Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mars 2014, des pièces complémentaires, enregistrées le 25 juillet 2014 et le 23 mars 2015 et des mémoires complémentaires, enregistrés les 15 septembre et 20 novembre 2015, Mme D...B..., représentée par la Selarl Abeille et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2011, par lequel le maire de la commune d'Embrun l'a licenciée pour insuffisance professionnelle ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Embrun de la réintégrer en qualité d'adjoint administratif de 1ère classe, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de procéder à sa reconstitution de carrière et de lui verser les traitements impayés depuis le mois de novembre 2011 ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Embrun une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la motivation du jugement relative à l'appréciation de ses difficultés relationnelles est insuffisante ;
- le tribunal administratif n'a pas pris en compte les éléments qu'elle avait produits ;
- la procédure suivie pour fixer la composition du conseil de discipline ayant émis un avis sur son licenciement est irrégulière, dès lors que le président du conseil de discipline n'a pas été présent physiquement lors du tirage au sort des représentants des collectivités territoriales devant siéger à ce conseil ;
- la constitution de son dossier individuel, tel qu'il a été communiqué au conseil de discipline, et tel qu'il lui a été communiqué, est irrégulière car elle comprend des pièces qui n'ont pas à y figurer et qu'elle est, en outre, incomplète ;
- son licenciement est fondé sur des faits matériellement inexacts ;
- elle a fait l'objet d'agissements constitutifs de harcèlement ;
- la commune d'Embrun a inexactement apprécié son aptitude professionnelle ;
- la décision de licenciement est entachée de détournement de pouvoir dès lors que les faits qui lui sont reprochés résultent d'une discrimination en raison de ses activités syndicales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2015, et un mémoire complémentaire, enregistré le 9 novembre 2015, la commune d'Embrun, représentée par la SELARL CDMF-avocats affaires publiques, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme B... du versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Un courrier du 26 octobre 2015, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience du 5 février 2015 a fixé la clôture de l'instruction à la date de son émission, en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53, du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux ;
- le décret n° 95-1018 du 14 septembre 1995 fixant la répartition des fonctionnaires territoriaux en groupes hiérarchiques en application de l'article 90 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport M. Argoud,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A... pour Mme B... et celles de Me F... pour la commune d'Embrun.
1. Considérant que Mme B... relève appel du jugement du 23 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 octobre 2011 par laquelle le maire de la commune d'Embrun l'a licenciée pour insuffisance professionnelle ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, que le tribunal a indiqué au point 10 du jugement attaqué que son appréciation de l'insuffisance professionnelle de Mme B... est notamment fondée sur la circonstance que celle-ci a fait l'objet de cinq affectations dans cinq services différents de la commune d'Embrun et qu'elle a connu dans chacun de ces services des difficultés relationnelles, tant avec ses collègues de travail, qu'avec ses supérieurs hiérarchiques ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé sur ce point ;
3. Considérant, d'autre part, que si Mme B... soutient que le tribunal administratif n'a pas pris en compte les éléments qu'elle a produits, il ressort de l'examen du jugement, qui vise notamment les pièces du dossier et les écritures produites par la requérante, que le tribunal administratif s'est fondé sur l'ensemble des éléments figurant dans le dossier ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 93 de la loi susvisée n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " (...) Le conseil de discipline comprend en nombre égal des représentants du personnel et des représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. (...) Les représentants des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics sont désignés par le président du conseil de discipline par tirage au sort, en présence d'un représentant du personnel et d'un représentant de l'autorité territoriale (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation de Mme Taylor, présidente du syndicat professionnel des personnels des collectivités territoriales affiliées au centre de gestion de la fonction publique territoriale des Hautes-Alpes, que le tirage au sort a été effectué dans un local où étaient présents le président du centre de gestion, le représentant syndical et deux agents administratifs, en liaison téléphonique avec le magistrat administratif, président du conseil de discipline ; que la circonstance que le président du conseil de discipline n'ait pas été présent physiquement lors de ce tirage au sort n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure suivie devant le conseil de discipline ; qu'en tout état de cause, alors qu'il n'est ni établi, ni même soutenu, que les conditions dans lesquelles le tirage au sort a été ainsi effectué en auraient altéré la sincérité, une telle circonstance a été sans influence sur le sens de la décision et n'a pas, en outre, en l'espèce, privé l'intéressée de la garantie apportée par le choix par tirage au sort des représentants des collectivités territoriales au conseil de discipline ;
