Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2014, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 1er août 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2014 par lequel le préfet du Gard l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays vers lequel elle pourra être reconduite ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que son conseil renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle remplit les critères, fixés par la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 fixant les lignes directrices opposables à l'administration, justifiant la délivrance d'un titre de séjour en raison des circonstances exceptionnelles ou des considérations humanitaires attachées à sa situation ;
- l'arrêté en litige porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ainsi que cela a été développé devant le tribunal administratif ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée, car elle n'expose pas les raisons pour lesquelles elle ne cite ni la circulaire du 28 novembre 2012 ni ses lignes directrices ;
- le préfet du Gard a méconnu l'étendue de sa compétence en n'examinant pas la possibilité qui lui appartenait de régulariser sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle porte gravement atteinte à sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- son époux étant physiquement menacé dans son pays d'origine, la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le risque qu'elle se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement n'étant pas établi, l'absence de délai méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2015, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Un courrier du 10 juillet 2015, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Une ordonnance du 8 septembre 2015 a fixé la clôture de l'instruction à la date de son émission, en application des dispositions des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 2 décembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Argoud a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C..., de nationalité arménienne, relève appel du jugement, du 1er août 2014, par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juillet 2014 par lequel le préfet du Gard l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays vers lequel elle pourra être reconduite ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour :
2. Considérant, qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /-restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; " ; qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III.(...) " ;
3. Considérant que, d'une part, il ne résulte d'aucune disposition normative applicable que la décision de refus de séjour devrait comporter une référence à la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 ou à ses lignes directrices ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige mentionne les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique les circonstances précises applicables à la situation personnelle de la requérante, et notamment celles relatives aux deux refus de séjour qui lui avaient été déjà opposés le 3 novembre 2010 et le 4 février 2013, aux décisions d'obligation de quitter le territoire français prises aux mêmes dates à l'encontre de l'intéressée, auxquelles elle s'est soustraite, et les circonstances relatives au non-respect de son assignation à résidence par le préfet du Gard en juin et juillet 2013 ; que l'arrêté en litige comporte donc les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le refus de séjour :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;
5. Considérant que, d'une part, la requérante ne peut utilement se prévaloir des orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012, dépourvue de caractère réglementaire, que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation des ressortissants étrangers en situation irrégulière ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que si la requérante réside habituellement en France depuis le 17 mars 2009, soit depuis cinq ans à la date de la décision attaquée, et qu'elle fait valoir les bons résultats scolaires de ses deux aînés scolarisés depuis leur arrivée en France, à l'âge de cinq et six ans, et de la naissance en France en 2013 de son dernier enfant, elle ne justifie, toutefois, pas de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels de nature à lui permettre de prétendre à l'attribution d'une carte de séjour en application des dispositions précitées du 1er alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne le moyen tiré, par la voie de l'exception, de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d 'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que si, ainsi qu'il a été dit au point 5, la requérante réside en France depuis 2009 et qu'elle peut se prévaloir des bons résultats scolaires de ses deux aînés scolarisés depuis leur arrivée en France, à l'âge de cinq et six ans, et de la naissance en France en 2013 de son dernier enfant, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressée, en situation irrégulière au regard du droit au séjour depuis 2011, s'est soustraite à deux obligations de quitter le territoire français prononcées à son encontre en 2010 et en 2013 et n'a pas respecté son assignation à résidence en 2013 ; que, par ailleurs, elle n'établit pas que la scolarité de ses enfants ne pourrait se poursuivre en Arménie, son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans ; que l'intéressée n'établit pas davantage ni être dépourvue de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine, ni, en tout état de cause, la réalité de ses craintes de persécutions du fait des activités politiques de son époux ; qu'elle ne peut donc pas être regardée comme ayant transféré en France le centre de ses intérêts et n'est donc pas non plus fondée à soutenir que la décision en litige aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées ;
En ce qui concerne le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que le préfet du Gard a méconnu l'étendue de sa compétence :
8. Considérant, contrairement à ce que soutient la requérante, qu'il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige, que le préfet a examiné la possibilité de régulariser la situation de la requérante sur le fondement de son pouvoir de régularisation à titre exceptionnel, prévu par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation :
9. Considérant, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, qu'il ressort des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant :
10. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ";
11. Considérant, d'une part, que l'arrêté en litige n'a ni pour effet ni pour objet d'empêcher la requérante de retourner en Arménie avec ses enfants ni de faire obstacle à la poursuite de la scolarité de ces derniers dans son pays d'origine, où ils auraient été scolarisés jusqu'en 2009 ; que, d'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 7, la requérante n'établit pas, en tout état de cause, la réalité de ses craintes concernant les persécutions dont sa famille serait susceptible de faire l'objet dans ce pays du fait des activités politiques de son époux : que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français contestée aurait méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants ;
Sur la légalité de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public / 2° Si l'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement / (...) " ;
13. Considérant, ainsi qu'il a été dit précédemment, qu'il ressort des pièces du dossier que la requérante s'est soustraite à l'exécution de deux mesures d'éloignement prononcées à son encontre le 3 novembre 2010 et le 4 février 2013 et, qu'en outre, elle n'a pas respecté l'assignation à résidence qui lui avait été imposée dans le cadre de l'exécution de la seconde de ces deux décisions ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet aurait inexactement apprécié sa situation au regard des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en estimant qu'il existait un risque qu'elle se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français en litige et en décidant de l'obliger à quitter sans délai le territoire français ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
15. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la réalité des craintes concernant les persécutions dont serait susceptible de faire l'objet la famille de la requérante du fait des activités politiques de son époux n'est pas établie ; que ce moyen doit être écarté ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- M. Argoud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 février 2016.
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N° 14MA03944