Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 février 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 janvier 2016 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler la décision du 10 juillet 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de faire droit à sa demande de regroupement familial et d'admettre au séjour sa femme et leurs deux enfants, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros.
Il soutient que :
- alors qu'il justifie disposer de revenus suffisants à l'entretien de son foyer en France et avoir continûment travaillé comme salarié et comme auto-entrepreneur, la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- aucun texte n'impose de délai pour déposer une demande de regroupement familial et le couple formé avec son épouse s'est reformé ;
- les liens n'ont jamais été rompus avec sa famille restée aux Philippines à laquelle il a régulièrement adressé de l'argent ;
- le refus en litige méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Busidan a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B..., ressortissant philippin, relève appel du jugement du 4 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 juillet 2014 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de regroupement familial qu'il avait formée le 11 juin 2012 au bénéfice de son épouse et de leurs deux enfants mineurs ;
2. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois (...) peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint (...) et par les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " ; qu'aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : (...) cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes (...) " ; que selon l'article R. 421-4 de ce code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ; (...) " ;
3. Considérant que, sur la période de douze mois précédant la demande présentée par M. B..., qui, selon les dispositions précitées de l'article R. 421-4, constitue la période de référence pour apprécier le caractère suffisant des ressources dont dispose l'étranger sollicitant le bénéfice du regroupement familial, l'appelant verse au dossier ses avis d'imposition sur les revenus des années 2011 et 2012 ; que ces avis indiquent, pour l'année 2011, un revenu global de 16 489 euros, constitué de 4 189 euros de revenus salariés et assimilés et de 12 300 euros nets de revenus industriels et commerciaux tirés d'une activité d'auto-entrepreneur, et, pour l'année 2012, un revenu global de 7 920 euros constitués de bénéfices non commerciaux ; que ces données permettent d'estimer à 12 205 euros les ressources de M. B... pendant les douze mois ayant précédé sa demande ; qu'elles sont inférieures à ce qu'auraient procuré, pendant la même période, des revenus correspondant à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance alors en vigueur, majorée d'un dixième ; que, par suite, le préfet des Alpes-Maritimes était fondé, pour le seul motif tiré de l'insuffisance des ressources de M. B..., à rejeter la demande de regroupement familial présentée par l'intéressé ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;
5. Considérant que, si le préfet est en droit de rejeter une demande de regroupement familial au motif que l'intéressé ne remplirait pas l'une ou l'autre des conditions légales requises, notamment dans le cas de ressources insuffisantes du demandeur pendant la période de référence d'un an ayant précédé sa demande, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter dans ce cas la demande s'il est porté une atteinte excessive au droit de l'intéressé de mener une vie familiale normale ou à l'intérêt supérieur de l'enfant tels que protégés par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
6. Considérant que M. B... s'est marié aux Philippines, le 27 avril 1996, à Mme D..., avec laquelle il a eu deux enfants, nés également aux Philippines, le 4 novembre 1996 et le 5 février 1999 ; qu'entré en France selon ses déclarations en 1998, il a été en concubinage avec une personne avec laquelle, selon les documents qu'il verse lui-même au dossier, il a eu deux filles nées le 5 novembre 2000 et le 2 septembre 2002 ; qu'il est, d'ailleurs, constant que son premier titre de séjour lui a été délivré en 2002 en qualité de père d'un enfant français ; que certes M. B... affirme que ce concubinage a cessé en 2007 et les pièces du dossier attestent que des liens, au moins financiers, existent avec sa famille restée aux Philippines ; que, cependant, compte tenu notamment de la longue période durant laquelle M. B... a vécu séparé de sa femme et de ses enfants philippins, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'en prenant l'arrêté en litige, le préfet des Alpes-Maritimes aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Busidan, première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.
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N° 16MA00435