Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 février 2018, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 octobre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 août 2017 du préfet du Gard ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard, dans l'attente du réexamen de sa situation, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 8 jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me A...en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision en litige est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est entachée d'une erreur de fait substantielle ;
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle;
sur la décision fixant le pays de destination :
- le préfet s'est cru à tort lié par les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile, entachée d'une erreur de fait, fait l'objet d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 juin 2018, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 décembre 2017.
La présidente de la Cour a désigné Mme Simon en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., de nationalité albanaise, déclare être entrée le 1er juillet 2016 en France avec son époux et ses trois enfants. Elle a déposé le 26 juillet 2016 une demande d'asile à la préfecture du Gard. L'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par décision du 18 novembre 2016, confirmée le 4 juillet 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Par décision en litige du 11 août 2017, le préfet lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Elle relève appel du jugement du 2 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2017.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation ne comporte aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Marseille par Mme C.... Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de la décision en litige par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, la circonstance que la décision d'éloignement de son mari comporterait une erreur quant à la durée de la présence de son époux en Albanie est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision distincte d'éloignement en litige de Mme C.... Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet n'aurait pas procédé, eu égard à cette erreur, à un examen particulier de sa demande.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Il appartient par ailleurs au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Mme C...déclare être entrée en juillet 2016 en France avec son époux et ses trois enfants mineurs. Il ressort des pièces du dossier que son mari de même nationalité fait l'objet d'une mesure d'éloignement datée du même jour. La scolarisation de ses deux enfants ainés, nés en 2003 et 2004, dans un collège et du troisième en classe de maternelle ne fait pas obstacle à ce que la famille se reconstitue dans son pays d'origine et que les enfants poursuivent leur scolarité en Albanie. Les dispositions précitées ne consacrent pas un droit aux étrangers de choisir librement le pays où établir leur vie familiale. La requérante n'est pas dépourvue d'attache en Albanie où elle a vécu selon ses propres dires jusqu'à l'âge de 38 ans. Dans ces conditions, et alors même que la requérante ferait des efforts d'intégration en France en suivant des cours de français, Mme C...n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que la mesure d'éloignement en litige ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché la décision en litige d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne le pays de destination :
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
7. La requérante, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par décision de l'OFPRA confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, se borne à invoquer les risques encourus par son mari en cas de retour en Albanie et ne fait valoir aucun élément de nature à établir qu'elle serait exposée personnellement à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'État qui serait déposé par Mme C...à l'encontre de cette décision de la CNDA n'a pas d'effet suspensif. La légalité d'une décision administrative s'appréciant à la date à laquelle elle a été prise, le préfet a pu à bon droit estimer qu'il n'existait pas, à la date de la décision en litige, des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressée se trouverait exposée à un risque réel pour sa personne en cas de retour en Albanie. Par suite, en désignant l'Albanie ou tout autre pays pour lequel elle établit être légalement admissible comme pays de destination de la mesure d'éloignement, le préfet du Gard, qui ne s'est pas cru à tort lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA, n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., au ministre de l'intérieur et à Me A....
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, où siégeaient :
- Mme Simon, président-assesseur, présidant la formation du jugement en application de l'article R. 222.26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 27 novembre 2018.
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N° 18MA00567