Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2017, la SCI La Picholine, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 mai 2017 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions des articles R. 111-21 du code de l'urbanisme et IINB11 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune n'ont pas été méconnues ;
- son projet ne porte pas atteinte aux lieux avoisinants, aux sites et paysages ;
- les dispositions des articles R. 111-2 du code l'urbanisme et IINB3 du règlement du POS n'ont pas davantage été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2018, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCI La Picholine ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Slimani,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 septembre 2014, la SCI la Picholine a déposé une demande de permis de construire pour la régularisation d'une construction à usage d'habitation avec une piscine et un abri de piscine sur un terrain situé chemin de Gaumaud, lieu-dit Les Devens, et classé en zone IINB du plan d'occupation des sols de la commune de Gordes. Par un arrêté du 17 février 2015, le maire de Gordes a accordé le permis de construire demandé par la SCI La Picholine. Cette dernière relève appel du jugement rendu le 9 mai 2017 par le tribunal administratif de Nîmes qui, à la demande du préfet de Vaucluse, a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Le tribunal a annulé l'arrêté du 17 février 2015 attaqué au motif, d'une part, de la méconnaissance des dispositions combinées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et de l'article IIBN11 du règlement du POS et, d'autre part, de la méconnaissance des dispositions combinées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article IINB3 du règlement du POS.
3. En premier lieu, l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme prévoit que le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. Aux termes de l'article IINB11 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Gordes : " Les constructions doivent présenter une simplicité de volume, une unité d'aspect et de matériaux compatibles avec la bonne économie de la construction, la tenue générale de l'agglomération et l'harmonie du paysage et des perspectives. / Les constructions seront obligatoirement en pierres apparentes. Toutefois, seront tolérées les réfections des enduits anciens existants. / Sont notamment interdits, tout pastiche d'une architecture anachronique ou étrangère à la région, et tout élément architectural dévié de sa fonction initiale (tours, pigeonnier...) / les surfaces pleines devront dominer très nettement ; les façades auront un caractère plus fermé vers de Nord ". Ces dispositions du POS ont le même objet que celles, également invoquées, de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. En conséquence, c'est par rapport aux dispositions du plan d'occupation des sols que doit être appréciée la légalité de l'arrêté attaqué.
4. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige, dont le volume sur deux niveaux de construction est très important avec 375,5 mètres carrés de surface de plancher à créer, se situe dans la partie naturelle peu construite du site inscrit du " Plan de Gordes " créé par arrêté ministériel du 27 juillet 1976. Si la construction en cause est constituée de pierres sèches, il ressort des pièces du dossier que ses dimensions font masse avec notamment l'édification de quatre grands piliers sur sa façade Sud et que ses imposantes ouvertures dominent très nettement côté sud alors que, selon les dispositions du POS, les surfaces pleines doivent dominer nettement. La circonstance que ce projet a fait l'objet d'un reportage écrit dans un magazine de décoration et que d'autres constructions avoisinantes présentant les mêmes caractéristiques auraient été autorisées, à la supposer avérée, n'a aucune influence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Ainsi, en délivrant le permis contesté, le maire a commis une erreur d'appréciation dans l'application de l'article IINB11 du règlement du POS.
5. En second lieu, l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Aux termes de l'article IINB3 du règlement du POS : " (...) / Les caractéristiques des accès doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de desserte : défense contre l'incendie, protection civile, brancardage, etc ; (...) ". Il appartient à l'autorité administrative compétente et au juge, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
6. Il ressort de pièces du dossier, notamment des études menées dans le cadre de l'élaboration du projet du plan de prévention des risques feux incendies du Massif des Monts de Vaucluse Ouest, lequel a été approuvé le 3 décembre 2015 et notifié à la commune le 22 décembre suivant soit postérieurement au permis de construire en litige, que la parcelle d'assiette est située en zone d'aléa fort au titre des feux de forêts. Il ressort également des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet est située en zone d'aléa fort du plan d'intérêt général " protection contre les feux de forêt ", lequel a été notifié à la commune le 23 janvier 2004. Il ressort des clichés photographies versées à l'instance que le chemin de Gaumaud, qui constitue le chemin de desserte du projet contesté, a une largeur comprise entre 2,40 mètres et moins de 5 mètres lequel chemin, en raison de son étroitesse, ne satisfait pas aux règles minimales de desserte notamment en ce qui concerne la défense contre l'incendie. La circonstance qu'une réserve d'eau de 120 mètres cubes ait été mise en place par la société appelante et qu'un poteau incendie, situé à 250 mètres du projet près de la route départementale, ait été mis en fonction par la commune de Gordes, laquelle s'est fixée comme objectif, après la délivrance du permis de construire en litige, d'élargir le chemin en cause, n'est pas de nature à établir l'absence de risque et d'atteinte à la sécurité publique. Ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, ce chemin ne présente pas les caractéristiques suffisantes permettant une desserte adaptée pour les engins de lutte contre les incendies. Dans ces conditions, le permis de construire litigieux méconnaît les dispositions de l'article IINB3 du règlement du plan d'occupation des sols de Gordes imposant des règles minimales de desserte dans la défense contre l'incendie et la protection civile.
7. Il résulte de ce qui précède que la SCI La Picholine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le permis de construire accordé le 17 février 2015 par le maire de la commune de Gordes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI La Picholine est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Picholine et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme B..., première conseillère,
- M. Slimani, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 juin 2019.
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N° 17MA02222