Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2014, M.C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 février 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 octobre 2013, portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée vie familiale" dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente de la remise effective de ce titre, de lui délivrer un récépissé lui ouvrant droit au travail dans un délai de huit jours suivant la notification de cet arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Gard de réexaminer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à Me B... en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son avocat de renoncer à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle, ou, en cas de refus du bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre cette somme à la charge de l'Etat à verser au requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet était tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour ;
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des liens familiaux et professionnels qu'il a noués en France ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circulaire du 28 novembre 2012, et l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté attaqué méconnaît le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect des biens et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a saisi en effet le Conseil des Prud'hommes de Nîmes pour un conflit qui l'oppose à son employeur ; l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet le prive de la possibilité de voir sa cause jugée.
Par un mémoire, enregistré le 16 novembre 2015, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête n'est pas fondée.
Une ordonnance du 16 novembre 2015 a fixé la clôture de l'instruction au 18 décembre 2015, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille en date du 21 mai 2014 a admis M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par arrêté du 16 octobre 2013, le préfet du Gard a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M.C..., ressortissant marocain, au titre de l'admission exceptionnelle par le travail et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, par un jugement du 20 février 2014, dont M. C...relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige comporte l'indication des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles le préfet du Gard a entendu fonder son arrêté ; qu'il précise que M. C...ne produit pas de contrat de travail visé par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, et que l'intéressé n'atteste pas être isolé dans son pays d'origine où il vécu au moins jusqu'à l'âge de 28 ans ; qu'il comporte donc l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;
4. Considérant que M. C...est célibataire ; que la circonstance qu'il a travaillé en France six mois en 2010, trois mois en 2011 et depuis janvier 2012, et que plusieurs de ses frères et soeurs sont de nationalité française ou résident régulièrement sur le territoire français, n'est pas à elle seule de nature à établir qu'il a établi en France le centre de ses intérêts privés et familiaux ; qu'il a vécu, pour le moins, jusqu'à l'âge de 26 ans au Maroc, de sorte qu'il ne peut être regardé comme dépourvu d'attaches familiales dans ce pays ; que, dès lors, les décisions par lesquelles le préfet du Gard lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ne portent pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels elles ont été prises et n'ont méconnu ni les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; que, selon le premier alinéa de l'article R. 312-2 du même code : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-8, quatrième alinéa, L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre dont la délivrance est de plein droit, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des dispositions auxquelles l'article L. 312-2 précité renvoie ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit aux points 3 et 4, M. C...ne remplit pas les conditions requises pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû consulter la commission du titre de séjour ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord(...) " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''(...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
7. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;
8. Considérant, d'une part, qu'il résulte du point qui précède que M. C... ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant, d'autre part, que si un étranger peut, à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision préfectorale refusant de régulariser sa situation par la délivrance d'un titre de séjour, soutenir que, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, la décision du préfet serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu, dans le cadre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, adresser aux préfets, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation de chaque cas particulier, pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation ; que dès lors, M. C... ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 et notamment de celles relatives à l'examen des demandes d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;
10. Considérant, en outre, qu'eu égard aux conditions de séjour en France de M.C..., telles que décrites au point 4, le préfet du Gard n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé d'une décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant en cinquième lieu, que M. C...fait valoir qu'il est convoqué pour une audience devant le bureau de conciliation du conseil des Prud'hommes de Nîmes le 28 mars 2014 ; que, toutefois, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît, en tout état de cause, ni le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 6 de ladite convention, relatif au droit pour toute personne à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, dès lors que l'intéressé peut solliciter un visa pour se rendre à cette audience ;
12. Considérant que M. C...n'établissant pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision au soutien de sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens et versée à Me B... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Giocanti, conseiller.
Lu en audience publique, le 26 février 2016.
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N° 14MA01245