6. Considérant, en second lieu, que Mme B... soutient que la composition de son dossier individuel aurait été irrégulière ;
7. Considérant, d'une part, que la requérante fait valoir que son dossier comportait à la fois l'arrêté, ayant prononcé un avertissement à son encontre le 24 septembre 2008, et l'arrêté du 26 février 2009, retirant le précédent arrêté et lui infligeant un nouvel avertissement ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la contestation sérieuse de cette allégation par la commune, laquelle se prévaut, en particulier, d'une lettre, adressée par l'intéressée au maire d'Embrun le 12 octobre 2010, relative à la consultation de son dossier professionnel, et lui faisant grief de ne pas comporter les documents relatifs à la sanction prononcée à son encontre, que cette allégation est sans fondement ;
8. Considérant, d'autre part, que Mme B... fait valoir que plusieurs documents étaient manquants dans son dossier individuel en se référant aux observations qu'elle a formulées sur le procès-verbal de consultation de son dossier individuel, le 13 septembre 2011, et sur lequel elle a porté la mention suivante " pièce n° 40 certificat administratif du 17/9/2002 portant supplément familial versé à tort et non arrêté n° 2002.181 nomination régisseur école de musique ; courrier non numéroté (arrêté 2009.309) ; documents numérotés à 3 reprises (arrêté 2008.449 du 21/10/2008) ; il manque plusieurs arrêtés municipaux concernant la situation administrative ; documents rajoutés ; courrier n° 081 du 2 février 2009 avec AR n° 1A0206399039, pièce annexée au dossier professionnel n° 152. Voir procès-verbal consultation du 5 février 2010 ; remise copier courriers : attestation Mme G... le 4 mars 2010 (198), courrier n° 0765 du 24/10/2010 (226 bis), certificat administratif du 17/9/2002 (40) courrier n° 081 du 2/2/2009 (152), constat état des lieux police du 26/2/2010) ; remise copie arrêté n° 2000.201 du 30/11/2000 (29), arrêté n° 99.204 du 09/11/1999 (18), arrêté n° 2008.449 du 21/10/2008 (135) Procès-verbal daté du 05/02/2010 (182) ; Au total remise de 9 pièces du dossier professionnel. Je soussigné Hadja B...conteste le courrier n° 081, daté du 12 février 2009 annexé au rapport disciplinaire daté du 20 juillet 2011 et déclare qu'il s'agit d'un faux. Je déclare également que mon dossier est incomplet et a été totalement renuméroté. " ;
9. Considérant, en ce qui concerne les documents dont Mme B... invoque l'absence, que l'intéressée n'établit pas que les documents en cause auraient dû légalement être versés dans son dossier individuel, et n'établit pas davantage que l'absence, à la supposer avérée, de ces documents aurait été susceptible d'avoir une quelconque incidence sur la possibilité, pour elle, de préparer sa défense, ou sur l'appréciation portée, tant par l'administration que par le conseil de discipline, sur son aptitude professionnelle ;
10. Considérant, en outre, qu'il ressort des pièces du dossier que la mention, selon laquelle la requérante conteste " le courrier n° 081, daté du 12 février 2009 annexé au rapport disciplinaire daté du 20 juillet 2011 et déclare qu'il s'agit d'un faux ", est relative à la pièce numérotée 43, annexée au rapport disciplinaire et que cette pièce concerne un courrier du 12 février 2009, comportant une référence AD/JPB/DF/2009/ n° 081 ainsi que la référence d'un numéro de lettre recommandée avec avis de réception, adressé par le conseiller municipal délégué au service du personnel à Mme B... accusant réception de la lettre de contestation par l'intéressée de sa notation pour l'année 2008 et lui apportant des réponses à cette contestation ; que la seule déclaration, formulée par l'intéressée sur le procès-verbal de consultation de son dossier individuel, et qui n'a, au demeurant, pas été expressément reprise ou développée dans la procédure contentieuse, n'est pas assortie de précision suffisante de nature à permettre d'apprécier le bien fondé du moyen invoqué par la requérante et tiré de la composition irrégulière de son dossier individuel ;
En ce qui concerne la légalité interne :
11. Considérant, en premier lieu, que la requérante n'apporte pas, à l'appui de l'allégation selon laquelle l'appréciation de son insuffisance professionnelle serait fondée sur des faits matériellement inexacts, d'éléments de nature à contredire sérieusement la réalité des éléments de faits invoqués par la commune pour fonder cette appréciation ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi susvisée n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral (...) " ;
13. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
