incompatibles avec les dispositions de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 qui prévoient que les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas.
9. En deuxième lieu, le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse, prévoit que pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification, et que : " Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...). ". Dès lors que le préfet a accordé à Mme B...D...un délai de départ volontaire de trente jours, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision est inopérant et doit être écarté.
10. En troisième lieu, contrairement à ce qu'allègue Mme B...D..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait méconnu sa compétence en fixant, par l'arrêté en cause, à trente jours le délai de départ volontaire accordé.
11. En dernier lieu, si Mme B...D...soutient qu'en raison de sa résidence habituelle en France depuis 2012 et de certains membres de sa famille, il appartenait au préfet de fixer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, ces éléments ne suffisent pas à considérer que le préfet des Bouches-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant le délai de départ volontaire à trente jours.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...D...est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B...-D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...C....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- MmeE..., première conseillère,
- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 novembre 2018.
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N° 17MA04320