Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2016, Mme D..., représentée par la SCP d'avocats B...-Clabeaut, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Guiraud de procéder au réexamen de la déclaration préalable de travaux qu'elle a présentée dans un délai raisonnable ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Guiraud la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en considérant que la clôture projetée n'était pas temporaire, le tribunal administratif a commis une erreur de droit et une erreur de fait ;
- il appartenait au tribunal de juger, comme il y entrait dans son office, que la clôture envisagée présente le caractère précaire d'un ouvrage insusceptible de porter atteinte à l'objet de l'emplacement réservé ;
- les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'une erreur en faisant une inexacte application de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme et la commune ne pouvait légalement créer un emplacement réservé en vue de régulariser la réalisation de travaux déjà existants ;
- la commune, ayant ouvert une voie de circulation sur sa propriété en l'absence de transfert de propriété, a commis un détournement de pouvoir, le motif étant étranger à l'intérêt général.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2017, la commune de Saint-Guiraud, représentée par la SCP d'avocats Margall-d'Albenas conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lopa Dufrénot,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant Mme D... et de Me C..., représentant la commune de Saint-Guiraud.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 29 septembre 2014, le maire de la commune de Saint-Guiraud s'est opposé à la déclaration préalable déposée par Mme D... afin de clore les parcelles lui appartenant, cadastrées section A n° 429, 430 et 566 situées au lieu-dit Campassous sur le territoire de cette collectivité. Le plan local d'urbanisme en vigueur institue, sur ces parcelles, un emplacement réservé n° 11 destiné à " régulariser des mutations dans le tracé des voies ". Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté les demandes de l'intéressée tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au maire de réexaminer la déclaration préalable, dans un délai raisonnable.
2. L'article L. 123-1-5, dans son 8°, du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, énonce que le règlement du plan local fixe les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général ainsi qu'aux espaces verts. L'article L. 433-1, ouvrant le chapitre III des dispositions propres aux permis délivrés à titre précaire, inclus dans le titre III " dispositions propres aux constructions " faisant partie du livre quatrième sur le régime applicable aux constructions, aménagements et démolitions du code de l'urbanisme, dispose : " Une construction n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l'article L. 421-6 peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire dans les conditions fixées par le présent chapitre.//Dans ce cas, le permis de construire est soumis à l'ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 433-3 du même code : " Le bénéficiaire du permis de construire ou son ayant droit doit enlever sans indemnité la construction et remettre, à ses frais, le terrain en l'état : a) A la date fixée par le permis ; b) Ou, lorsque la construction est située sur un emplacement réservé ou dans le périmètre d'une déclaration d'utilité publique, à la première demande du bénéficiaire de la réserve ou de l'expropriant. ". Il résulte des dispositions de l'article L. 433-1 et de l'article L. 433-3 du code de l'urbanisme que, hors le cas des constructions conformes à la destination de l'emplacement réservé, seules les constructions présentant un caractère précaire peuvent être légalement autorisées sur un tel emplacement par un permis de construire ou s'agissant d'une construction n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l'article L. 421-6, par une décision portant non-opposition à déclaration préalable.
3. Il ressort des pièces du dossier que la clôture envisagée en limite de propriété, est formée d'un grillage souple aux mailles larges, d'un mètre vingt de hauteur, fixé à des piquets de fer et doublé d'une " haie végétale d'essences locales ". Pour s'opposer à la déclaration préalable, le maire a considéré que l'ouvrage ainsi prévu constituait une construction non précaire de nature à compromettre l'aménagement d'une voie existante, objet de l'emplacement réservé inscrit au plan local d'urbanisme. Toutefois, eu égard à la nature des matériaux et à sa composition, l'ouvrage en cause n'est pas au nombre des constructions susceptibles d'entrer dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 433-1 du code de l'urbanisme. L'institution d'une servitude résultant d'un emplacement réservé grevant les parcelles à enclore ne peut, par elle-même, justifier légalement une opposition à l'édification d'une clôture. Dès lors, le maire de la commune de Saint-Guiraud ne pouvait se fonder sur le motif tiré du caractère non précaire de la construction compromettant l'aménagement de la voie existante dans l'attente de son incorporation dans le domaine public pour s'opposer à la déclaration de travaux déposée par Mme D... et a, dès lors, entaché d'illégalité l'arrêté du 29 septembre 2014.
4. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens de la requête n'est susceptible de fonder l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2014.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement et l'arrêté du 29 septembre 2014.
6. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution.
7. L'annulation de la décision contestée du maire de la commune de Saint-Guiraud implique seulement que, comme le demande la requérante, la commune procède à une nouvelle instruction de la déclaration préalable présentée par Mme D.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Guiraud de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la commune de Saint-Guiraud au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 octobre 2016 et l'arrêté du maire de la commune de Saint-Guiraud du 29 septembre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Saint-Guiraud de procéder à une nouvelle instruction de la déclaration préalable déposée par Mme D... dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : La commune de Saint-Guiraud versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Saint-Guiraud présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et à la commune de Saint-Guiraud.
Copie sera adressée au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Lopa Dufrénot, première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 avril 2018.
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N° 16MA04617