14. Considérant qu'il ressort notamment des pièces du dossier que la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a classé, le 11 septembre 2009, la demande dont la requérante l'avait saisie ; que les trois plaintes déposées par la requérante pour discrimination à l'encontre du directeur général des services et de l'adjoint aux finances, pour une agression dont elle aurait été victime de la part d'une collègue de travail et concernant l'établissement d'une pétition à son encontre, ont été classées sans suite ; que, dans ces conditions, l'intéressée n'apporte pas d'éléments de nature à faire présumer l'existence du harcèlement dont elle soutient avoir été victime ;
15. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a entretenu des conflits avec ses supérieurs hiérarchiques et avec d'autre agents dans tous les services dans lesquels elle a été successivement affectée ; qu'ainsi, dans le service enseignement et jeunesse dans lequel elle a exercé ses fonctions du 1er décembre 2000 au 1er décembre 2003, deux témoignages établis par un agent et la responsable du service attestent de l'agressivité et des provocations de la requérante à leur encontre ; que, durant les services qu'elle a effectués dans le service finances du 1er décembre 2003 au mois de décembre 2007, il ressort des pièces du dossier qu'elle a entretenu des relations conflictuelles tant avec la chef de service, laquelle a établi une attestation témoignant de l'agressivité, de la violence verbale et du comportement de la requérante ainsi que de sa contestation récurrente des décisions de la hiérarchie, qu'avec les trois autres agents dont deux, Mme H... et Mme J..., ont témoigné des mêmes faits ; que, dans le service économie dans lequel Mme B... a exercé ses fonctions de janvier 2008 à juillet 2009, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a contesté de façon systématique les ordres hiérarchiques et a adopté un comportement agressif à l'encontre des autres agents et de sa hiérarchie ainsi qu'en témoignent un courrier du conseiller municipal délégué au personnel du 30 avril 2008 adressé à Mme B..., une attestation d'un policier municipal du 4 mars 2009 indiquant que Mme B... a refusé de prendre un pli qu'il avait reçu mission de lui porter et un rapport établi en juin 2008 par Mme C..., responsable du personnel ; que, pendant la période, allant de juillet 2009 au 1er mars 2010, durant laquelle Mme B... a travaillé dans le service de la bibliothèque municipale, l'intéressée a contesté de façon systématique les consignes reçues et entretenu des relations agressives avec les autres agents ainsi que l'attestent un courrier de l'adjoint délégué au personnel adressé à l'intéressée le 8 juillet 2009, des courriers de deux agents de la bibliothèque, Mme E... et Mme I..., et un courrier du syndicat autonome de la fonction publique territoriale faisant part de la détresse de Mme I... en raison de l'agressivité à son égard de Mme B... ; qu'enfin, affectée à compter du 1er mars 2010 à la direction générale des services, Mme B... a très rapidement formulé des contestations, s'étant par ailleurs révélées infondées, relatives à son emploi du temps, sa fiche de poste et la procédure relative aux congés et au compte-épargne temps ; que si la requérante produit le témoignage du maire d'Embrun, en fonctions entre 1992 et 2001, et celui de onze agents de la collectivité indiquant avoir individuellement entretenu d'excellentes relations avec elle, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à remettre en cause la réalité des mauvaises relations qu'elle entretenait d'une façon générale avec ses supérieurs hiérarchiques et les autres agents des services dans lesquels elle a été successivement affectée ; qu'ainsi, le comportement général de la requérante dans ses relations avec les autres agents et avec ses supérieurs hiérarchiques n'étant pas satisfaisant, le motif d'insuffisance professionnelle retenu par le maire d'Embrun pour prendre la décision litigieuse n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation ;
16. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient l'intéressée, la décision en litige ne trouve pas son origine dans une volonté de discrimination de la commune envers la requérante en raison de son activité syndicale, mais a été prise dans l'intérêt du service, au sein duquel, ainsi qu'il vient d'être dit, la requérante s'est révélée incapable de travailler en raison de son insuffisance professionnelle ; que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit donc être écarté ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise sur leur fondement à la charge de commune d'Embrun, qui n'est ni la partie perdante ni la partie tenue aux dépens à la présente instance, au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre, sur le fondement de ces dispositions, à la charge de la requérante une somme quelconque au titre des frais exposés par la commune d'Embrun et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Embrun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...et à la commune d'Embrun.
Délibéré après l'audience du 26 février 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- M. Argoud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 mars 2016.
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N° 14MA01210